Europe en tant qu'espace sujet de projets d'organisation variant à travers le temps, puis acteur d'une construction institutionnelle soumise à l'influence de facteurs politiques, économiques, sociaux et culturels mettant en lumière l'existence de plusieurs Europes qui entretiennent un jeu complexe de relations entre elles, d'une part; avec l'Autre non-européen, d'autre part. Le module privilégie donc l'histoire de la construction européenne au sens large du terme en favorisant l'approche transeuropéenne qui est également mise en avant à propos du rapport à l'Outre-Mer.
Mardi 5 octobre 2010 – Els Witte (VUB) : « De politieke-maaschappelijke rol van de historici in het naoorlogse België (1944-1956) ».
Els Witte est professeur d’histoire contemporaine à la VUB et auteur de plusieurs livres et articles sur l’histoire politique de la Belgique du XIXe siècle et de l’après Seconde Guerre mondiale. Directrice du BRIO (Brussel Informatie en Onderzoekscentrum), elle a présidé le Conseil de la VRT (1988-1994) et a été rectrice de la VUB (1994-2000). Elle est aussi membre, depuis 1988, de l’Académie royale.
Mardi 9 novembre 2010 – Olivier Dard (Université de Metz) : « L’approche renouvelée de l’histoire du patronat en France».
Professeur d’histoire contemporaine à l’université Paul Verlaine-Metz, Olivier Dard est spécialiste de l’histoire politique et notamment de l’histoire des élites. Il a particulièrement travaillé sur les technocrates (Jean Coutrot, X-Crise), les relèves de l’entre-deux-guerres (Bertrand de Jouvenel) et les droites nationalistes (Action française, OAS) et les mythologies du complot (synarchie, subversion). Concernant l’histoire du patronat, il a notamment co-dirigé deux volumes : Olivier Dard, Gilles Richard, Les permanents patronaux : éléments pour l’histoire de l’organisation du patronat en France dans la première moitié du XXè siècle, Metz, Centre de recherche histoire et civilisation de l’université de Metz, 2005, 338 p et Dominique Barjot, Olivier Dard, Jean Garrigues, Didier Musiedlak et Eric Anceau (dir), Industrie et politique en Europe occidentale et aux Etats-Unis (XIXè-XXè siècles), Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2006, 477 p. Il participe également au Dictionnaire des patrons et du patronat français au XXe siècle (1880-2000) à paraître chez Flammarion à l’automne 2010 sous la direction de Jean-Claude Daumas.
L’approche renouvelée des groupes de pression, en particulier patronaux, en histoire contemporaine est un objet qui suscite un intérêt marqué de l’historiographie depuis plusieurs décennies. Il est inséparable d’un questionnement plus large qui frise souvent la polémique sur la question de l’influence et qui a largement accompagné des discours engagés et certaines mythologies politiques dominées par le conspirationnisme. On pourrait y ajouter des lieux communs bien connus et identifiés. Il s’agit cependant d’opérer ici une œuvre de démythification. Cette intervention sera construite en trois étapes. Nous soulignerons tout d’abord comment l’historiographie française, tributaire de ces représentations, s’est employée dans des études pionnières, à les déconstruire en privilégiant de fait une histoire des patrons et de leur influence beaucoup plus qu’une histoire des organisations patronales. Nous montrerons dans un second temps comment, sous l’influence en particulier de travaux anglo-saxons, l’historiographie des organisations patronales s’est progressivement développée, et diversifiée. Enfin, dans un troisième temps nous nous attacherons à articuler les acquis de cette historiographie à trois enjeux majeurs que sont la périodisation, le comparatisme et les transferts.
Mardi 14 décembre 2010 – Justine Lacroix (Université Libre de Bruxelles) : « Débat d’idées sur les enjeux de la construction européenne ».
Justine Lacroix est professeur de sciences politiques à l’ULB. Elle a notamment publié La pensée française à l’épreuve de l’Europe (Paris, Grasset, 2008) et L’Europe en procès. Quel patriotisme au-delà des nationalismes (Paris, Editions du Cerf, 2004). En collaboration avec Kalypso Nicolaïdis, elle vient de terminer European Stories. Intellectual Debates on Europe in National Contexts qui paraîtra à l’automne chez Oxford University Press.
C’est de ce dernier ouvrage dont il sera question lors de cette séance. Construit autour de différentes études de cas, l’opus analyse la façon dans les intellectuels ont réagi à la construction européenne en France, en all, en Roumanie, en Italie… Mais, au-delà du débat d’idées sur les enjeux de la construction européenne, la séance permettra de revenir sur le concept d’«intellectuels».
Mardi 1er février 2011 – Hubert Roland : « Les images de l’Allemagne en Belgique 1830-1940 : du principe de complémentarité des auto- et heteroimages».
Hubert Roland est chercheur qualifié du Fonds National de la Recherche Scientifique (F.R.S.-FNRS) et chargé de cours en littérature allemande et comparée à l’UCL. Boursier de la Fondation Alexander von Humboldt/ Humboldt-Stiftung à la Philipps-Universität Marburg 1998-1999 et à la Wilhelms-Universität Münster 2009. Principaux intérêts de recherche : le réalisme magique en Europe et les frontières du réalisme dans la littérature narrative du 20e siècle ; transferts culturels franco- et belgo-allemands au 19e et au 20e siècle ; avant-garde et guerre.
Un des principes de base de l’imagologie comparée porte sur la forte complémentarité des images de la culture de l’autre et de la sienne, qui se conditionnent mutuellement. En d’autres termes, le discours sur l’autre nous en apprend autant, et même davantage, sur nous-mêmes que sur celui-ci. Les images de l’Allemagne véhiculées en Belgique dès les années 1830 confirment pleinement cette théorie. Car dans l’affirmation forte du mythe de l’entre-deux, de la « fusion de romanisme et de germanisme », qui culminera à la fin du 19e siècle dans les textes d’Henri Pirenne et d’Edmond Picard, la construction identitaire belge se fonda en partie sur la culture et la civilisation allemande, nécessaire contrepoids à la puissante influence française.
Le traumatisme de l’invasion d’août 1914 tient donc aussi de la chute brutale et inattendue d’un modèle symbolique, que personne ne souhaitait. Comme le dit le protagoniste du premier roman d’Henry Bauchau, La déchirure (1966), à propos de l’incendie de Louvain : « L’incendie de Sainpierre modifie fondamentalement nos rapports avec eux. Avant cela, seulement nos ennemis, ils sont ensuite des barbares. Comme si nous nous étions toujours trompés sur eux, et peut-être aussi sur nous-mêmes » (cité d’après l’édition Labor du roman, collection « Espace Nord », 1986, p. 32).
Le présent exposé fera appel à l’abondante matière d’un volume collectif, rassemblant 16 articles de chercheurs belges (francophones et néerlandophones) et allemands, analysant cette thématique dans la durée (Deutschlandbilder in Belgien 1830-1940 ; éd. par H. Roland, M. Beyen & G. Draye, Münster, Waxmann, 2010). Il s’attardera plus particulièrement sur l’entre-deux-guerres et la redéfinition du rapport à l’Allemagne, entre la rupture de 1914-1918, l’avènement du national-socialisme et une certaine continuité avec les images d’avant 1914.
Mardi 1er mars 2011 – Jürgen Elvert et Sylvain Schirmann: « Ces chers voisins. La France, l'Allemagne et la Belgique. XIXe - XXIe siècles ».
Conçus en l’honneur de Marie-Thérèse Bitsch, ces actes s’intéressent à "Ces chers voisins" sur la longue durée. Les contributions réunies dans ce volume analysent les rapports complexes que les trois nations – Allemagne, Belgique, France – ont avec l’Europe. Le dépassement de leurs déboires et relations conflictuels ont permis aux « chers voisins » d’être des éléments pivots de la construction européenne. Silvain Schirmann évoquera les principales conclusions et perspectives issues de cette publication et Jürgen Elvert nous parlera de l'européanisation de la démarche historienne.
Mardi 12 avril 2011 – Philippe Beck: « "Weltbürger" und "Volksdeutsche". Les écrivains Peter Schmitz et Josef Ponten sur la situation en Eupen-Malmedy et en Europe entre 1920 et 1940 ».
Philippe Beck est Docteur en Langues et Lettres (orientation littérature allemande et histoire contemporaine), chargé de cours à l’UCL et collaborateur du quotidien Grenz-Echo. Ses principaux intérêts scientifiques sont l’imagologie, les relations culturelles entre la Belgique et l’Allemagne, la littérature de langue allemande en Belgique et l’histoire d’Eupen-Malmedy.
En 1919 le territoire d’Eupen-Malmedy fut, après environ cent ans de règne prussien, rattaché à la Belgique. Peter Schmitz (1887-1938) et Josef Ponten (1883-1940), tous les deux nés dans la région Eupenoise, avaient connu la guerre en portant l’uniforme allemand. Pendant que Schmitz, un simple antiquaire et journaliste, soutenait activement l’intégration d’Eupen-Malmedy dans le Royaume, Josef Ponten se voyait à Munich comme un intellectuel dont le devoir était de combattre cette „injustice historique“ commise à Versailles. Proche de Thomas Mann, il participa aux discours européistes et prônait une hétéro-image positive de la France dans les livres scolaires allemands. Mais déjà au début des années ’30 il se montrait plus amer et réactivait avec ses romans historiques du cycle Volk auf dem Wege. Roman der deutschen Unruhe (1930-31/1933-1942) le stéréotype de la France comme ennemie héréditaire de l’Allemagne.
Peter Schmitz, pour sa part, participa à la lutte autour de la mémoire de la Grande Guerre, qui marqua la littérature allemande des années ‘20 et ‘30, en publiant le roman Bataillon Eupen-Malmedy/Golgatha (1931/1937), inspiré par le succès mondial de A l’Ouest rien de nouveau (1928/1929) de Erich Maria Remarque. En tant que journaliste et comme figure clé pour les services de renseignements alliés en région frontalière, Schmitz essaya de combattre toute forme de militarisme et le réarmement du Troisième Reich. En mai 1940 les forces allemandes détruisirent ses écrits, interrogèrent sa veuve et exhumèrent son corps demeurant au cimetière d’honneur d’Eupen.
Mardi 3 mai – Christophe Brüll : « La Belgique dans l’Allemagne d’après-guerre. Occupation, Rapprochement, Compensations (1944-1958) ».
Christoph Brüll (°1979), docteur en philosophie (orientation : histoire contemporaine) de la Friedrich-Schiller-Universität d’Iéna (Allemagne), est chargé de recherches du F.R.S.-FNRS à l’Université de Liège. Ses centres d’intérêt scientifiques portent sur les relations belgo-allemandes, l’intégration européenne, l’histoire de la mémoire et celle de l’historiographie allemande. Son projet post-doctoral porte sur les continuités de la « Westforschung » allemande après 1945. Les relations belgo-allemandes ne constituent pas un champ de recherches souvent fréquenté par des chercheurs de part et d’autre de la frontière – à l’exception des deux occupations allemandes de la Belgique. Cette observation est encore plus nette pour la période après 1945.
Dans notre thèse qui est à la base de notre exposé, nous nous sommes efforcés de combiner une approche relativement classique de l’histoire diplomatique avec l’histoire sociale et celle des représentations et mentalités. En effet, l’analyse des plans belges pour l’après-guerre, des demandes de réparations territoriales et économiques et de l’occupation d’une partie de la zone d’occupation britannique par des troupes belges ne se fait pas seulement au niveau des ministères Affaires étrangères, mais également au niveau des principaux concernés : les soldats belges en Allemagne et la population frontalière. La présentation à différents niveaux de récit permet l’analyse des interactions entre la « grande politique » alliée et le quotidien des « concernés ».
Après la création de la République Fédérale d’Allemagne, un rapprochement politique entre la Belgique et celle-ci a lieu dans les années 1950 dans un contexte de guerre froide – rappelant la nécessité d’intégrer les Allemands dans le bloc de l’ « Ouest » – et des débuts de l’intégration européenne – discours dominant dans les justifications du rapprochement avec l’ancien ennemi. Ici, c’est la représentation de l’ « autre » qui guide l’analyse.
Le terminus ad quem est constitué par la ratification du traité bilatéral du 24 septembre 1956 par les deux parlements en 1958. Nous évoquerons la question du prix de la rapide (comparée aux Pays-Bas ou à la France) réconciliation politique, notamment sur le plan de la société civile. Les relations belgo-allemandes après 1945 apparaissent ici surtout comme un processus d’apprentissage ayant pour objectif la volonté de ne plus commettre les mêmes erreurs que pendant l’entre-deux-guerres.
Sur base de nouvelles recherches dans les archives, l’exposé propose finalement quelques réflexions sur les concepts de « réconciliation » et de « confiance » dans l’histoire des relations internationales.