Des funérailles dignes d'un héros

Le jour des funérailles, sont notamment présents de nombreux membres de l’Ordre des Franciscains, venus des quatre coins du monde. Le Premier ministre du Rwanda, Pierre-Célestin Rwigema, et d’autres membres du gouvernement ont également fait le déplacement. Des centaines de chrétiens, catholiques ou d’une autre confession, sont venus pleurer le Frère Vjeko. Malgré cette foule nombreuse, l’heure est au rassemblement et au recueillement.

La cérémonie s’achève sur le discours du Ministre général de l’Ordre des Frères mineurs, Giacomo Bini, qui évoque d’abord les paroles, tristement prémonitoires, de Frère Vjeko, prononcées quelques mois auparavant : « Ceux que j’ai sauvés me tueront ». Le franciscain cite, pour conclure, l’évangile de Saint Jean (Jn 10, 17b-18a) : « Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même ».

Frère Vjeko a donné sa vie pour le Rwanda ; il y a laissé son empreinte, en particulier à Kivumu : les maisons d’habitation dont il a financé la construction, une école professionnelle qui porte son nom, etc. Deux ans avant sa mort, Frère Vjeko venait d’échapper miraculeusement à une tentative d’assassinat. Mais il persistait : « Je suis venu au Rwanda pour servir ces gens, je suis resté avec eux pendant la guerre. J’y resterai jusqu’à la fin ». C’est ce qu’il fit.

La population de Kivumu est aujourd’hui orpheline. Chaque année, l’anniversaire de sa mort est l’occasion d’un hommage vibrant à celui qui toucha le cœur de ses paroissiens, en refusant de les abandonner. Alors que de nombreux autres expatriés furent évacués, Vjeko se dressa aux côtés de la population de Kivumu au cours des heures les plus sombres de leurs vies. Il dénonça ouvertement l’usage de toute violence et continua à prêcher les valeurs de paix et d’unité tout au long du génocide, et au-delà.

Personne à Kivumu n’oublie la bonté et la compassion de cet homme. Frère Vjeko fut un soleil pour le Rwanda. Il ne fit pourtant qu’appliquer, tout au long de sa vie, les paroles du fondateur de son ordre, Saint François d’Assise : « Rappelez-vous que lorsque vous quittez cette terre, vous n’emportez rien de ce que vous avez reçu, uniquement ce que vous avez donné »1.


1 L’Ordre des Franciscains, ainsi que la province dont est originaire Vjeko en Bosnie-Herzégovine, ont reçu une reconnaissance particulière pour l’œuvre de Frère Vjeko. Il aurait été demandé à ce que ses restes soient rapatriés dans son pays d’origine.