Depuis la sortie du film « Hotel Rwanda », Rusesabagina donne régulièrement des conférences dans des écoles et universités occidentales. Au cours de ses interventions, il dénonce le génocide et les autres crimes contre l’humanité perpétrés au Rwanda, y compris ceux qui furent commis par l’armée du FPR, au pouvoir depuis juillet 1994.
Le 15 novembre 2006, il dépose plainte auprès du Procureur près le Tribunal Pénal International pour le Rwanda basé à Arusha (Tanzanie) contre le Général Paul Kagame, longtemps chef d’Etat-Major de cette armée et actuel président de la République du Rwanda. En 2006, il crée un parti politique d’opposition : le Parti Démocratique au Rwanda (PDR-IHUMURE) qu’il préside depuis sa création.
Les agissements de Rusesabagina ont provoqué l’inimitié des autorités rwandaises à son encontre. Ces dernières le décrivent comme un profiteur cynique, qui s’est enrichi grâce au génocide, en obligeant les réfugiés à lui donner argent et biens en échange d’une prétendue protection. Elles le traitent de négationniste, révisionniste et divisionniste devant demander pardon pour s’être autoproclamé héros1.
Le président Paul Kagame a lui-même dénoncé, dans son discours du 1er février 2006 à l’occasion de la fête nationale des Héros, un « héros fabriqué » (manufactured hero), expliquant que les héros rwandais ne peuvent être « made in America, Europe or in Asia » et que les stars de cinéma n’ont pas leur place sur la liste des héros nationaux.
Confronté à ces graves accusations, Rusesabagina répond qu’elles n’ont rien d’inédit. Il déclare : « Il s’agit ni plus, ni moins de monceaux d’affabulations. Cela a commencé quand j’ai reçu la médaille de la Liberté, à la Maison-Blanche, en 2005. Avant, aucun des réfugiés de l’Hôtel des Mille Collines ne m’avait fait le moindre reproche après l’évacuation de l’hôtel, en juin 1994, ni dans les années qui ont suivi. Le réalisateur du film Hotel Rwanda lui-même a visité le Rwanda et a rencontré nombre de survivants du génocide de l’Hôtel des Mille Collines avant de tourner son film et aucun n’a contredit ma version. Les journalistes et activistes des droits de l’homme qui se sont rendus au Rwanda après le génocide ont rapporté l’histoire de l’hôtel sans évoquer la moindre plainte contre moi, alors qu’ils avaient pu rencontrer plusieurs survivants. Mais aujourd’hui, chaque fois que je dois intervenir quelque part, les autorités rwandaises s’arrangent toujours pour organiser des perturbations, à travers ses ambassades, mais aussi des associations de survivants du génocide que le régime actuel a prises en otage. Je suis la cible d’une campagne de dénigrement pilotée depuis Kigali. Le président rwandais, Paul Kagame, me considère comme un adversaire parce que mes dénonciations le dérangent. Il manipule les survivants de l’Hôtel ainsi que quelques étrangers opportunistes afin de ternir mon image. Je ne me suis pas tu à l’Hôtel, en 1994. Je ne me tairai pas non plus aujourd’hui. J’appelle les violations des droits de l’homme du gouvernement actuel par leur nom, tel est mon crime »2.
1 Lire en particulier Alfred Ndahiro, Privat Rutazibwa, Hôtel Rwanda ou le génocide des Tutsis vu par Hollywood, Paris, Éd. Harmattan, 2008.
2 Extrait d’entretien avec Paul Rusesabagina à Bruxelles, le 28 décembre 2014.