A Gisenyi, le génocide commence le 7 avril 1994. Depuis trois jours, une session de formation se tient au Centre Saint-Pierre et réunit des jeunes filles, Hutu et Tutsi. Bien que les massacres n’atteignent pas tout de suite la zone dans laquelle se trouve le centre, Félicité reconnaît immédiatement le danger. Elle réconforte les filles en les encourageant à prier et à ne pas perdre courage. Ce qu’elle apprend au sujet des massacres à l’extérieur, Félicité le tait, pour préserver les résidentes et empêcher que des tensions ne s’installent au sein de la communauté. Pendant quelques temps, elle réussit à isoler le centre. Elle seule répond au téléphone et ouvre le portail. La présence de Tutsi est, pour le moment, ignorée. Le Centre Saint-Pierre devient pourtant progressivement un véritable havre de paix pour les réfugiés fuyant le génocide. « Nous avons accueilli tout le monde et personne n’a été repoussé », rapporte une consœur. Un survivant raconte que Félicité a accueilli sa famille et leur a « apaisé le cœur ». Les Auxiliaires de l’Apostolat nourrissent les réfugiés grâce aux produits récoltés dans les champs du centre. Lorsque la nourriture vient à manquer, Félicité se rend au marché. Elle propose aussi aux filles Hutu, n’étant pas visées directement par les tueries, de rentrer chez elles, afin d’économiser les ressources. De plus, de nombreux blessés étant présents parmi les réfugiés, Félicité s’occupe d’aller acheter des médicaments, en particulier pour soigner les enfants victimes de coups de machette. La rumeur selon laquelle le centre deviendrait un lieu de protection croît et le nombre de réfugiés avec. Félicité leur ouvre alors toutes les maisons du centre. Les gens se cachent partout, même dans les plafonds. Félicité circule la nuit dans la cour, veillant à la sécurité de tous ses protégés. Lorsque les miliciens Interahamwe1 viennent au centre, Félicité leur ouvre, seule, et leur dit qu’il n’y a personne. Ils repartent à chaque fois. Malheureusement, les tueries se rapprochent et la présence de Tutsi au Centre Saint-Pierre n’est plus un secret. Apprenant cela, Félicité cherche immédiatement une solution pour évacuer les plus vulnérables. Elle réussit à soudoyer les militaires tenant la barrière de Gisenyi, et les convainc de laisser passer les gens qu’elle leur enverra. A deux reprises, Félicité permet ainsi à une vingtaine de Tutsi de passer la frontière zaïroise. Une survivante raconte : « Elle a ouvert un passage dans la clôture et nous y sommes passés. Après vingt minutes, nous étions déjà au Zaïre ». Le 20 avril, un autre groupe est censé partir. Pourtant, on apprend que, au courant de ces fuites, les Interahamwe se préparent activement à attaquer le centre.
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