Une héroïne nationale

Félicité ne s’est pas seulement donnée dans la mort : sa vie entière fut consacrée à son prochain. Elle prodiguait des conseils d’éducation aux parents, poussait les enfants à la scolarisation, allant même jusqu’à payer leurs frais de scolarité. Sur sa colline d’origine, Félicité était toujours citée comme modèle. Tourmentée par l’escalade progressive des conflits entre Rwandais, au cours de ses formations, elle demandait aux gens d’enseigner la paix, l’amour et la non-discrimination ethnique.

Sa petite sœur nous raconte : « Félicité avait semé en nous les germes de l’amour, si bien que nous ne savions plus à quelle ethnie nous appartenions. Nous étions conscients d’être des enfants de Dieu, tout simplement ». Ainsi, sa sœur savait, lorsque le génocide éclata, que Félicité allait mourir : « Elle ne pouvait pas supporter de voir les autres mourir sous ses yeux ».

Son sacrifice est gravé dans le cœur de tous ceux qu’elle a aidés et sauvés. Les survivants de Nyundo la remercient pour son héroïsme et sa force de caractère. Tous souhaiteraient que Félicité Niyitegeka soit proclamée sainte. En 2011, le gouvernement l’a élevée au rang d’héroïne nationale. Accepter de donner sa propre vie pour son prochain, quelle que soit son origine, c’est bien plus qu’un acte de foi. C’est un acte de pure humanité.

Terminons sur les mots de son frère cadet, Laurien Ntezimana : « Je me risque à parler pour la première fois de ma « bienheureuse » Félicité. Je l’appelle bienheureuse, non pas parce qu’elle aurait été proclamée telle par l’Eglise catholique qu’elle aimait comme sa Mère et pour laquelle elle s’est livrée corps et âme, - Eglise qui la reconnaîtra finalement comme sainte, je n’en doute guère -, je l’appelle bienheureuse simplement parce que je considère qu’elle l’est : de son vivant, je l’ai toujours vue pacifiée et rayonnante, jamais dolente ou abattue. Je n’étais pas là au moment de son témoignage suprême. Mais je suis absolument certain que c’est dans un sublime moment d’oblation, en toute conscience et remplie de gratitude, qu’elle a offert sa vie. Offert sa vie en signe de refus d’être séparée de celles qui venaient d’être assassinées. Offert sa vie aussi en signe de protestation contre tant de gâchis et pour obliger les tueurs à prendre conscience de leurs méfaits. A-t-elle réussi à toucher leurs cœurs endurcis ? Sûrement, au moins pour quelques-uns qui furent étonnés par tant de « naïveté1 » jointe à tant d’intrépidité »2.