Les jours difficiles se succèdent à l’Hôtel et plus le temps passe, plus les attaques se multiplient. Ainsi, le 13 mai, un officier supérieur de l’armée rwandaise prévient Rusesabagina que tous les réfugiés seront exterminés à 16 heures. Rusesabagina envoie des fax d’alerte partout dans le monde, notamment en Belgique et en France. La bonne nouvelle lui parvient de l’étranger : le plan des tueurs est déjoué. Frustrés, ces derniers tirent un boulet de canon sur l’Hôtel vers 22h30, heureusement sans faire de victime.
Le 17 juin fut le jour le plus long et le plus difficile à l’Hôtel des Mille Collines. Les miliciens, après avoir tué les réfugiés du centre pastoral Saint Paul situé à quelques mètres, envahissent l’Hôtel vers 13 heures, en hurlant. Armés de fusils, de machettes et de gourdins, ils demandent où se trouve le gérant de l’Hôtel qui protège les « cafards ». L’épouse et les enfants de Rusesabagina se cachent dans la baignoire. Lui n’est pas présent, il est, avec le Général chef d’état-major de l’armée rwandaise, à l’Hôtel des Diplomates où il a encore des stocks d’aliments et de boissons. Il apprend l’attaque de l’Hôtel des Mille Collines par téléphone et implore le secours du Général. Ce dernier se rend directement à l’Hôtel des Mille Collines avec son escorte.
A son arrivée, les Interahamwe sont occupés à faire sortir tous les réfugiés et à les regrouper dans la cour près de la piscine. Certains réfugiés sont déjà à genoux, mains en l’air et attendent la mort. Le Général demande à un de ses gardes du corps de grimper sur le monticule et de crier fort aux miliciens : « Retirez-vous immédiatement de l’Hôtel ! Si un milicien tue un réfugié, je le fusille sur le champ ! S’il frappe ou blesse un réfugié, je le fusille tout de suite ! Si après cinq minutes il y a encore un milicien dans l’Hôtel, je le fusille aussi ». Le Général entre dans l’Hôtel en courant, son pistolet à la main. Les ascenseurs ne fonctionnent plus, il gravit rapidement les marches des escaliers en criant aux Interahamwe de sortir. Ces derniers s’exécutent mais jurent d’avoir la peau de Rusesabagina. Ils le croiseront dehors mais ne le reconnaîtront pas.
Cette attaque attire l’attention de la communauté internationale ; celle-ci accentue alors la pression sur les belligérants, afin de laisser la MINUAR poursuivre l’évacuation de tous les réfugiés. L’après-midi, une réunion urgente se tient à l’Hôtel. Y participent l’agent de liaison des forces armées rwandaises, le Chef d’Etat-major par intérim des forces armées rwandaises et quelques responsables de la MINUAR. La réunion conclut qu’il faut évacuer, le soir même, tous les réfugiés de l’Hôtel.
Informé de la décision, Rusesabagina fait part de ses inquiétudes quant au danger d’une évacuation nocturne. En effet, il fait déjà nuit à 18 heures et la ville de Kigali est coupée d’électricité. Il rappelle l’expérience de l’évacuation des réfugiés le soir du 3 mai 1994 qui a tourné au cauchemar. Ce jour-là, les miliciens Interahamwe ont bloqué le convoi de la MINUAR, ont descendu tous les réfugiés des véhicules et les ont violemment frappés et blessés. Les réfugiés étaient alors revenus à l’Hôtel dans des circonstances effroyables.
Finalement, l’évacuation sera reportée au lendemain matin et la MINUAR sera autorisée de protéger les réfugiés. Elle déploiera des casques bleus et des véhicules blindés à l’Hôtel.
Le 18 juin, Rusesabagina est évacué avec sa famille sur Kabuga, où il retrouve les réfugiés de l’Hôtel évacués avant lui. Ces derniers l’accueillent tous en héros et lui rendent un hommage vibrant pour tout ce qu’il a accompli afin de les protéger.