Catherine Horel (CNRS - IRICE) sera la prochaine invitée du séminaire mensuel du CEHEC, le mardi 1er décembre 2009 à 17h. Elle nous parlera de son livre consacré à l'Europe centrale, des Habsbourg à l'intégration européenne.
Communication de Catherine Horel:
Au lendemain de l’adhésion des pays d’Europe centrale à l’Union européenne, il est légitime de réfléchir sur la place de cet espace au sein du continent européen. À l’heure où se pose la question des frontières et des limites de l’ambition d’une Europe unie, l’Europe centrale se trouve une fois de plus placée dans une situation périphérique. Les pays concernés répugnent le plus souvent à cette appellation dans laquelle ils voient une mise à l’écart de l’Occident. Les frontières de cet espace du centre sont elles aussi mouvantes. Nos perceptions actuelles sont indéniablement marquées par la Guerre froide, qui a fait disparaître l’Europe centrale du paysage européen, alors qu’elle était bien présente dans l’entre-deux-guerres, notamment du point de vue français. Certains auteurs partent d’ailleurs du principe que seules l’Europe occidentale et l’Europe orientale existent. Le centre a été une fois de plus relégué dans une périphérie globalisée par le terme d’ « Europe de l’Est », alors que ses pays se voulaient au contraire proches de l’Ouest. Malgré les aspirations occidentales de ses sociétés, l’histoire de la région et son appartenance à l’ « empire du milieu » version européenne, en font un espace intermédiaire entre deux puissances sinon menaçantes du moins potentiellement dangereuses – quelque aient pu être leurs régimes politiques – que sont l’Allemagne et la Russie.
Désormais intégrée dans l’Union européenne, l’Europe centrale est-elle destinée à demeurer une réalité pour ses seuls intellectuels et les historiens qui en on fait leur objet d’étude, de même que pour les touristes ? Ce qui reste de l’Europe centrale après l’élargissement de 1989 serait donc un univers mental fait de la conscience de ses nations d’être mortelles et une entité où la culture joue un rôle surévalué. L’Europe centrale a pourtant la prétention de devenir « normale » ainsi que l’on affirmé ses dirigeants au moment de l’adhésion de 2004, c’est-à-dire de s’inscrire dans une durée longue caractéristique des grandes nations occidentales. Mais malgré cette nouvelle conscience de soi dont ses nations désormais intégrées dans un système de sécurité et, il faut l’espérer, de prospérité, jouissent, l’Europe centrale ne peut se défaire de son histoire et de ses repères à jamais communs. L’Europe centrale reste donc à la fois une région inscrite dans les mentalités et les souvenirs, un monde de cultures et de sensibilités différent, et à ce titre un espace à part entière de l’Europe qu’elle doit contribuer à enrichir en lui rappelant sans cesse par sa présence à ne pas oublier son passé.
Catherine Horel, directrice de recherche au CNRS (IRICE, Université de Paris I) est spécialiste de l’Europe centrale contemporaine. Membre de plusieurs organisations et équipes de recherche internationales, elle a enseigné à Strasbourg III (Centre d’études germaniques), à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve (Institut d’études européennes), à l’Université de Vienne ainsi qu’à Paris I. Elle est l’auteur entre autres de : Histoire de Budapest, Paris, Fayard, 1999 ; La restitution des biens juifs et le renouveau juif en Europe centrale (Hongrie, Slovaquie, République Tchèque), Wiener Osteuropa Studien, Peter Lang, Berne, 2002 ; De l’exotisme à la modernité. Un siècle de voyage français en Hongrie (1818-1910), Budapest, ELTE (Új és Jelenkori Egyetemes Történeti Tanszék), 2004.
La présentation de Catherine Horel sera précédée d'une communication d'Albrecht Betz (RWTH-Aachen):
Quelle Allemagne après la guerre? Une controverse entre exilés allemands dans l'immédiate avant-guerre (1939)
Pour la plupart des émigrés allemands et autrichiens qui vivaient en France (30.000 environ), l'atmosphère fébrile de cet été 1939 était ressentie comme une menace directe. Les angoisses et les dépressions des émigrés croissaient proportionnellement aux réactions hystériques du pays d'accueil. Depuis l'échec du Front populaire, la presse française de droite donnait incontestablement le ton et attisait la xénophobie et la crainte de l'espionnage. Pour satisfaire les émigres, on expulsa bien le chargé d'affaires aux relations franco-allemandes de Ribbentrop, le futur ambassadeur de la période d'occupation, Otto Abetz, sous le prétexte qu'il était le chef d'une « cinquième colonne ». Cependant, l'opinion publique commençait a ne plus faire de distinction entre nazis et antifascistes et mettait dans le même sac ceux qu'elle considérait comme des ennemis allemands. Otto Abetz, Friedrich Sieburg et autres allemands « médiateurs » entre l'Allemagne et la France étaient déjà, pendant les années trente, des habitués du Salon Didier, considérant Bruxelles comme station de relais entre Berlin et Paris.
Le Professeur Albrecht Betz enseigne la littérature allemande à la RWTH-Aachen (Université d’Aix-la-Chapelle) et est actuellement professeur invité à l’UCL. Il est notamment spécialiste de Heinrich Heine, des rapports entre musique et littérature, esthétique et politique (Hanns Eisler) et de la littérature de l’exil allemand antifasciste en France 1933-1945. Certains de ses ouvrages ont été traduits dans six langues. Choix de publications représentatives : Heinrich Heines Prosa (Munich, C. Hanser, 1971 – édition revue et élargie en 1999) ; Musique et politique : Hanns Eisler. La musique d’un monde en gestation, Paris, le Sycomore, 1982 ; Exil et engagement : les intellectuels allemands et la France, 1930-1940, Paris, Gallimard, 1991. Projet de recherche actuel sur les réseaux des intellectuels et de la collaboration en France, et leurs ramifications en Belgique francophone. Cf. Les intellectuels et l’occupation 1940-1944. Collaborer, partir, résister ; éd. Par A. Betz & S. Martens, Paris, Ed. Autrement, 2004.
Le séminaire se tiendra au Collège Érasme, Place Blaise Pascal à Louvain-la-Neuve, local d243. Il débutera exceptionnellement à 17h.