La première séance du séminaire du Gehec aura lieu le mardi 7 octobre à 17h30 (
local ERAS 75
). Nous accueillerons Robert Philippart.Robert Philippart, directeur de l’Office National du Tourisme du Grand-Duché de Luxembourg, abordera le sujet suivant: « Ultramontanisme, libéralisme et patriotisme dans l’architecture de la ville de Luxembourg (XIXe siècle). Des courants de pensée européenne à la base d’une identité nationale ».
Le Luxembourg, au XIXe siècle se trouve face à un double defi : se construire comme nation et transformer la forteresse de Luxembourg en ville ouverte. D’une part, il y avait le traité de Londres de 1839 qui séparait le Luxembourg de la Belgique et l’érigeait en État independant. Pour survivre économiquement, il se verra amené à entrer dans l’Union douanière avec l’Allemagne. D’autre part, le Congrès de Londres de 1867 proclamait le Luxembourg comme État « perpétuellement neutre », exigeait le départ de la garnison prussienne y installée en vertu de l’appartenance à la Confédération germanique, et le demantèlement des fortifications. Le sort du Luxembourg dépend donc largement des stratégies politiques européennes qui visent à établir une nouvel équilibre politique sur le continent.
Nous sommes à une epoque encore largement marquée par les valeurs de la Révolution francaise. Les relations avec les Églises sont régies par la législation du Concordat. La population se trouve encore sous l’emprise de la laïcisation. L’ère industrielle est déjà fortement marquée par les migrations.
Ce contexte exige donc que les forces sociales, économiques et politiques habitant le territoire grand-ducal lui confèrent du sens, pour lui permettre un développement économique et social durable et lui assurer une survie sur le plan politique.
Trois types de pouvoirs occupent le territoire, et cherchent à octroyer à la population qui l’habite, leurs valeurs particulières : la bourgeoisie, l’Église, le peuple. Une mobilité largement accrue, à la suite de l’introduction du chemin de fer, une coutume generalisée qui faisait étudier les futurs cadres dans des pays de culture germanique et de culture latine, et une diffusion de plus en plus large d’un nombre croissant de magazines specialisés favorisaient les échanges, sur un niveau paneuropeen, entre les protagonistes de chacun de ces trois types de pouvoirs.
Le régime censitaire en place jusqu’en 1919 assure au pouvoir politique une caste sociale très homogène, celle de la bourgeoisie libérale. La Couronne lui assure, pour ainsi dire, le patronage de ses activités, qui visent essentiellement le développement des affaires et l’industrialisation. La politique bourgeoise s’inscrit dans un mouvement paneuropeen qui partage les mêmes types de valeurs, et qui opère partout avec plus ou moins de stratégies similaires.
L’Église ultramontaniste, à son tour fortement organisée dans les différents pays d’Europe, est décidée à regagner le terrain perdu dans la tourmente révolutionnaire. Rome crée en 1870 l’évêché de Luxembourg aux mêmes contours que le Grand-Duché. Il faudra trois ans pour que l’État reconnaisse cette décision de droit. Le catholicisme social se considère comme contrepoids au libéralisme débridé du XIXe siècle, la foi se voit comme antipode de la Raison. Pourtant, Gouvernement libéral et Église s’intéressent au même champ social. Sur un point les deux pouvoirs trouvent un terrain d’entente : oeuvrer en faveur de la cohésion et de la paix sociale – les souvenirs de 1848 et de la Commune sont encore proches.
Le troisième pouvoir, celui du peuple, aspire au pouvoir politique. Il s’identifie carrément au territoire qu’il habite. Il ne supporte pas la concurrence d’un espace économique aussi large que l’Union douanière à laquelle sont venus s’ajouter l’Alsace et la Lorraine. Il se méfie de l’industrialisation, qui à la suite de l’introduction de nouvelles technologies, ignore un savoir-faire artisanal séculaire. Il se sent profondement blessé par la mise sous tutelle culturelle de la bourgeoisie au pouvoir. Le peuple voit sa sensibilité artistique bafouée, il se sent exclu par la langue francaise qui est le langage politique par excellence à la Chambre des Députés. Il faut se battre pour la langue du pays, ses produits du terroir, les compétences traditionnelles de la population autochtone. Le Luxembourg doit devenir luxembourgeois, patriotique.