La Chaire s’attachera à saisir les problèmes et les enjeux d’une pensée en action au sein et au service du projet démocratique, c’est-à-dire d’une pensée dont les idéaux d’universalité rencontrent les spécificités des cultures (nationales ou locales) dans lesquelles elle entend s’intégrer.
Par culture, nous visons l’ensemble des savoirs, valeurs et référents symboliques qui font l’objet d’une transmission entre les générations et se manifestent dans les différentes pratiques (sociales, mais aussi politiques, économiques, scientifiques, artistiques, etc.) qui traversent les sociétés.
La Chaire portera donc sur les rapports indissociables entre la pensée théorique et l’action pratique, entre la nature et la culture, entre la rationalité hypothético-déductive et la rationalité sociale – et ceci de manière conforme au geste fondateur de ce projet, à savoir l’enracinement de toute pensée dans une culture et l’engagement de la pensée dans le monde. Il s’agira donc moins de développer des discours sur la société que de penser le projet démocratique et ses défis humains dans la société, au regard des conditions d’exercice de la citoyenneté et des moyens d’accès des populations à des « libertés réelles », notamment dans les domaines politique et économique.
L’objectif principal de la Chaire vise donc à comprendre la question de la démocratie sous ses multiples aspects comme un rapport fondamental entre la théorie et l’action. Ou, plus exactement encore, de penser la théorie en action. Trop souvent, les différentes théories politiques ou économiques apparaissent en effet comme des constructions idéalisées qui n’engagent pas vraiment ceux qui les soutiennent, négligent les conditions concrètes d’exercice de la citoyenneté et effacent les spécificités culturelles dans lesquelles les règles et les principes doivent s’intégrer. S’ouvre alors une faille entre le langage théorique et l’engagement effectif, entre le discours et l’agir.
L’objectif de réfléchir à la validité d’une théorie à partir de son action dans le monde est d’approfondir l’idée que tout usage du langage constitue un engagement éthique. Il ne devrait pas y avoir ici de failles insurmontables ou de séparation radicale entre les discours fondés sur une rationalité hypothético-déductive et un discours public par lequel les êtres humains se gouvernent au travers des structures de représentation. Dans cet engagement langagier, dans cet agir critique et responsable, l’être humain est requis tout entier. Le savoir et l’agir sont ici indissociables.
Dans cette perspective, les théories politiques, économiques ou juridiques ne peuvent plus se contenter de proposer des règles et des principes abstraits qui définissent ce qu’il faudrait entendre par une « société juste ». Elles doivent s’éprouver dans l’action et proposer des solutions concrètes pour tenter de corriger les inégalités de pouvoir réelles, au service du projet démocratique.
Le projet entend donc se concentrer sur un double objectif :
1- Un objectif épistémologique qui, liant la théorie à l’action, tentera de montrer que bon nombre de problèmes politiques, économiques et juridiques ne peuvent être valablement compris que dans une perspective pratique, appelant du même coup la construction d’une démarche trans- et inter-disciplinaire.
2- Un objectif éthico-politique qui se donne pour tâche de développer une pensée de la démocratie, à la fois adaptée aux sociétés contemporaines globalisées et respectueuse des différences culturelles (Nord et Sud, Orient et Occident, etc.).
De manière conforme à son objet et en partenariat étroit avec la société civile, la Chaire entend mettre en œuvre les 4 projets suivants :
(1) un cycle de séminaires internationaux, sur le thème « Démocratie, cultures et engagement » ;
(2) la promotion de deux thèses doctorales en sociologie politique et en droit/sociologie du droit ;
(3) des dispositifs de formation : d’une part un certificat de formation universitaire s’adressant aux cadres émergeants de la société civile du Nord comme du Sud, se préoccupant de changement social en vue d’approfondir le projet démocratique, et d’autre part le projet PeaceJam, qui promeut une culture de paix auprès de la jeunesse mondiale, sur les traces de 13 Prix Nobel de la Paix membres de l’organisation ;
(4) et une plateforme d’information multilingue concernant l’évolution de la démocratie et des droits humains en Birmanie
Si une partie du programme d’appui à la recherche portera sur la Birmanie, ce programme est néanmoins d’une portée plus large. En effet, il fera en sorte que les questions et réflexions issues de l’expérience birmane participent d’un questionnement plus fondamental sur les rapports entre théorie et pratique dans la perspective de l’approfondissement du projet démocratique.