De la colonisation à l'indépendance

Depuis le 17ème siècle, le Rwanda était un royaume dominé par les Tutsi. Le Roi et sa cour avaient une forte emprise sur le reste de la population. En 1885, à la suite de la conférence de Berlin de 1884 qui organisa le partage de l’Afrique entre les colonisateurs européens, le Rwanda devint un protectorat allemand. Le pays s’appuyait à ce moment-là sur un système de clientélisme instauré par la monarchie Tutsi, partant de la cour royale et se reproduisant à tous les niveaux de la société. Ce système fut maintenu sous le protectorat allemand qui l’instrumentalisa en vue d’imposer son propre mode d’administration. Ainsi, au-dessus de l’autorité royale, se trouvait désormais l’autorité du « Blanc », transformant le pouvoir suprême du Roi en pouvoir subalterne. C’était l'administration indirecte.

En 1916, l’Allemagne, affaiblie par la 1ère guerre mondiale, perdit son protectorat sur le Rwanda. En 1919, le traité de Versailles confia alors la tutelle du Rwanda à la Belgique, qui l’administra jusqu’à l’indépendance en 1962. Se fondant sur la thèse hamitique raciale, les autorités coloniales belges et le clergé catholique qui constituait leur allié, considérèrent les Tutsi comme plus proches de la race blanche, et donc supérieurs aux Hutu et aux Twa de race négroïde. Cette thèse donna lieu, surtout entre 1926 et 1932, à plusieurs décisions aux conséquences désastreuses. Ainsi, l’accès aux administrations publiques et à l’enseignement fut presque exclusivement réservé aux Tutsi. Cette stratégie politique permit aux Tutsi en général d'acquérir un ascendant sur la population Hutu, ce qui accentua la division sur base ethnique déjà existante. La délivrance, en 1931, d’une carte d’identité à chaque Rwandais indiquant l’ethnie, posa les jalons d'une séparation systématique des Hutu, des Tutsi et des Twa. Elle ancra surtout le clivage ethnique entre les deux premiers, ce qui permit de polariser tous les enjeux sociaux autour de cette dualité Hutu/Tutsi.

Cette politique dura environ trois décennies. Puis, subitement, vers la fin des années 1950, les autorités coloniales et le clergé belges changèrent radicalement leur stratégie politique et décidèrent de favoriser les Hutu au détriment des Tutsi. Une des raisons officielles avancées à l'époque fut que les Belges avaient soudainement pris conscience de l'injustice, réelle, infligée aux Hutu. C'est une hypothèse. Toutefois, une autre explication tout aussi réaliste existe. En effet, le vent de la décolonisation soufflait à l’époque sur l'Afrique, et les élites Tutsi commençaient à réclamer timidement l'indépendance et le départ du colonisateur belge. Aussi, ce dernier décida de remplacer l’ensemble de ses collaborateurs Tutsi par une élite issue du groupe Hutu.

En 1957, fut rédigé le livret intitulé Manifeste des Bahutu, qui exigeait l’entrée des Hutu dans les sphères politique, économique et sociale du pays. Le soutien de la Belgique à ces revendications eut pour conséquences la révolution Hutu de 1959, qui chassa les Tutsi du pouvoir, et le remplacement, le 28 janvier 1961, de la monarchie par une République. L’indépendance du Rwanda fut proclamée le 1er juillet 1962. Ces changements politiques se passèrent hélas dans un contexte de violence, la résistance de l'élite Tutsi fut en effet durement réprimée. De nombreuses maisons furent incendiées, et on dénombra plusieurs centaines de morts. Ces pogroms entraînèrent l’exil de plusieurs milliers de Tutsi vers les pays limitrophes.