Début juillet, la victoire militaire du FPR met fin au génocide ; un nouveau régime s’installe à Kigali. Rusesabagina y retourne et commence à nettoyer les deux Hôtels. Le directeur général de l’Hôtel des Milles Collines, rapatrié au début du génocide, revient et réintègre ses fonctions. Rusesabagina s’installe à l’Hôtel des Diplomates qu’il s’emploie à réhabiliter.
Pourtant, la sécurité est loin d’être garantie par le nouveau pouvoir. Aux quatre coins du pays, une série d’assassinats ciblent les Hutu. On parle de règlements de comptes. En 1996, après avoir échappé à plusieurs attentats, Rusesabagina décide de prendre le chemin de l’exil et devient chauffeur de taxi à Bruxelles.
Dès le lendemain du génocide, plusieurs journalistes et activistes des droits de l’homme commencent à recueillir des témoignages sur le génocide. Nombreux à loger à l’Hôtel des Mille Collines, ils sont particulièrement intéressés par l’histoire du lieu. Tous les survivants de l’Hôtel qu’ils interviewent relatent le courage exceptionnel de Rusesabagina1.
De nombreuses fondations et institutions occidentales lui décernent des prix pour son courage et son humanité. Ainsi, en février 2000, il reçoit, des mains du célèbre sénateur républicain, Robert Joseph « Bob » Dole, le prix Immortal Chaplains Prize for Humanity, de la part de l’organisme américain, The Immortal Chaplains Foundation.
L’ambassadeur du Rwanda à Washington et un haut responsable des services rwandais de renseignement militaire s’invitent à cette cérémonie. En effet, les autorités rwandaises s’intéressent à Rusesabagina, dont l’héroïsme durant le génocide gagne en réputation internationale. Malgré son statut de réfugié en Belgique, les autorités rwandaises cherchent à en faire un allié. Elles négocient son retour au Rwanda et lui proposent différents postes : ambassadeur dans le pays de son choix, premier ministre, etc. Ces fonctions politiques n’attirent pas Rusesabagina qui préfère son travail indépendant de chauffeur de taxi.
A la fin de l’année 2001, une délégation rwandaise dirigée par l’ambassadeur du Rwanda en Allemagne informe Rusesabagina que le Président souhaite lui décerner une médaille d’honneur pour son courage durant le génocide, à l’occasion des cérémonies nationales de commémoration du génocide prévues en avril 2002. Rusesabagina accepte l’invitation et prépare son voyage. Cependant, il finit par l’annuler à la dernière minute, après avoir reçu plusieurs témoignages affirmant qu’il ne s’agirait que d’un appât pour acheter son allégeance.
Entre-temps, son histoire continue à intéresser plusieurs cinéastes et écrivains. Elle inspire notamment, en 2004, le film « Hotel Rwanda » du cinéaste Terry George. En février 2003, ce dernier se rend au Rwanda avec Rusesabagina et quelques techniciens, afin de collecter les récits des survivants de l’Hôtel et d’examiner la possibilité de tourner sur place. Ils séjournent à Kigali pendant deux semaines et collectent plusieurs cassettes vidéo de témoignages, corroborant tous le récit de Rusesabagina2.
Pourtant, le tournage au Rwanda se révèle difficile : les blessures du génocide sont encore ouvertes, la réalisation du film à Kigali risque de choquer et de réveiller le traumatisme des survivants. De plus, certains épisodes nécessitent des foules immenses de gens, qu’on ne saurait réunir dans la ville de Kigali sans y paralyser la vie. Enfin, la volonté des autorités rwandaises de contrôler étroitement tout ce qui se dit sur le génocide et de ne tolérer que ce qui répond à leurs attentes, dérange l’équipe du film.
Finalement, le film est réalisé début 2004 à Johannesburg, en Afrique du Sud. Le rôle de Rusesabagina est interprété par l’acteur américain Don Cheadle. Le film connaît un grand succès et est nominé pour trois oscars. De nombreuses personnalités et organisations humanitaires réputées invitent Rusesabagina.
En novembre 2005, le président Georges W. Bush lui remet la médaille de la Liberté, la plus haute distinction civile aux Etats-Unis. La même année, Rusesabagina crée la Hotel Rwanda Rusesabagina Foundation, visant notamment à venir en aide aux victimes des crimes de masse. En avril 2006, il publie son autobiographie, Un homme ordinaire : L’histoire vraie qui inspira le film « Hotel Rwanda ».
1 African Rights : Rwanda, Death, Despair and Defiance, revised Edition, August 1995, pp 719-724 ; Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda. Rapport de la FIDH et de Human Rights Watch, Karthala, avril 1999, pp. 739-740 ; Philip Gourevitch, We wish to inform you that tomorrow we will be killed with our families, Editions Farrar, Straus and Giroux, 1998. Ce livre a été traduit en Français en 1999 et publié aux éditions Denoël de Paris, sous le titre : Nous avons le plaisir de vous informer que, demain, nous serons tués avec nos familles.
2 Lire à ce sujet l’article de Terry George du 04 novembre 2014