Un homme ordinaire aux actes extraordinaires

Né en 1954 de parents agriculteurs à Murama, dans l’ancienne préfecture de Gitarama au centre du Rwanda, Paul Rusesabagina adhère à la religion adventiste depuis son enfance. Il fait ses études primaires et secondaires au sein de la Mission adventiste de Gitwe, la plus ancienne du pays. A l’issue de ses études secondaires, il quitte ses parents et son pays pour se rendre au Cameroun, où il étudie la théologie.

De retour au Rwanda, en plus de son bagage intellectuel en matière de religion, il parle couramment l’anglais et le français. Ces atouts lui permettent d’être embauché comme réceptionniste à l’Hôtel des Mille Collines, le plus luxueux hôtel du pays appartenant à la société belge, la SABENA. Il est ensuite promu chef réceptionniste à l’Hôtel Akagera, alors convoité par les touristes étrangers qui visitent le parc national de l’Akegera, à l’est du pays.

De 1980 à 1984, Rusesabagina séjourne au Kenya et en Suisse, où il étudie la gestion hôtelière. Rentré au Rwanda, il devient l’adjoint du directeur général de l’Hôtel des Milles Collines. Huit ans plus tard, il est désigné directeur général de l’Hôtel des Diplomates à Kigali, appartenant au gouvernement rwandais et géré par la SABENA.

Le 6 avril 1994, l’assassinat du président Juvénal Habyarimana déclenche le génocide des Tutsi et le massacre des opposants Hutu. Rusesabagina, né d’un père Hutu et d’une mère Tutsi, lui-même marié à une Tutsi, reste bloqué chez lui, à Kabeza, dans la périphérie de Kigali.

Le 9 avril, des militaires lourdement armés débarquent à son domicile et lui intiment l’ordre de les suivre à l’Hôtel des Diplomates, déjà réquisitionné par le gouvernement intérimaire1. N’ayant pas le choix et craignant pour sa vie et celle de plus d’une trentaine de personnes présentes chez lui dont des membres de sa famille et plusieurs voisins, il obtempère.

Il négocie avec le chef militaire, afin de le laisser partir avec toutes ces personnes qu’il fait passer pour ses membres de famille. Le militaire accepte, mais à peine après avoir parcouru quelques centaines de mètres, il arrête le convoi et fait descendre tout le monde. Il leur ordonne de se regrouper sur un terrain, à côté d’une école primaire. Il tend un fusil à Rusesabagina et lui demande de fusiller « ses cafards »2.

Consterné, l’hôtelier répond qu’il ne sait pas se servir d’un fusil et implore le militaire de les épargner. Ce dernier exige alors une rançon exorbitante par personne. Rusesabagina lui explique que ces personnes n’ont pas d’argent, mais que lui en possède dans le coffre de l’Hôtel. Après s’être mis d’accord sur le montant avec Rusesabagina, le chef militaire autorise tout le monde à remonter dans les véhicules, en direction de l’Hôtel. Le gouvernement intérimaire a besoin de Rusesabagina parce qu’il possède toutes les clés de l’Hôtel et peut ainsi ouvrir toute les chambres fermées et les stocks.

 


1 Le gouvernement intérimaire rwandais a été constitué le 9 avril 1994, trois jours après l'attentat qui a coûté la vie au président rwandais Juvénal Habyarimana et l'assassinat par la garde présidentielle du Premier ministre Agathe Uwilingiyimana. La constitution de ce gouvernement a été faite sous la houlette du chef de cabinet du ministre de la Défense, le colonel Théoneste Bagosora. Ce gouvernement a conduit le génocide.
2 Terme insultant et déshumanisant utilisé pendant le génocide pour désigner les Tutsi.