Pendant deux mois, elle va réussir à nourrir les gens qu’elle cache avec les haricots et les patates douces issus de ses propres champs. Un jour que ses récoltes furent pillées, certaines personnes qu’elle cachait lui donnèrent de l’argent afin qu’elle aille s’approvisionner au marché. Sula se débrouillera seule, craignant d’être dénoncée si elle demandait de l’aide à ses voisins.
Elle cache d’abord les gens dans les chambres de sa maison, ou sous son lit. Puis, elle utilise un abri qu’elle avait construit pour ses bêtes, pour qu’en cas de visite, personne ne soit trouvé. Elle prépare de la médecine traditionnelle pour soigner ceux qui en ont besoin. Pendant ce temps, les Interahamwe1 érigèrent un barrage sur la route afin de contrôler les passages et trouver les Tutsi.
De nuit, Sula va voler le bois des barrières pour faire du feu. Si une des personnes qu’elle cache souhaite aller trouver refuge ailleurs, elle l’accompagne. Par exemple, Sula conduit une femme jusque chez la nièce de celle-ci et dit en chemin aux Interahamwe que la femme est la sœur de son voisin, ce qui était d’ailleurs vrai. Cette femme est encore en vie aujourd’hui.
Parce qu’elle a peu de ressources et qu’elle paraît vulnérable, Sula n’attire pas l’attention. « Ils voyaient ma figure et ma maison négligée et pensaient que je ne pouvais cacher personne », dit-elle. Pourtant, au bout d’un certain temps, les Interahamwe commencent à la soupçonner.
Avec un aplomb extraordinaire, Sula réussira à les repousser à plusieurs reprises, bravant coups de feu et menaces. Au début, lorsque les Interahamwe viennent, elle leur prépare à manger en grande quantité. Quand ils sont rassasiés, ils repartent sans avoir même jeté un œil dans la maison. Par la suite, les visites de miliciens et de militaires vont se faire de plus en plus fréquentes et menaçantes.
1 Les Interahamwe constituent une milice créée dès 1992 par le MRND, parti du président Juvénal Habyarimana. Interahamwe signifie « ceux qui combattent ensemble » en kinyarwanda, la langue rwandaise. Ils sont responsables de la plupart des massacres pendant le génocide en 1994.