En cachant les Tutsi réfugiés à l’église de Nkanka et en les aidant à fuir, le père Baudouin Busunyu savait qu'il risquait sa propre vie ; il a pourtant incarné le sens même du devoir chrétien. La plupart des survivants du génocide survenu au Rwanda en 1994 doivent la vie à quelques rares individus qui firent preuve d'un courage hors du commun pour les protéger. Défiant l’endoctrinement haineux et les pressions de toutes parts, ces personnes ont souvent agi seules et de leur propre initiative, au cœur d’une situation d’une violence démesurée. Dans plusieurs familles Hutu, il y eut des héros qui sauvèrent les vies de Tutsi menacées d’extermination. Ce ne fut pas sans difficultés qu’ils agirent ainsi. Les conflits furent fréquents : certains se montrèrent favorables au génocide tandis que d’autres s’y opposèrent. C’est le cas de la famille de le père Baudouin Busunyu dont nous dressons ici le portrait. Il cacha et sauva plusieurs Tutsi pendant le génocide, alors que son propre père, Michel Busunyu, se trouvait à la tête des Interahamwe1 de sa commune. Au moment du génocide, le père Baudouin Busunyu était vicaire à la paroisse de Nkanka, dans la commune de Kamembe, dans la préfecture Cyangugu, au sud-ouest du Rwanda. Il se soucia véritablement de la situation des centaines de Tutsi réfugiés dans sa paroisse. Il fut prêt à risquer sa propre vie pour les secourir. Il opéra clandestinement et en toute discrétion, sans compter sur le curé de sa paroisse, indifférent à la situation des réfugiés. Il évita également que son père soit informé de ses actes de bravoure. Le père Baudouin fit preuve de compassion et de compréhension à l’égard des réfugiés et leur offrit un secours pratique. Il créa un réseau d’évasion en collaboration avec d’autres religieux afin de faire passer la frontière à certains réfugiés pour qu’ils gagnent le Zaïre, (ex-République démocratique du Congo). A pied, il se rendit avec eux aux bords du lac Kivu et paya des piroguiers pour qu’ils les amènent au Zaïre, allant jusqu’à accompagner certains jusqu’à leur destination pour garantir leur sécurité. Un jour, sur le chemin du retour, le père Baudouin fut capturé par une patrouille de miliciens. Il fut roué de coups mais parvint à les soudoyer pour qu’ils le libèrent. Cet incident ne fit que raviver sa détermination, il poursuivit ses efforts pour sauver des Tutsi jusqu’à la fin du génocide. Lorsque les militaires du FPR-Inkotanyi2 prirent le pouvoir en juillet 1994, le père Baudouin craignit des représailles à cause de l’implication de son père dans le génocide – il portait le même nom. Il estima alors nécessaire de fuir le pays et s’installa dans les camps de réfugiés Hutu à l’Est du Zaïre, où il fut tué début 1997. Les survivants de la paroisse de Nkaka se souviennent d’un prêtre courageux qui fit de son mieux pour les secourir, bien que dépourvu de l’appui et de l’assistance de son curé. Ils regrettent sa mort et entendent maintenir vivace son héritage : un prêtre qui aura contribué à racheter la mauvaise conscience de l’église, d’une inaction remarquée durant le génocide.
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