Le 18 avril 1994, le gouvernement intérimaire, réfugié à Gitarama depuis le 12 avril, convoqua la réunion de tous les bourgmestres de cette préfecture et intensifia la pression sur eux pour commencer le génocide dans leurs communes respectives. Des instructions furent données dans ce sens. Le premier ministre Jean Kambanda1 leur demanda de dresser la liste des complices du Front patriotique rwandais. Callixte souligna qu’aucune enquête n’avait été faite pour les identifier. Le premier ministre se moqua de lui, il lui demanda s’il n’y avait pas d’intellectuels tutsis dans sa commune. Certains bourgmestres se mirent à écrire et remplirent une ou plusieurs feuilles avec des noms. Callixte écrivit sur la sienne: « liste à dresser après enquête ». Le bourgmestre de Nyakabanda, assis à côté de lui, écrivit la même chose. Le soir-même, le génocide débuta officiellement dans certaines communes de Gitarama. A son retour à Mugina, Callixte réalisa que certains de ses habitants ainsi que des policiers s’étaient désolidarisés. Les Interahamwe étaient en effet parvenus à diviser la population de Mugina et à monter certains Hutu contre les Tutsi. Mais le bourgmestre n’abandonna pas son combat de résistance au génocide et continua sa lutte avec l’aide de quelques policiers de sa commune et des réfugiés, les encourageant à résister pour leur survie. Ils réussirent ainsi à neutraliser les attaques des Interahamwe des communes voisines, notamment des réfugiés hutus burundais installés à Ntongwe et des Interahamwe de Runda. Callixte chercha s’il était possible de se réfugier vers le Burundi, mais constata que des barrières étaient érigées partout. Il réussit cependant à organiser l’évacuation de certains Tutsi très recherchés par les Interahamwe vers Kabgayi (Gitarama), un haut-lieu de l’église catholique où s’étaient rassemblés des milliers de personnes en quête de protection. Bien que sa vie soit en danger, le bourgmestre demeura avec les réfugiés Tutsi et leur répéta que personne ne serait tué tant qu’il serait en vie. Alors qu’une partie de sa population se laissait abuser par les diatribes meurtrières du gouvernement intérimaire et que des communes voisines étaient à feu et à sang, Callixte sillonna sans relâche les huit secteurs de sa commune, exhortant sans cesse la population à résister au génocide. Il réussit ainsi à constituer rempart contre le génocide jusqu’à son assassinat, le 21 avril 1994, par les Interahamwe de la commune de Ntongwe, alors qu’il rentrait d’une réunion à Gitarama. Il fut assassiné avec son chauffeur et un ami qui s’était réfugié chez lui. Le soir de son assassinat, le génocide commença à Mugina et se poursuivit le lendemain. Des milliers de Tutsi furent tués dans leurs habitations, dans les bâtiments de l’église et les édifices communaux.
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