Félicité Niyitegeka

Refusant d’abandonner ses protégés, Félicité a choisi de mourir à leurs côtés. Elle a donné tout son sens au mot sacrifice.

Lieu d’asile universel, les églises paroissiales rwandaises servirent longtemps de refuge pour les Tutsi fuyant les massacres qui précédèrent le génocide. Hélas, en 1994, ces lieux de foi et de paix devinrent le théâtre de tueries dont l’horreur demeure indicible. Dans cette obscurité, des âmes éclairées refusèrent pourtant de s’éteindre. Les membres du clergé qui choisirent d’aider les réfugiés le firent souvent sans le soutien de leurs supérieurs, voire même parfois en totale désobéissance. Ces prêtres et ces religieuses agirent au nom de Dieu : leur message d’amour et de tolérance est parvenu jusqu’à nous. Leur courage fut si exceptionnel qu’aujourd’hui, les voix s’élèvent pour que ces personnes soient reconnues comme martyrs ou saints. Ceux que Félicité a sauvés pendant le génocide le réclament depuis la fin du génocide.

Félicité Niyitegeka est née en 1934 à Vumbi, dans la commune de Runyinya, dans la préfecture de Butare1. Puînée d’une famille de dix enfants, Félicité étudie à l’école primaire d’Astrida, puis effectue ses études secondaires à Save dans une école dirigée par des religieuses. A la fin de ses études dans les années 1950, Félicité est affectée comme enseignante et surveillante au nord du pays, à l’école de Muramba confiée alors aux « Auxiliaires de l’Apostolat », aussi appelées « Demoiselles ». Le vicariat de Nyundo venait d’être créé et confié au premier évêque rwandais, Monseigneur Aloys Bigirumwami.

Issue d’une famille à la foi éprouvée – son père Simon Sekabwa était catéchiste -, Félicité devient la première africaine à répondre à la vocation d’Auxiliaire de l’Apostolat2. Destinées à travailler de près avec l’évêque de leur ressort, les Auxiliaires de l’Apostolat sont d’ailleurs surnommées en kinyarwanda « Abakobwa ba Musenyeri », « Les filles de l’évêque ». Monseigneur Bigirumwami envoie Félicité se former à Lourdes, où se trouvait et se trouve encore le centre mondial de formation des Auxiliaires de l’Apostolat.

De retour au Rwanda, Félicité devient l’une des figures de proue des Auxiliaires de l’Apostolat. D’abord gérante du lycée Notre-Dame d’Afrique de Nyundo, l’évêque l’envoie à nouveau à Lourdes en 1963, comme accompagnatrice de ses consœurs africaines. Elle en revient six ans après et se voit confiée la direction du Centre Saint Pierre, le centre diocésain de formation et de retraite des Auxiliaires de l’Apostolat. Sa renommée traverse la frontière jusqu’à Goma, au Zaïre (ex-République Démocratique du Congo), où elle collabore avec des consœurs.

Félicité a toujours aspiré à se donner et à se consacrer à la cause des autres, en particulier celle de ceux qui en ont le plus besoin, qu’ils soient Hutu ou Tutsi. Elle le démontrera, au prix de sa vie, lors du génocide survenu au Rwanda en 1994.