Risquer sa vie pour sauver celle des autres

Malheureusement, la situation se détériore le 18 avril 1994. Les miliciens Interahamwe1 ont commencé à brûler les maisons des Tutsi et à les chasser. Ce jour-là, Vjeko a écho de rumeurs d’une éventuelle attaque de la paroisse. Il emmène alors une partie des réfugiés à l’école primaire de Musengo. Hélas, retrouvés par les miliciens, la plupart d’entre eux sont massacrés le lendemain.

Frère Vjeko retourne sur les lieux. Il conduit les survivants à Kabgayi. Arrivé à la barrière de Cyakabiri, les Interahamwe le font sortir du véhicule et l’agenouillent. Ils lui demandent de payer, en échange de son passage. Vjeko s’exécute et sauva ainsi un enfant de 18 mois, qu’il avait trouvé encore accroché dans le dos de sa mère, tuée à Musengo.

C’est dans le diocèse de Kabgayi que Frère Vjeko décide alors d’évacuer les réfugiés les plus menacés. Il utilise d’abord un taxi minibus qu’il avait loué, puis son propre véhicule, ou parfois une ambulance. Ainsi, il prétend qu’il transporte des blessés graves. Pour ne pas éveiller les soupçons des Interahamwe et parce que de nombreuses barrières sont installées entre Kivumu et Kabgayi, Vjeko circule la nuit. Il cache les gens dans des sacs de nourriture, ou entre des bûches de bois.

Presque chaque jour, il rend visite aux réfugiés à Kabgayi et leur amène des vivres, accompagné du chauffeur de la paroisse dans un autre véhicule. Vjeko se réjouit notamment de retrouver ceux qu’il croyait morts. Ne se laissant aucune minute de répit, Frère Vjeko se rend dans les villages et aux barrières pour récupérer les blessés et les emmener à l’hôpital de Kabgayi, où les religieuses de Kivumu qu’il a mobilisées les soignent. Vjeko va même jusqu’à aider certains à se rendre au Burundi, notamment un ouvrier qui travaillait dans sa paroisse avec sa sœur.

Le 25 avril 1994, Vjeko se fait une nouvelle fois arrêter par des militaires. Il est contraint de s’asseoir par terre. Les militaires l’accusent de mentir, de transporter non pas des cadavres et des blessés à l’hôpital, mais des réfugiés. Vjeko réussit toutefois à s’en sortir. Cette situation se reproduira souvent, pour ne pas dire à chacun de ses déplacements. Pourtant, incapable de cesser d’aider son prochain, il continuera de risquer sa vie, jusqu’à l’arrivée du FPR à Kabgayi, le 2 juin 1994.