Le bourgmestre donne l’ordre d’emmener tous les survivants au bureau de la commune de Kamembe, prétendant que leur sécurité y sera assurée. Tous les garçons sont tués en cours de route. Malgré tout, le père Baudouin continue clandestinement à leur apporter de la nourriture et des couvertures pour résister au froid de la nuit. A une femme dont tous les vêtements ont été pris par les miliciens, il lui en cherche d’autres. N’en trouvant pas, il lui ramène le tissu couvrant l’autel de la chapelle. Considérant que la vie des réfugiés est en danger, le père décide d’organiser leur fuite de nuit. Il collabore avec des piroguiers sur le lac Kivu qu’il paye, souvent avec son propre argent, afin de négocier la traversée vers le Zaïre. Il commence par faire fuir les personnes dont la vie est le plus en danger. Il fait tout à pied : apporter de la nourriture, des ustensiles de cuisine et des couvertures, organiser la fuite des survivants, les accompagner et les guider jusqu’à Bukavu. Le père Baudouin aide également certains Tutsi réfugiés au stade Kamarampaka, à quelques dizaines de kilomètres de la paroisse de Nkanka, à fuir vers Bukavu, en collaboration avec le père Oscar Nkundayezu de la cathédrale de Cyangugu. Ce dernier est un prêtre Hutu qui protège les réfugiés du stade. Il est assisté dans cette tâche par Félicien Bahizi, un séminariste, également d’origine Hutu. Ils s’arrangent pour sortir les gens du stade en soudoyant les miliciens et les forces de l’ordre. Ils les cachent à la cathédrale de Cyangugu, située à quelques mètres. Le père Oscar téléphone alors à au père Baudouin. Celui-ci part à pied de la paroisse de Nkanka (à environ deux heures de marche) pour faire traverser ces réfugiés, à des heures très tardives, avec l’aide des piroguiers congolais qu’il a payés. Afin de s’assurer qu’ils arrivent bien à destination, il les accompagne souvent jusqu’à Bukavu. Dans ses opérations de sauvetage, le père Baudouin prend d’énormes risques. Un jour, de retour du lac, des Interahamwe l’attrapent et le frappent violemment, l’accusant d’aider les Tutsi. Il nie les faits et avance qu’il rentre de Bukavu saluer sa tante. Les miliciens ne le croient pas et continuent à le rouer de coups. Il leur donne alors de l’argent pour sauver sa vie. Pourtant, cela ne le décourage pas : le père continuera à aider les réfugiés à fuir jusqu’à la fin du génocide, en juillet 1994 quand il prend la fuite à son tour, pour le Zaïre. D’abord accueilli par des prêtres zaïrois, il va vivre ensuite avec des réfugiés Hutu rwandais, dans le camp de Kashusha, dans le sud Kivu, à une trentaine de kilomètres au nord de la ville de Bukavu. En novembre 1996, alors que le père Baudouin célèbre la messe en compagnie d’un autre prêtre rwandais, le camp de Kashusha est attaqué, à l’arme lourde, par les troupes rwandaises du FPR et congolaises de l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo) de Laurent Désiré Kabila. Plusieurs réfugiés trouvent immédiatement la mort. Le père prend la fuite avec quelques chrétiens, suivant la colonne des réfugiés Hutu. Arrivés à Shanji (Sud-Kivu) début 1997, ils sont attaqués par des membres de la communauté des Babembe. Ces derniers pensent que les réfugies Hutu rwandais ont de l’argent. Au cours de cette attaque, le père Baudouin est mortellement blessé à l’arme blanche. Dépourvu de tout secours médical, il succombe à ses blessures. Lors des commémorations annuelles du génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda, les survivants de Nkanka évoquent sans cesse le courage exceptionnel de le père Baudouin Busunyu. Ils rappellent combien il a risqué sa vie pour sauver la leur, agissant contre la volonté de son curé et de son père. Ils gardent le souvenir d’un homme d’une grande piété, et au sens du devoir chrétien. Ils soulignent que ses actions le distinguent de celles de son père, Michel Busunyu, condamné à la prison à vie pour sa participation au génocide.
|