BFQS - Introduction

Louvain-La-Neuve

DICTIONNAIRE DES EXPRESSIONS VERBALES FIGÉES DE LA FRANCOPHONIE (BELGIQUE, FRANCE, QUÉBEC et SUISSE)

J.R. Klein, J. Labelle, B. Lamiroy, C. Leclère, A. Meunier, C. Rossari

Les principes théoriques et méthodologiques de ce travail ont fait l’objet d’une publication :

Expressions verbales figées de la francophonie. Belgique, France, Québec, Suisse. Lamiroy, B. (coord.), J.R. Klein, J. Labelle, C. Leclère, A. Meunier et C. Rossari, Paris : Ophrys, 2010.

INTRODUCTION

1. Le Projet BFQS

1.1. Les auteurs

1.2. Public visé

1.3. Descriptif

2. Le figement

3. La variation à travers quatre domaines de la francophonie

4. Présentation des propriétés décrites

4.1. L'entrée

4.1.1. Orthographe et syntaxe

4.1.2. Classement alphabétique

4.1.3. Les expressions contenant une partie du corps

4.1.4. Expressions présentant une variante autre que le verbe

4.2. Les variantes verbales (autres verbes)

4.3. La structure syntaxique

4.4. Le codage géographique B-F-Q-S

4.5. Le sens

4.6. Les exemples

4.7. Les synonymes et géosynonymes (variantes géographiques)

4.8. Les variantes syntaxiques

Références bibliographiques

1. Le projet BFQS

1.1. Les auteurs (voir leurs fiches individuelles au chapitre suivant)

J.R. Klein - Professeur ordinaire, Université Catholique de Louvain

J. Labelle - Professeur émérite, Université du Québec à Montréal

B. Lamiroy - Professeur ordinaire, KULeuven

C. Leclère - Ingénieur CNRS, Université de Marne-la-Vallée

A. Meunier - Maître de conférences honoraire, Université de Paris 8

C. Rossari - Professeur ordinaire, Université de Neuchâtel

(Nous avons bénéficié, pour la partie suisse, de l'aide précieuse de Natalie Kübler, de l'Université Paris 7 – Denis Diderot)

1.2. Public visé

Pour préciser à quel public ce dictionnaire est destiné, il suffira de remplacer, dans la citation suivante, empruntée à la préface de la Grammaire Larousse du français contemporain (Chevalier et al. 1964), le mot grammaire par celui de dictionnaire : «proposer au public cultivé, aux professeurs - et aux étudiants -, aux étrangers apprentis en notre langue, une grammaire qui soit au courant des derniers résultats de la recherche linguistique, mais aussi un ouvrage directement utilisable pour l'enseignement".

1.3. Descriptif

Le "Lexique-grammaire", entrepris au Laboratoire d’Automatique Documentaire et Linguistique du CNRS (LADL) depuis plus de quarante ans, s’applique à décrire l’ensemble des types de phrases construites avec les verbes simples du français en fonction des items lexicaux qui conditionnent leur syntaxe. Commencé avec la classification des constructions à verbe simple (Gross 1975, Boons, Guillet & Leclère 1976, Leclère 1990, Guillet & Leclère 1992), il se complète entre autres par l'étude de milliers de combinaisons verbales considérées comme "figées" (M.Gross 1982).

L’ensemble des expressions répertoriées au LADL et décrites syntaxiquement a pour objet le français en usage en France (Hexagone). Le projet BFQS propose de compléter et d'élargir la description à la partie de la francophonie qui inclut la Belgique (B), le Québec (Q) et la Suisse (S). Les expressions figées propres à ces trois variétés du français sont le plus souvent décrites de façon lacunaire et éparse, tant dans les grands dictionnaires que dans des ouvrages consacrés aux français «régionaux". Elles font ici l’objet d’un inventaire et d’un classement aussi exhaustif que possible, d’après le modèle conçu au départ pour les expressions appartenant au français central.

Le recensement s'est fait suivant une double démarche. Nous avons dans un premier temps relevé dans la liste d’environ 45 000 expressions figées, constituée par M. Gross, celles qui sont communes à toutes les variétés. Celles-ci, correspondant à la grande majorité des expressions, constituent le tronc commun des expressions figées, dites BFQS, et illustrées ci-dessous :

  1. a. Luc a cassé la figure à Max (BFQS)

b. Luc a tendance à aller vite en besogne (BFQS)

c. Léa n'y va pas avec le dos de la cuiller (BFQS)

d. Ce nouveau poste lui va comme un gant (BFQS)

Cette liste se complète par celle des expressions figées qui ne sont pas communes mais ressortissent à une ou plusieurs variétés, p.ex. :

  1. a . Va au diable ! (BFQS)

b. Va te faire enrager ! (B)

c. Va te faire lanlaire ! (FS)

d. Va jouer dans le trafic ! (Q)

Dans l'état actuel des travaux, tout le corpus a été trié et codé en fonction des quatre variétés. L'élaboration de la lettre A (i.e. les expressions dont le verbe principal a pour initiale "A") a permis de mettre au point la méthodologie très complexe de la description et d'établir un protocole applicable au reste de l'alphabet. Le protocole élaboré (voir pour détails §4) est le résultat d'un travail considérable portant sur la question du figement, l'analyse syntaxique des expressions, l'harmonisation des définitions, la recherche d'exemples significatifs ainsi que l'établissement des expressions synonymes appartenant à des variétés géographiques différentes.

Le fait de constituer un thesaurus des expressions des quatre grandes variétés de la francophonie (B, F, Q, S) en travaillant à partir d’un même cadre théorique, permet non seulement de mettre en évidence ce qui constitue le tronc commun du français (BFQS), mais encore d’identifier les expressions qui relèvent strictement du français de France (F). La description du sous-ensemble F, n’ayant à notre connaissance jamais été entreprise auparavant, constitue sans doute un des résultats les plus originaux du projet et montre qu’il ne faut pas confondre, comme on le fait souvent, français commun et français de France. En outre, la connaissance précise des diverses intersections des variétés géographiques est également un aspect novateur de ce projet.

Un autre aspect original est l’analyse syntaxique systématique de toutes les expressions recensées. Toutes sortes de produits didactiques et informatiques deviennent envisageables à partir des résultats descriptifs obtenus, allant d’outils servant à l’enseignement du français langue étrangère (FLE), à l’analyse ainsi qu’à la traduction automatique d’une variété géographique par sa transposition en français ‘commun’.

2. Le figement

Ce dictionnaire consacré aux expressions verbales figées repose sur une notion délicate à appréhender : le phénomène du figement. Intuitivement, dans une séquence figée, tout usager perçoit avant tout l’opacité sémantique. Ce critère ne suffit toutefois pas pour le linguiste : non seulement le sens d’une expression n’est pas compositionnel, mais les éléments subissent également un figement formel. Ils ne se combinent pas librement et perdent une part de leur autonomie en subissant des contraintes sur les plans lexical et morphosyntaxique.

Il est un point sur lequel désormais les linguistes s’accordent : le figement constitue un phénomène si central dans le fonctionnement du langage qu’on en viendrait parfois à se demander s’il existe des assemblages vraiment libres. On peut même aller jusqu’à considérer la syntaxe libre comme un degré minimal du figement. En effet, si l’on tient compte des traits de sélection, quel est le verbe qui se construit avec n’importe quel argument ? Rappelons toutefois que le figement phraséologique envisagé ici ne concerne que les locutions verbales et est lié à la polylexicalité (présence de plus d’une unité lexicale), sans quoi tous les phénomènes de lexicalisation, tels les noms composés ou les métaphores lexicalisées pourraient être assimilés à des "figements". Ainsi, jeter dans un cul-de-basse-fosse n'est pas analysé comme une expression verbale figée parce que cul-de-basse-fosse est un nom composé (figé) qui ne se combine pas exclusivement avec le verbe jeter : il peut apparaître, dans le même sens, avec toutes sortes de verbes et dans toutes sortes de positions syntaxiques (Ce cul-de-basse-fosse date du Moyen-Age, On a visité le cul-de-basse-fosse de ce vieux château, etc.).

Dans le cas des expressions verbales figées, ce qui constitue la principale différence avec la syntaxe des verbes simples, c'est qu'un argument au moins est figé avec le verbe :

  1. a. le sujet : Les dés sont jetés

b. l’objet : Prendre la plume

c. un complément prépositionnel : Cracher au bassinet

Plusieurs travaux ont proposé des critères de figement fondés à la fois sur la syntaxe, le lexique et la sémantique, mais il reste difficile de décider ce qui est hiérarchiquement déterminant. Ce sont bien sûr les cas "prototypiques", du type casser sa pipe ou prendre la mouche qui illustrent le plus clairement la notion de figement. Mais que faire lorsqu’on parcourt des corpus importants, où se retrouvent inévitablement des cas de figement moins spectaculaires ? Si les phrases dites figées possèdent toujours un certain degré de liberté (p.ex. quant au temps verbal ou à la personne du sujet, Gross 1988), les phrases dites libres possèdent toujours un certain degré de contrainte. D’autres travaux (e.a. G. Gross, 1996 ; Martin 1997 ; Mejri, 1997; Gonzalez Rey, 2002; Svensson 2004 ; Lamiroy 2003 et 2006a, 2006b, Lamiroy & Klein 2006) se sont attachés à décrire les principaux critères de figement mentionnés plus haut : non-compositionnalité sémantique, paradigmes limités, contraintes morphosyntaxiques. Or, ces critères manifestent chacun des degrés variables de pertinence dès lors qu’on les applique à des ensembles très vastes d’expressions comme nous le faisons dans le projet BFQS. En effet, ces critères peuvent jouer simultanément et/ou séparément. En réalité, malgré la multitude des études, la difficulté persiste pour le linguiste quand il s’agit de trancher entre le figé et le non figé. Le problème se pose particulièrement dès que l’on aborde des expressions interprétables analytiquement, mais où interviennent de façon moins "visible" des critères de limitation du paradigme et des contraintes morphosyntaxiques, p.ex. afficher complet, appartenir à l’histoire.

Pour la clarté du propos, nous prenons l’exemple des expressions construites à l’aide du verbe très polysémique prendre, un cas déjà abordé par Gaatone (1997 : 169). Dans ses tables d’expressions figées, M. Gross a relevé pas moins de 824 expressions construites avec prendre. Nous y avons puisé un certain nombre d’items représentatifs d’une échelle dégressive de figement, sur laquelle on peut distinguer plusieurs niveaux, depuis le degré totalement contraint jusqu’au stade ultime des constructions "libres" de ce verbe. A ce dernier stade, il est utilisé dans son sens premier "saisir quelqu’un ou quelque chose, généralement avec une partie du corps ou un instrument", soit tout ce qui est concrètement "prenable".

Le stade des contraintes maximales, celui des expressions non compositionnelles, opaques pour l’usager d’aujourd’hui, peut être représenté par :

  1. a. Prendre la mouche

b. Prendre la poudre d’escampette

c. Prendre ses cliques et ses claques

d. Prendre ses jambes à son cou

e. Prendre des vessies pour des lanternes

Il est évident que l’opacité sémantique entraîne nécessairement des contraintes d’ordre morphosyntaxique (5a) et lexical (5b) :

  1. a. Prendre une veste / *la veste 'essuyer un échec'

b. Prendre son pied / *sa jambe ‘prendre son plaisir’

On notera que malgré ce stade de très haut degré de figement, une variation de personne est possible, pouvant affecter la personne du possessif dans l’exemple (5b), comme dans (4c-d).

Un deuxième degré de figement concerne des expressions qui manifestent moins d’opacité sémantique, mais sont largement contraintes du point de vue morphosyntaxique.

La syntaxe de prendre la fuite, analysée par Martin (1997 : 300-301), manifeste, malgré sa transparence, des restrictions syntaxiques : l’expression ne permet ni dislocation, ni passivation, ni expansion relative, ni questionnement :

  1. a. *C’est la fuite qu’il a prise

b. *La fuite a été prise par les troupes

c. *La fuite qu’il a prise après le hold-up

d. *-- Qu’est-ce qu’il a pris ? -- La fuite

Une contrainte morphosyntaxique liée aux déterminants peut également constituer un critère de figement, sans qu’il y ait nécessairement opacité sémantique :

  1. a. Prendre un coup de vieux / *le coup de vieux

b. Prendre ses désirs pour des réalités / *des désirs / *les désirs / *de la réalité / *une réalité

Contrairement à une idée reçue, l’absence d’un déterminant n’est pas plus pertinente que les contraintes sur sa nature (Gross 1985 et Mejri 1997 : 156). Ainsi, prendre la fuite n’est pas une expression moins figée que prendre peur, prendre garde, etc., puisqu’on a *prendre une fuite / sa fuite.

Par ailleurs, pour certaines expressions qui peuvent paraître peu figées parce qu’elles sont intuitivement transparentes du point de vue du sens, le figement ne se caractérise que par des limitations paradigmatiques de certains arguments :

  1. a. Prendre son mal / *sa souffrance en patience
  2. a. Prendre quelqu’un par les sentiments / *les émotions / *les passions

Mais la limitation du paradigme constitue elle aussi un critère susceptible d’être interprété de façon relative. A partir de quel seuil de limitation paradigmatique est-on fondé à parler de figement ? La réponse, une fois de plus, est simple quand le paradigme est limité à une seule entrée lexicale (10a), mais le devient beaucoup moins quand il existe une certaine variation, comme dans (10b-c) :

  1. a. Avoir le beau rôle / *le merveilleux rôle

b. Accuser les ans / les années / son âge

Au-delà de ce stade, ne se trouvent plus que des constructions libres, qui impliquent toujours, elles aussi – il est important de le rappeler (Lamiroy 2003) – un minimum de contraintes, car leur grammaticalité est conditionnée par la valence et les restrictions de sélection.

Une représentation scalaire permet donc sûrement de mieux rendre compte des phénomènes de figement. Toutefois, si les expressions hautement figées sont aisément repérables, il reste délicat de trancher dans la zone des figements minimaux, autrement dit des cas les moins "prototypiques". Ainsi, pour des séquences apparemment très libres telles que aller à l’école, l’interprétation locative, strictement analytique, semble s’imposer. Or elle n’est pas la seule possible. Aller à l’école peut aussi bien signifier, dans il n’est pas allé à l’école, ‘il n’a reçu aucune instruction’.[1] A ce stade très ténu du figement, un corpus d’expressions verbales figées prendra donc des proportions très variables, selon que l’on prendra en compte certains indices à première vue peu spectaculaires de figement ou non.

En conclusion, notre position tend à accueillir un grand nombre de locutions verbales figées dans la mesure où nous étendons la notion de figement bien au-delà de la seule non-compositionnalité sémantique et incluons donc des séquences contraintes du point de vue paradigmatique et/ou morpho-syntaxique. Toutefois, nous excluons évidemment les contraintes dues à la valence, tout comme nous excluons les collocations telles que savoir pertinemment, toucher un salaire, etc.

3. La variation géographique

Outre les données rassemblées au LADL, les équipes belge, québécoise et suisse ont établi chacune, pour recenser les variétés B, Q et S, une liste aussi complète que possible des expressions qu’elles jugeaient propres à leur communauté linguistique. Un maximum de sources ont été exploitées : répertoires et dictionnaires, journaux, littérature régionale, langage parlé, moteurs de recherche (Google), etc. Les données ainsi rassemblées ont été comparées systématiquement, chaque équipe portant un jugement sur les données des autres.

On notera que ces jugements, tout en étant fondés sur l’intuition des linguistes ainsi que sur une base documentaire, n’ont pas de valeur absolue et définitive. Même de longues enquêtes sociolinguistiques ne permettraient pas de rendre compte avec un grand coefficient de certitude de la compétence de locuteurs, qui varie selon l’âge, l’appartenance sociale, le degré d’instruction, le milieu de travail, etc. Si sur dix témoins consultés, quatre connaissent bien une expression alors que six paraissent l’ignorer, ou l’inverse, que peut-on en conclure raisonnablement ? Notre but n’étant pas d’abord sociolinguistique, notre position est qu’une expression peut être considérée comme connue dans une certaine région dès qu’elle est attestée auprès de certains locuteurs de cette région même si ceux-ci ne représentent qu’une partie de la population.

Dans certains cas, une expression connait un équivalent dans chacune des régions. Ainsi on trouve comme expressions correspondant au sens ‘coûter cher’ :

  1. a. Cette voiture coûte les yeux de la tête (BFQS)

b. Cette voiture coûte un os / un pont (B)

c. Cette voiture coûte bonbon (F)

d. Cette voiture coûte un bras (Q)

e. Cette voiture coûte le lard du chat / un saladier (S)

(Il est significatif de noter, à propos de (11-d), que l’expression coûter un bras s’est considérablement répandue aux autres communautés depuis la première rédaction de ce paragraphe.)

Parfois, la variation ne porte que sur une préposition (12), parfois sur le nombre (13) ou le déterminant (14) :

  1. a. Aller à reculons qqpart (BFQS) ‘faire qqc sans enthousiasme’

b. Aller de reculons qqpart (Q)

  1. a. Annoncer la couleur (BFS) ‘dire clairement son opinion’

b. Annoncer les couleurs (Q)

  1. a. Attendre famille (B) ‘attendre la naissance d’un bébé’

b. Attendre la famille (Q)

c. Attendre de la famille (S)

On remarquera que les expressions des variétés Q et S au sens de ‘être enceinte’ constituent des faux-amis, dans la mesure où elles sont interprétables dans un autre sens en français commun, à savoir ‘attendre la visite de parents’.

Ces exemples montrent aussi que la variété F (français de France) ne coïncide pas nécessairement avec le français commun BFQS (voir 11c). Outre ce français commun qu’il ne faut pas confondre avec le français standard dont la connotation est plus normative, on trouvera donc des belgicismes, des francismes, des québécismes et des helvétismes.

Une classification géographique en fonction des divers pays francophones pourrait donner à penser que ces termes recouvrent des variétés homogènes délimitées par des frontières politiques. Il n’en est évidemment rien. A l’intérieur d’un même domaine de la francophonie, de multiples variations internes coexistent. En témoignent, pour la France et la Suisse, les excellentes descriptions fournies par Rézeau (Dictionnaire des régionalismes de France, 2001) et Knecht et Thibault (Dictionnaire suisse romand, 1997). Or notre objectif n’est pas de rendre compte de ces variations internes : il consiste à refléter les usages de la grande majorité des locuteurs de chacune des quatre variétés, sans pouvoir rendre compte de toutes les formes de variétés régionales qui débordent inévitablement de ces limites. Ainsi, des expressions telles que avoir facile, avoir difficile, très caractéristiques du parler des Belges francophones, n'ont pas été notées comme appartenant aussi à F, bien qu'elles soient connues en Lorraine et dans le Nord de la France.

Le schéma qui suit résume les différents cas de figure liés à la variation géographique. Soit l’expression est commune et donc BFQS, soit elle n’appartient qu’à un des domaines (B, F, Q ou S) ou à plusieurs d'entre eux (par ex., BF, BFQ, QS, etc.), soit quinze possibilités.

Il ne s’agit ici que d’une illustration ludique, les surfaces respectives ne correspondent pas à l’importance numérique des expressions des différentes variétés. Nous donnons ces dernières ici :

LETTRE "A"

N° dans schéma

Classe

Effectif

%

1

BFQS

784

47,3

7

BFS

269

16,2

13

Q

251

15,1

9

B

85

5,1

2

F

62

3,7

3

BF

52

3,1

5

FS

45

2,7

15

S

38

2,3

4

FQ

24

1,4

6

BFQ

18

1,1

14

QS

10

0,6

8

FQS

7

0,4

11

BS

6

0,3

10

BQ

5

0,3

12

BQS

3

0,2

Total

1659

99,8

       

(Les "!" ont été comptés comme des "+")

4. Les entrées et leurs propriétés

4.1. L’entrée

Les entrées sont présentées sous forme d’une table, alphabétisée à partir du verbe des expressions et dans laquelle sont répertoriées, en colonnes, différentes propriétés qu’on peut leur associer. On trouvera ci-dessous la signification de ces colonnes et quelques remarques concernant les conventions adoptées pour leur codage.

La première colonne comporte le numéro attaché à chacune des entrées. C’est à ce numéro que renvoient les items significatifs autres que le verbe que nous avons retenus dans l’INDEX qui suit la table.

4.1.1. Orthographe et syntaxe

Même pour les nombreuses expressions qui relèvent du langage parlé, nous avons respecté l'orthographe normative. Nous avons cependant fait quelques exceptions pour des expressions qui perdraient leur authenticité de variante géographique si elles étaient "normalisées", p.ex. dans le québécisme Attendre qqn avec une brique pis un fanal (‘être préparé pour un affrontement’) nous n’avons pas remplacé pis (= et) par puis (= ensuite).

4.1.2. Classement alphabétique

Par définition[2], toutes nos entrées comportent un verbe au moins. L'alphabétisation est faite sur ce verbe, noté à l'infinitif. Si plusieurs expressions sont construites avec un même verbe (c'est le cas en particulier ici avec le verbe avoir), l'alphabétisation se fait sur les mots pleins qui le suivent.

Pour une série de cas particuliers, nous avons observé des conventions spéciales :

a) si un élément figé précède le verbe dans l'expression, il figure entre parenthèses après le verbe et ses compléments. C'est le cas des négations, des pronominaux, de certains adverbes et même parfois d’un verbe :

  1. a. Allumer (les)

b. Aller à la manœuvre (y)

  1. Asseoir en tailleur (s')

d. Arriver à la ceinture / à la cheville (ne pas)

e. Appeler Arthur (se faire)

b) il en va de même si le sujet est un substantif :

  1. Aller bon train (les commentaires)

c) si le sujet est figé et que le verbe est conjugué dans l'emploi normal de l'expression, le verbe est indiqué à l'infinitif mais suivi de deux points et de l'expression dans sa forme usuelle :

  1. a. Arriver : Ça devait arriver ‘C'était inéluctable’ (*Ça devra arriver)

b. Aller : Il en va ainsi de ‘C’est la même chose’

d) si l'expression comporte une combinaison de deux verbes, l'entrée principale est notée sur le premier de ces deux verbes, par ex. Apprendre à vivre à qqn figure sous Apprendre.

e) en revanche, les auxiliaires avoir et être qui font obligatoirement partie de l'expression sont indiqués dans l'entrée après le verbe à l’infinitif suivi des deux points, par ex. Avaler : Avoir avalé son parapluie 'Être mort' (l’entrée n’est donc pas Avoir avalé son parapluie).

f) enfin, si l’expression comporte plusieurs verbes possibles non synonymes, elle figure sous son verbe qui nous a semblé le plus courant. Nous l’avons néanmoins répertoriée, mais sans codage. Un renvoi noté par ">>" permet de retrouver l’expression retenue et son codage (qui figure à la fin de la table, si le verbe ne commence pas par "A") :

Avoir des ailes

>> Donner des ailes

4.1.3. Les expressions contenant un nom de partie du corps

Bien que les emplois avec un complément indirect et un nom de partie du corps admettent souvent la possibilité d'un complément prépositionnel en de, nous avons donné la priorité à la préposition à, à cause de sa relation avec la structure plus usuelle avec pronom : Je lui ai cassé la gueule [à Luc]

  1. a. Casser la gueule à qqn

b. Arracher la bouche à qqn

4.1.4. Expressions présentant une variante sur un autre mot que le verbe

Lorsque les différentes variantes (substantif, déterminant, préposition, etc.) sont communes aux mêmes variétés géographiques, elles sont regroupées sous la même entrée et séparées par une barre oblique (slash). Par ex. Accompagner qqn à sa dernière demeure / dans son dernier voyage. Mais il arrive souvent que les variantes ne soient pas acceptées de la même façon par les quatre communautés. Dans ces cas, l'entrée est évidemment dédoublée autant de fois qu'il y a divergence. Par exemple, les expressions Avaler de travers, Avaler par le trou aux prières ou Avaler par le trou du dimanche n'ont pas été regroupées en une même entrée, car, si la première est commune (BFQS), la deuxième est notée exclusivement belge (B) et la troisième n'est pas québécoise (BFS).

4.2. Les variantes verbales (autres verbes)

On indique derrière l’entrée, dans une colonne "Autres verbes", les équivalents verbaux possibles qui s’utilisent dans la même expression sans en modifier la syntaxe ni le sens. Ces commutations sont d'autant plus fréquentes que notre conception du figement inclut divers degrés allant du très figé où toute variation lexicale est exclue (p.ex. avoir maille à partir avec) au moins figé où de telles variations sont usuelles :

  1. a. Sans trop se soucier de l’avenir, il va / continue / poursuit son <petit bonhomme de> chemin (BFQS)

b. Le ministre ne compte pas encore abattre / abaisser / sortir sa carte maîtresse devant le Parlement (BFQS)

L'expression est enregistrée sous le verbe le plus couramment employé. Les autres, notés sous la rubrique "Autres verbes", ne font pas l'objet d'une entrée séparée:

  1. a. Prendre pour du cash (Q)

Autre verbe : Accepter

b. Apprendre qqc à travers les branches (Q)

Autre verbe : Savoir

Une telle notation n'est adoptée que si la variante est acceptée par les mêmes communautés géographiques. Ainsi les deux expressions ci-dessus sont codées Q, de même que leurs variantes verbales, tandis que les deux précédentes (26a-b) sont BFQS, tout comme leurs variantes.

Dans tous ces cas, il sera facile de retrouver l'expression principale en consultant l'index des noms : cash ou branches renverront à toutes les entrées contenant ces noms.

4.3. La structure syntaxique

Alors que l’entrée s’énonce à l’infinitif et donc le plus souvent sans sujet, la structure, elle, note l’expression telle qu’elle est réalisée dans la phrase. En regard de chaque expression on trouve donc sa description linéaire en termes de catégories grammaticales. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une analyse syntaxique, mais la structure indiquée rend visible la diversité de la morphologie et de la syntaxe figée.

Le principe général est que tous les éléments figés, c’est-à-dire ceux qui figurent dans l’entrée, sont soulignés (sauf qqc, qqn, qqpart, comme on l'a vu). Ceux qui sont impliqués par la structure, mais dont le contenu est libre ne le sont pas. C’est très souvent le cas du sujet de ces expressions verbales, mais ce peut être aussi le cas d’un complément direct ou indirect obligatoirement présent dans une occurrence particulière de l’expression, dont le choix lexical est libre :

  1. Tuer le veau gras = N V N Adj (sujet libre)

A son retour, on a tué le veau gras !

(29) Abandonner qqn au milieu du gué = N V N Prép [N Prép N] (sujet et complément direct libres)

Ils ont abandonné le ministre au milieu du gué

(30) Casser la gueule à qqn = N V N Prép N (complément indirect libre)

J’ai cassé la gueule à Paul

Nous avons dû éliminer de cette succession linéaire une classe grammaticale importante, à savoir celle des déterminants du nom. Il paraissait souhaitable à première vue d’en noter les contraintes, imposées par le figement : par exemple le déterminant possessif de casser sa pipe, le déterminant obligatoirement défini de prendre la tangente ou encore le déterminant défini pluriel de aller chercher dans les… et les opposer à l’absence obligatoire de déterminant comme dans aller à messe. Malheureusement, le figement du déterminant est plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. Si prendre son pied ('Éprouver un grand plaisir', BFS) dans son énoncé le plus naturel, comporte un déterminant possessif, nous ne pouvons éliminer les possibilités de prendre un pied incroyable, où le déterminant indéfini s’accompagne d’un modifieur obligatoire, adjectival ou prépositionnel et même de prendre le pied de sa vie où le déterminant défini est lui aussi obligatoirement accompagné d’un complément prépositionnel. Ce genre de situation est fréquent. Indiquer toutes ces variantes eût été trop lourd mais noter un déterminant non figé eût été incorrect puisque, pour reprendre l’exemple précédent, *prendre un / le / ce pied sont également inacceptables comme occurrences de l’expression figée. Donc, dans la partie figée, le nom et son déterminant sont notés "N" et le lecteur devra restituer les variantes possibles du déterminant, en faisant appel à son propre usage ou aux exemples donnés.

4.4. Le codage géographique (colonnes B, F, Q et S)

Les jugements portés par les auteurs sur la vitalité des expressions dans leur domaine géographique sont signalés de la façon suivante :

+ indique que l’expression est bien connue et utilisée activement

- signale une expression largement ignorée des locuteurs d’une des variétés

! indique que l’expression serait comprise par bon nombre de locuteurs, mais ne serait sans doute pas employée spontanément

Ainsi apprendre qqch à travers les branches ‘apprendre de manière indirecte’ sera codé +Q et -B, -F, -S, alors que aller voir ailleurs ‘tromper son conjoint’ est noté +B, +F, +Q et +S, ou encore acheter clé en main ‘acheter un bien immobilier prêt à être utilisé’ !B, +F, +Q et +S parce qu’en Belgique on utilisera plus volontiers l’expression acheter clé sur porte, etc.

4.5. Le sens

Les définitions sont formulées en français commun, c'est-à-dire qu'elles ne comportent pas de mots ou d’expressions inconnues ou non utilisées dans l'une des variétés. En outre, en principe, elles n'incluent pas d'expressions figées. Elles sont notées, dans la grande majorité des cas, avec un verbe à l'infinitif :

  1. Attraper la grosse tête 'devenir prétentieux'

Un problème se pose toutefois lorsque le verbe ne peut être à l'infinitif dans l'emploi normal de l'expression (par ex. entrées à sujet figé). Dans ces cas, il est plus commode de recourir, pour définir le sens, à une formulation du type formule pour dire que..., ou à une traduction reprenant les temps et mode du verbe :

  1. a. Accompagner : Mes vœux t’accompagne / vous accompagnent

'Bonne chance !'

b. Accoucher : Accouche qu'on baptise ! 'Décide-toi !'

c. Aimer : J'aime mieux ça ! ' Ça me soulage !'

d. Aller : Comment ça va ? ‘Formule de salutation’

4.6. Les exemples

Le choix des exemples répond au désir de nous référer à l’usage contemporain de la langue. Les exemples sans guillemets sont des exemples forgés.

Quand l’exemple provient d’une œuvre classique, nous l’avons retenu seulement s’il reflète un état encore contemporain de la langue, par ex. abandonner au sommeil (s') :

  1. "Quoi ? Tandis que Néron s'abandonne au sommeil, faut-il que vous veniez attendre son réveil ?" (Racine, Britannicus)

Dans le cas de la presse écrite, la source est indiquée, par ex. :

  1. "J'ai pas d'avance à vous le dire. Ne me reste qu'à me suicider." (Le Soir.be, www)

Nous avons aussi exploité les exemples proposés dans les répertoires consacrés aux diverses variétés. Dans ce cas, nous indiquons la référence de l’ouvrage, par ex. amuser mal (s')

  1. "On s'amuse mal quand il est là." (Bal et al. 1994)

Les nombreux exemples tirés d’Internet au moyen de Google sont notés "www". Ils sont le plus souvent issus de divers "forums" dont la source n’est pas claire. La source n’est indiquée que lorsqu’elle est bien identifiée (un auteur, une publication, etc. On y a ajouté la provenance géographique quand elle est clairement significative) :

"Toi, Marchas, tu vas prendre deux hommes et aller aux nouvelles. Je t'attends ici dans cinq minutes." (Maupassant)

"J'ai du succès et, pourtant, j'arrive à la cenne. Je travaille sans relâche, aidé par mon fils." (La Presse, 13-05-95)

"Savoir ce que je dois demander, comment obtenir un consensus, et une remise de prix sans me faire envoyer à la moutarde..." (www.be)

Notre choix des exemples s’est porté sur un registre de langue aussi neutre que possible, par ex. pour en aller autrement :

  1. "Si le contenu du disque est intéressant, il en va autrement pour le contenant" (www)

Toutefois, certaines expressions appartiennent à un registre familier, populaire, voire

argotique, par ex. :

  1. Aplatir la figure / la gueule / le nez à qqn

"Ses sourires faux, ses mouvements de cou, sa voix de petite gouine qui veut se la jouer mec, c'est bien simple, je rêve de lui aplatir la figure."

Quel que soit le registre, nous avons adapté l’orthographe (sans toucher à la syntaxe) aux normes du français écrit. Enfin, pour faire l’économie de certains éléments parasites qui peuvent encombrer les exemples attestés, nous avons également recouru à des exemples forgés (notés, comme nous l’avons dit, sans guillemets) :

  1. Mes enfants, formez un cercle et asseyez-vous en tailleur

Lorsque nous avons construit les exemples, nous avons cherché à éviter tout caractère artificiel, en reconstituant par exemple des dialogues forgés sur notre expérience de locuteurs, par ex. Aller : ça va comme c'est mené ‘aller moyennement bien’ (Q) :

  1. -- Bonjour ! Comment ça va ce matin ?

-- Bof ! Ça va comme c’est mené.

4.7. Les synonymes et géosynonymes (variantes géographiques)

Un des intérêts particuliers du travail consiste à mettre en évidence, outre les expressions clairement synonymiques, les relations d’équivalence qui relient les expressions entre elles. Nous appelons géosynonymes des expressions référentiellement équivalentes. Elles ne peuvent être considérées comme de vrais synonymes, car relevant de variétés différentes, elles ne sont pas interchangeables par un même locuteur dans un même contexte de communication. L'expression de référence sous laquelle les géosynonymes sont notés est l'expression commune BFQS qui nous a paru la plus courante, par ex. sous l'entrée aller au diable (BFQS), on trouvera dans la rubrique "synonymes et géosynonymes" les expressions aller à la merde (B), aller loin (S), aller jouer dans le trafic (Q). En l'absence d'une expression commune, les géosynonymes sont signalés aux entrées concernées, par ex. sous l'entrée aller d’un gaz (B) 'avancer très vite', on trouve l’expression équivalente y aller en monsieur (Q).

Les expressions peuvent donc appartenir soit au français commun soit à une ou à certaines des variétés géographiques :

  1. a. Arranger les affaires (BFQS)

b. Arranger les bidons (BF)

‘Concilier des éléments en vue d’une solution’

  1. a. Attraper la grosse tête (BFS)

b. Attraper un gros cou (B)

‘Devenir prétentieux’

  1. a. Promettre monts et merveilles (BFQS)

b. Promettre mer et monde (Q)

‘Faire des promesses exagérées et trompeuses’

  1. a. Attendre famille (B)

b. Avoir son coffre plein (B)

‘Attendre la naissance d’un bébé’

Il est de plus possible de retrouver la liste des expressions synonymiques (au sein d’une même variété) ou géosynonymiques (entre variétés différentes) disponibles à partir de la définition identique qui leur est donnée. En effet, afin de faciliter la recherche (automatique) de ces équivalents, nous avons choisi de maintenir la même définition pour des expressions jugées proches sémantiquement, au risque de neutraliser certaines nuances de sens. Ainsi, pour la formule utilisée pour 'se faire rabrouer', on trouvera :

  1. a. Aller au diable (BFQS)

b. Aller chier (BFQS)

c. Aller se coucher (BFQS)

d. Aller se faire pendre <ailleurs> (BFQS)

e. Aller voir ailleurs, dehors, là-bas si j'y suis (BFQS)

f. Aller se faire cuire un œuf (BFS)

g. Aller se faire enculer (BFS)

h. Aller se faire fiche, foutre (BFS)

i. Aller se faire lanlaire (BFS)

j. Aller se faire voir ailleurs (BFS)

k. Aller se faire voir chez les Grecs (BFS)

l. Aller se rhabiller (BFS)

m. Aller à la merde (BQ)

n. Aller chier dans sa caisse (FS)

o. Aller à la moutarde (B)

p. Aller se faire enrager (B)

q. Aller chez, sus le bonhomme (Q)

r. Aller chez, sus le diable (Q)

s. Aller jouer dans le trafic (Q)

t. Aller jouer sur l'autoroute (Q)

u. Aller péter dans les fleurs (Q)

v. Aller se crosser <avec une poignée de braquettes> (Q)

w. Aller loin (S)

Lorsque le nombre de (géo)synonymes est important, ils sont regroupés sous l’entrée la plus courante, à laquelle on renvoie, dans les autres entrées, par l’indication "Voir :". Par exemple, tous les (géo)synonymes de Aller au diable cités ci-dessus sont regroupés sous cette seule entrée. Pour tous les autres, comme Aller se faire cuire un œuf, Aller à la moutarde, etc., on a seulement indiqué, dans la colonne "synonymes et géosynonymes", Voir : Aller au diable.

Le dictionnaire permet aussi de mettre en évidence l’existence de faux-amis. En effet, les expressions suivantes se présentent, selon la région, avec un sens différent et sont donc homonymiques :

  1. a. Aller loin ‘réussir sa carrière’ (BFQS)

a’. Quand il était petit, on disait déjà de lui qu’il irait loin

b. Aller loin (ne pas) ‘ne pas pouvoir faire grand-chose’ (BFQS)

b’. Avec ses méthodes fantaisistes, ce chercheur n’ira pas loin

c. Aller loin (à qqn) ‘toucher profondément’ (B)

c’. Cette critique virulente lui a été loin

d. Aller loin ‘formule pour se débarrasser de qqn’ (S)

d’. À son gosse qui lui courait dans les jambes, la mère a crié : "Va loin !"

Une remarque importante enfin : la colonne "synonymes et géosynonymes" ne prétend pas être complète. Elle ne pourra l’être, évidemment, que lorsque la totalité des expressions aura été examinée, avec le sens qui leur est attribué.

4.8. Les variantes syntaxiques

Le dictionnaire signale, le cas échéant, des relations syntaxiques particulières entre l’entrée et certaines expressions de même codage géographique. Cette variation se présente sous différents aspects.

Le premier type correspond à des paires d’expressions se caractérisant par l’ajout d’un actant (respectivement Léa (75b), lui (76b), à Paul (77b)), qui entraîne une relation sémantique de causativité, avec modification du verbe :

  1. a. Que Léa aille au diable

b. Paul a envoyé Léa au diable

  1. a. Cet homme politique traîne une casserole depuis longtemps

(‘a été impliqué dans une affaire compromettante’)

b. On lui a accroché cette casserole pour nuire à sa réputation

(‘On lui a reproché une affaire compromettante')

  1. a. Paul a les jetons ('a peur')

b. Ce film a donné les jetons à Paul

  1. a. Max est resté au milieu du gué

('s'est retrouvé seul sans pouvoir terminer une affaire')

b. Léa a abandonné Max au milieu du gué

Le deuxième type concerne les paires où le nombre d’actants est constant, mais ceux-ci occupent des positions syntaxiques différentes. Il s'agit de constructions converses dans lesquelles on observe une alternance verbale du type donner/recevoir, acheter/ vendre, etc. :

  1. a. Ses copains ont envie de donner une leçon à ce Don Juan

b. Ce Don Juan a reçu une leçon de ses copains

Rappelons que l’alternance syntaxique qui concerne les constructions symétriques (N1 V avec N2 = N1 et N2 V) est recensée dans la structure syntaxique, et non en tant que variante verbale, parce que ce type d’alternance, outre qu'elle est systématique pour toute une série de verbes, n'entraîne aucune différence de sens :

  1. a. Max a accordé ses violons avec Léa

b. Max et Léa ont accordé leurs violons

Il est évident que la variation syntaxique ne se limite pas aux expressions du français commun. Elle se retrouve, comme on pouvait s’y attendre, parmi les variétés géographiques. Ainsi, (81a-b) sont des expressions appartenant au français de Belgique :

  1. a. Le patron a passé un cigare à son employé (B) ‘Réprimander’

b. L’employé a attrapé un cigare du patron (B)

‘Être réprimandé’

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[1] On notera que le Grand Robert atteste renvoyer, faire retourner quelqu’un à l’école ‘lui faire sentir son ignorance’.

[2] Voir § 2. Le figement. Le principe du dictionnaire est en effet de ne retenir que les expressions où un verbe au moins fait partie de l'expression.