La dynamique des polymères passionne Evelyne Van Ruymbeke, chercheuse modeste au talent reconnu internationalement. L’objectif ? Créer de nouveaux matériaux plastiques.
À cheval entre les mathématiques et les matériaux. C’est là que se situe l’univers des recherches d’Evelyne Van Ruymbeke. Chercheuse Qualifiée FNRS au Pôle Bio and Soft Matter de l'Institut de la matière condensée et des nanosciences (IMCN), cette jeune femme met à profit ses connaissances dans ces domaines pour comprendre la dynamique des polymères. Elle s’attèle plus précisément à développer des modèles pour caractériser l’écoulement des matériaux viscoélastiques tels que les polymères, mieux connus sous le nom de plastiques. Cette ingénieure en mathématiques appliquées pourrait se vanter d’avoir créé au cours de son doctorat un des trois modèles reconnus mondialement en la matière, mais elle est bien trop modeste pour cela. Ses pairs cependant ne tarissent pas d’éloges à son égard. Elle collabore notamment avec le Professeur Hiroshi Watanabe de l’Université de Kyoto au Japon qu’elle a rencontré il y a 14 ans et qui a récemment écrit à son sujet dans le Rheology Bulletin : « Je travaille dans le domaine de la rhéologie* des polymères et de la matière molle depuis plus de 30 ans. La Dr Van Ruymbeke est la jeune rhéologue la plus brillante que j’ai pu rencontrer au cours de ma carrière ».
Comme des spaghetti
« En simplifiant très fort, les chaînes de polymères peuvent être comparées à un plat de spaghetti. J’essaye de comprendre comment ces chaînes bougent l’une par rapport à l’autre », explique Evelyne Van Ruymbeke qui utilise souvent cette métaphore auprès de ses étudiants à l’UCL. Elle poursuit ses recherches avec pour objectif ultime la création de nouveaux matériaux polymères à propriétés exceptionnelles. Son parcours l’a menée à s’installer en Crète pour un post-doctorat et à Maastricht en tant que research scientist au sein de la société DSM, mais également à nouer de nombreuses collaborations à travers le monde. Depuis son doctorat, elle n’a jamais cessé de faire évoluer son modèle et d’en développer de nouveaux pour faire la lumière sur la dynamique des polymères de toutes sortes : linéaires, non linéaires, supramoléculaires, à architecture complexe etc.
Vers l'autoréparation ?
Aujourd’hui, Evelyne Van Ruymbeke est coordinatrice du projet européen SUPOLEN qui rassemble 8 universités et 3 entreprises autour de l’étude des matériaux supramoléculaires. « Les molécules sont capables de s’associer pour former des réseaux, mais ces associations sont réversibles en fonction des stimuli auxquels on les soumet. Ils peuvent alors s’écouler », indique la chercheuse. « La nouveauté de cette recherche réside dans le fait de coupler le côté réversible de ces liens avec le côté enchevêtré des chaînes pour tirer parti de l’architecture de ces dernières ». Ce type de matériaux peut être auto-réparant et ouvre la voie vers diverses applications comme le recouvrement des fuselages d’avions, la fabrication de recouvrements anti griffes, ou comme matériaux stimuli-répondants. La scientifique est également à la barre d’une Action de Recherche Concertée (ARC) qui a démarré début octobre, avec ses collègues et collaborateurs à l'IMCN Charles-André Fustin et Michael Singleton. Ils se pencheront pendant 4 ans sur un gel dit ‘à jonctions coulissantes’. En février prochain, Evelyne Van Ruymbeke recevra le Prix Metzner de la Society of Rheology en reconnaissance de sa contribution scientifique exceptionnelle dans cette discipline.
Audrey Binet
Chargée de communication
* Étude de la déformation et de l’écoulement de la matière sous l’effet d’une contrainte appliquée.
> www.evanruymbeke.be/
> www.uclouvain.be/en-bsma.html
Article paru dans le Louvain[s] de décembre 2016-janvier-février 2017 |