Dès l’annonce de l’assassinat du président Habyarimana le 6 avril 1994, une rumeur est répandue à Kaduha selon laquelle les Tutsi se préparent à tuer les Hutu et invite ces derniers à devancer les Tutsi dans leur plan macabre. A cette époque, il est de notoriété publique qu’un grand nombre de Tutsi de la préfecture de Gikongoro habite à Kaduha.
La vie de ces personnes est désormais en danger. Leurs maisons sont pillées, détruites ou incendiées par des extrémistes Hutu. Les Tutsi fuient alors les attaques et se rassemblent dans différents locaux autour de la paroisse de Kaduha. Ils viennent des quatre coins de la sous-préfecture, en particulier des communes de Karambo, Muko, Musange, Musebeya et Mushubi. Ils sont parfois encouragés par les autorités locales à se rendre dans cette paroisse, prétendant que c’est un lieu sûr où ils seront protégés.
Malheureusement, cette promesse se révèlera être un piège, destiné à conduire les Tutsi vers la mort.
Bâtie au sommet d’une colline, l’église catholique de Kaduha est entourée d’une école primaire, de deux écoles secondaires – une école agri-vétérinaire et une école d’infirmières, d’un centre de santé et d'un hôpital. Au moment du génocide, ce grand complexe d’œuvres sociales se transforme en un vaste camp accueillant des dizaines de milliers de réfugiés Tutsi, entassés dans les bâtiments et la cour. Toutes les vaches sont rassemblées au sommet de la colline. Les gens qui ont encore quelques vivres cuisinent, d’autres n’ont plus rien.
Le curé-doyen de la paroisse de Kaduha, l’abbé Jean-Marie Vianney Niyirema, est en réunion à Kigali, où il sera tué le 7 avril. Le prêtre resté sur place, un Hutu d’origine burundaise, n’est hélas pas un exemple : il ne se soucie pas des réfugiés ni de leur sort.
Au départ, certains voisins Hutu courageux apportent aux réfugiés tutsis de la nourriture, et leur ramènent leur bétail abandonné dans leur fuite. Toutefois, la situation dégénère lorsque les autorités civiles et militaires de la région décident d’encercler les lieux de refuge en érigeant des barrières, afin de garder à l’œil les réfugiés, et de les couper de toute assistance extérieure.