Archéométrie

CRAN

La caractérisation des céramiques, la détermination de leurs provenances et techniques de fabrication, l'étude des fonctions et leur datation sont un certain nombre de questions qui se posent aux archéologues à propos du matériel céramique trouvés lors des fouilles. Des réponses à ces questions sont fournies par les recherches en laboratoire dont les techniques se sont considérablement développées ces dernières années.

I. Études pétrologiques

Les mêmes techniques sont utilisées pour caractériser les céramiques et en déterminer le lieu de fabrication.

Les études pétrologiques ont pour dessein de caractériser le matériel argileux employé pour façonner des céramiques. En considérant les céramiques comme des roches métasédimentaires, les techniques analytiques utilisées en géologie pour étudier de telles roches peuvent être appliquées aux céramiques : l'archéométrie a donc emprunté ses méthodes d'analyse à la géologie-minéralogie qui dispose de nombreuses techniques de détermination des minéraux et de caractérisation des roches en ce compris les sédiments meubles. Cependant, le potentiel d'information que peut nous donner une céramique ne peut être acquis par un seul type d'analyse. En effet, plusieurs types d'analyses sont nécessaires pour tirer le maximum d'information de chaque tesson. Ainsi, le géologue-archéomètre est amené à combiner et, ensuite, à interpréter les résultats des différentes techniques. Les descriptions qui vont suivre sont basées sur les procédures analytiques suivies dans le Laboratoire Afdeling Physische and Chemische Geologie van de Katholieke Universiteit Leuven et du Laboratoire de Géologie et Minéralogie de l'Université catholique de Louvain.

I.1-Description macroscopique

Une céramique est constituée d'une fraction fine -argileuse- dans laquelle sont dispersés les éléments plus grossiers du dégraissant. Elle est parfois recouverte d'un revêtement. Pour la caractériser, l'archéologue procède en premier lieu à l'observation visuelle du tesson sur une cassure fraîche, qui est souvent complétée par une observation au binoculaire.

I.2-Techniques d'analyse chimique

Le recours aux analyses géochimiques par les techniques de fluorescence-X (FRX-XRF), d'activation neutronique (AAN-NAA), d'absorption atomique (AAS-SAA) et/ou de spectrométrie d'émission atomique (SEA-AES) permet de franchir une nouvelle étape : la connaissance de la composition chimique des céramiques. Les résultats obtenus sont d'ordre quantitatif et concernent en général les éléments majeurs et mineurs (+/- 10) exprimés en pourcentage/poids d'oxydes et un certain nombre d'éléments-traces exprimés en ppm. L'objectif de cette approche est essentiellement la détermination de l'origine des céramiques qui implique l'existence de groupes de référence. Le laboratoire d'archéométrie doit donc disposer et/ou avoir accès à une banque de données reprenant les caractéristiques des centres de production connus. C'est par comparaison avec ces données qu'il devient possible avec l'aide de méthodes statistiques de déterminer l'origine probable des céramiques trouvées dans les sites de consommation.

En outre, il s'avère souvent nécessaire de déterminer la composition chimique du revêtement ou de minéraux particuliers du dégraissant. Cela nécessite le recours à la microsonde électronique à R-X. Par ailleurs, le microscope électronique à balayage (SEM) permet de préciser la texture submicroscopique de la pâte fine et du revêtement.

Ces techniques analysent les éléments chimiques ou composés constituant le tesson. Ces éléments chimiques sont appelés

  • majeurs si leur taux respectif dépasse 2%
  • mineurs si leur taux respectif se situe entre 0.1 et 2%
  • traces si leur taux respectif est en dessous de 0.1% (soit 1000ppm)

Les majeurs sont généralement exprimés en pourcentage oxyde et les traces en ppm de ces éléments.

I.2.1. Les analyses totales.
  • Spectrométrie d'émission atomique (SEA)
    Après sèchage et broyage, l'échantillon (tesson) est tamisé pour retirer tout "corps" étranger et ne retenir que la fraction fine. 0.1gr de cette poudre est fondue à 1000°C avec du métaborate de lithium (flux). Ensuite, ce mélange est dissous dans du HNO3 dilué. L'échantillon est alors volatilisé dans un arc électrique à une température de 6000°C. Cette énergie thermique excite les électrons des atomes qui, revenus à leur état originel, libèrent l'excès d'énergie accumulé lors de l'"excitation". Elle est émise avec une longueur d'onde propre à chaque élément et est dispersée par un système de fentes. L'intensité de chaque longueur d'onde est donc mesurée et comparée à des solutions standard. Les éléments sont alors identifiés et quantifiés.
    Les éléments majeurs habituellement analysés sont les suivants: SiO2, Al2O3, Fe2O3, MgO, MnO, CaO, P2O5, TiO2.
    Désirez-vous visualiser l'instrumentation SEA-AES ?
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  • Spectrométrie d'absorption atomique (SAA)
    Dans cette technique, les éléments sont identifiés par leur capacité d'absorber de l'énergie lumineuse plutôt que d'en émettre. La préparation de l'échantillon est la même que celle employeé pour la SEA. Après préparation, l'échantillon est volatilisé dans une flamme d'air-acétylène de +/- 1000°C. Chaque élément atomisé absorbe des longueurs d'onde de lumière émise de chaque élément à analyser par une lampe à cathode creuse (en effet, une lampe de l'élément X émet un intervalle restreint de longueurs d'onde propre à cet élément X). La "quantité" de lumière absorbée par l'échantillon est mesurée et comparée à des courbes standards de concentrations connues, pour déterminer la concentration des éléments présents.
    Un désavantage de cette méthode est que la quantification ne porte jamais que sur seul élément par analyse. Par ailleurs, Na2O et K2O peuvent analysés ensemble en analysant Fe, Mg, Ca, Na, Cu, Mn, Co, Ni, Zn, Cd, Pb, Sr.
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  • Spectroscopie par fluorescence des rayons X (FRX)
    La fluorescence-X est l'une des méthodes les plus utilisées pour déterminer la composition chimique des céramiques archéologiques. Elle permet de réaliser les analyses des constituants majeurs et de nombreux éléments en traces en un temps très court. La méthode est fiable et reproductible.
    Après séchage et broyage, 1.25 gr de l'échantillon est mélangé à 6.25 gr de flux et à 0.030gr de LiBr. Le mélange est ensuite fondu et trempé. Des rayons-X primaires sont envoyés sur l'échantillon et excitent les électrons. Leurs transitions s'accompagnent d'émission d'énergie : rayons-X secondaires ou rayons-X fluorescents. Chaque élément produit des rayons-X d'une longueur d'onde particulière, et l'intensité des rayons-X secondaires est proportionnelle à la concentration de l'élément. Les rayons-X secondaires sont dispersés et détectés par un cristal analyseur positionné selon un angle déterminé par l'équation de Bragg pour capter les rayons-X secondaires à analyser. Notons par ailleurs que seule une mince épaisseur de l'échantillon est analysée (20-200µm). Les éléments suivants sont habituellement analysés : SiO2, Al2O3, Fe2O3, MgO, MnO, CaO, P2O5, TiO2 pour les majeurs et mineurs et Ba, Ce, Co, Cr, Cu, La, Ni, Nb, Rb, Sr, W, Y, Zn, Zr.
    Les compositions chimiques représentatives de différents ateliers de potiers et des éventuelles matières premières disponibles dans leur environnement nécessitent l'analyse d'un nombre suffisant d'échantillons. Vu leur nombre, il est très utile de traiter cet ensemble de données géochimiques par des méthodes statistiques, comme l'analyse de grappe. Il s'agit de regrouper par le calcul des distances dites euclidiennes les céramiques dont les compositions chimiques se ressemblent. Le résultat de ce traitement se traduit graphiquement par un diagramme arborescent ou dendrogramme. La comparaison d'un ensemble de céramiques se matérialise par la hauteur du diagramme : plus la hauteur est grande, plus les échantillons sont différents. L'identification de l'origine de céramiques retrouvées dans les sites de consommation passe par la comparaison de celles-ci avec des groupes de céramiques dont l'origine est connue.
    Le dendrogramme que vous pouvez visualiser est le résultat de l'analyse de grappe en affinité moyenne des résultats des analyses des éléments majeurs et en traces -remises à 100% et standardisées en variables centrées réduites- d'une série de céramiques fines engobées et métallescentes des ateliers de Trèves. Son analyse permet de regrouper les échantillons en trois populations A, B et C, montrant qu'il peut y avoir trois productions céramiques distinctes à Trèves. Cette discrimination ne peut être réalisée par le recours aux seules études pétrographiques et minéralogiques.
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I.2.2. Les analyses d'éléments en trace.
  • Analyse par activation neutronique
    Après séchage et broyage, l'échantillon est pressé dans une pastille et placé dans un réacteur nucléaire muni de fonctions de recherche avec des standard de calibration. Sous des conditions bien strictes, les nuclei d'atomes sont bombardés par des neutrons. Les éléments de l'échantillon deviennent des isotopes instables et radioactifs ce qui anéantit les conditions de stabilité. Des radiations sont émises avec un rapport et une intensité typique pour chaque élément, et caractérisées par leur demi-vie. Par la détermination des niveaux d'énergie des rayonnements gamma émis, les éléments sont détectés individuellement. Via le calcul des intensités des rayonnements, c'est-à-dire du nombre de photons, on peut déterminer la concentration de chaque élément.
    Les éléments suivants sont habituellement analysés : Na, Sc, Cr, Fe, Co, Rb, Sr, Ba, La, Ce, Nd, Sm, Eu, Tb, Y, Lu, Hf, Ta, Th et U.
    Vous pouvez accéder à la visualisation graphique d'une analyse.
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I.2.3. Analyse chimique ponctuelle.
  • Analyse à la microsonde
    La microsonde électronique à R-X permet de déterminer la composition chimique ponctuelle d'objets sur une lame mince polie. Pour réaliser une telle analyse, une lame mince polie de 30µm et métallisée d'un film conducteur d'or ou de carbone doit être préparée dans le tesson à analyser. Cette technique implique l'envoi d'un faisceau d'électrons, accélérés par haut voltage sous vide, et focalisés sur la plage à analyser de +/-1µ de diamètre, le long d'un profil par pas d'une longueur déterminée par l'utilisateur (généralement 1-2µm). Le faisceau dirigé sur l'échantillon provoque l'apparition de rayons-X secondaires.
    Ceux-ci sont dispersés et détectés par un cristal analyseur positionné selon un angle déterminé par l'équation de Bragg afin de capter les rayons-X secondaires à analyser. Chaque élément produit des rayons-X d'une longueur d'onde qui lui est propre. Leur analyse permet de déterminer les éléments chimiques majeurs présents, de manière quantitative, en convertissant l'intensité des rayons-X secondaires en concentration. Les éléments suivants sont analysés de manière classique : Na, Mg, Al, Si, K, Ca, Ti, Cr, Mn, Fe.
    Cette méthode permet donc de répondre à des questions précises et ciblées, comme l'identification d'un minéral du dégraissant qui serait caractéristique d'une roche ou d'une formation géologique particulière de la région d'un atelier. La détermination de la composition chimique de la fraction fine de la céramique, et plus spécialement de son revêtement dont l'épaisseur est souvent de l'ordre de +/-10µ, est le résultat attendu de cette analyse dont vous pouvez visualiser la représentation graphique.
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  • Analyse au microscope électronique
    Pour préparer une telle analyse, l'échantillon est couvert d'un film conducteur d'or ou de carbone. Des électrons sont accélérés par haut voltage sous vide et sont envoyés en un faisceau de +/- 3µm. On peut théoriquement analyser tous les éléments qui, ayant un nombre atomique supérieur à 11, composent les réflections du faisceau à la surface de l'échantillon. Les microphotos auxquelles vous pouvez accéder en illustrent un résultat.
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I.3-Techniques minéralogiques et autres

La caractérisation minéralogique se base sur l'analyse des minéraux (phases cristallines) ou des différents composants minéralogiques du tesson. Ces minéraux constituent tout d'abord le dégraissant, naturel ou ajouté, et composent les argiles (phase argileuse). Ces derniers sont assez problématiques.

I.3.1. Diffractométrie des rayons-X

La diffraction des rayons-X permet de préciser la composition minéralogique de la céramique et tout particulièrement celles de la matrice fine -argileuse- ainsi que du revêtement, qui sont inaccessibles par la technique microscopique.

Des rayons-X sont envoyés sur un échantillon en poudre. Les différents plans réticulaires composant les minéraux sont caractéristiques de chaque minéral, c'est-à-dire de chaque structure cristalline. Les rayons-X vont se diffracter et être réfléchis sur ces différents plans. Les rayons réfléchis sont alors détectés en séries caractéristiques des structures cristallines en présence. Cette technique DRX-XRD permet donc une analyse qualitative des phases minérales primaires, secondaires et néoformées.

I.3.2. Etude d'échantillons en lame mince

L'analyse pétrographique réalisée au moyen du microscope polarisant consiste à examiner le tesson dont un fragment a été préparé sous la forme d'une lame mince de 30 µ (0,03 mm) d'épaisseur. Cette technique permet l'identification des éléments minéraux non-argileux (le dégraissant) constitutifs de la céramique qui peuvent être des fragments de minéraux, de roches ou de chamotte. Elle assure ainsi la détermination et la quantification de visu des différentes phases présentes dans le tesson : minérales et parfois organiques. Elle permet aussi de reconnaître la texture de la matrice fine. L'étude spécifique des minéraux lourds ainsi que l'analyse d'image peuvent souvent apporter des éléments utiles en complément à l'étude pétrographique. Vous pouvez visualiser un échantillon étudié au microscope polarisant.

L'étude des lames minces de céramiques au microscope pétrographique permet surtout d'identifier les éléments du dégraissant, leur granulométrie et leur forme. Pour la reconnaissance des différentes productions d'atelier, cette méthode n'a de réel intérêt que lorsque les formations géologiques régionales de l'atelier sont suffisamment spécifiques et donc susceptibles d'être exprimées par des éléments du dégraissant tels que des minéraux ou des fragments de roches particulières.

En outre, l'étude en lame mince permet d'étudier l'orientation des grains, leur taille, leur forme, ainsi que d'approcher le traitement des surfaces et les altérations dues à la cuisson et/ou à la post-cuisson et/ou encore à l'enfouissement (recristallisations). Notons que la lumière réfléchie (sur lame mince polie) peut être utilisée en parallèle pour affiner la détermination.

I.3.3. Analyse d'image

L'analyse d'image permet une quantification assez précise de diverses caractéristiques du dégraissant comme le pourcentage exact de chaque constituant, l'arrangement de ce dernier ou encore son émoussé, sa sphéricité et sa taille. Cette analyse se fait en lame mince. L'observation se fait avec un microscope polarisant (lumière transmise et/ou réfléchie) sur lequel a été connecté une caméra video reliée à un ordinateur. Pour augmenter les contrastes de lumière, suivant les circonstances de travail, des filtres de couleurs différentes peuvent également être utilisés. Notons enfin que, pour ce type d'analyse, les lames minces doivent être de très bonne qualité.

II. Études Technologiques : techniques de fabrication et étude des fonctions

La plupart des données obtenues par les méthodes énumérées plus haut, complétées par l'étude des propriétés physiques, peuvent servir à reconstituer les techniques de fabrication des céramiques, et notamment approcher la problématique des conditions de cuisson. Les études technologiques ont donc pour dessein de définir les caractéristiques physiques, mécaniques et thermiques des céramiques (perméabilité, capacité de supporter des charges, de résister à des hausses ou des baisses de températures importantes et soudaines).

Ces études donnent des informations importantes sur les techniques de façonnage des potiers de l'Antiquité et sur les solutions et restrictions imposées pour réaliser des poteries de fonction particulière. Dans cette optique, plusieurs aspects de la préparation des argiles ont leur importance. L'analyse des résidus sur les surfaces des vases est une démarche également très instructive qui permet de confirmer les fonctions des divers types de céramiques.

II.1-Microstructure

La microstructure est l'arrangement complexe des phases du tesson et de ses constituants (grains, matériel vitreux et pores). Composition, texture, structure et caractéristiques de surface en sont les aspects généralement décrits. La composition se réfère aux phases cristallines et/ou non cristallines (phases vitreuses) et à la porosité. La texture est fonction de la taille, de la forme et de l'orientation des phases, alors que la structure se réfère à l'arrangement des phases. Les caractéristiques de surface concernent l'ensemble de ces caractères lorsqu'ils sont observés sur des surfaces polies, altérées, ou sur des cassures fraîches. La microstructure caractérise donc les propriétés de la céramique que sont la porosité, la dureté et la résistance.

II.2-Dureté

Pour une céramique, la dureté est sa capacité de résistance aux contraintes mécaniques : pénétration, abrasion, rayage et écrasement. Ce caractère est, entre autres, fonction des impuretés contenues dans l'argile, de la microstructure, du traitement des surfaces et des conditions de cuisson. En laboratoire, la dureté d'une céramique est évaluée par trois voies :

  • la résistance à la pénétration, en mesurant l'effet d'une charge statique supportée par la céramique,
  • la résistance à l'abrasion, en mesurant les débris arrachés
  • et la dureté au rayage en vertu de l'échelle de dureté des minéraux de Mohs.

II.3-Résistance

La résistance a plusieurs significations dont la capacité de supporter des contraintes sans rupture, rayage et écrasement. La résistance est une mesure de la réponse de la céramique à des contraintes exercées sur tout l'échantillon. Cette caractéristique est, une fois de plus, fonction de la composition, des propriétés physiques, de la forme, du séchage et de la cuisson de l'argile et, enfin, des variations thermiques auxquelles fut soumise la céramique durant son emploi. Deux techniques peuvent être utilisées pour mesurer cette résistance

  • selon le module d'élasticité ou le module de Young, quantifiant le changement de dimension de l'échantillon sous une force appliquée sur l'échantillon
  • ou selon le rapport de Poisson (rapport des contraintes longitudinale et latérale).

Les contraintes élastiques, de cisaillement, de compression, transverse, de torsion et d'impact peuvent être mesurées.

Virtuellement, toute céramique contient des pores ou des espaces entre ou à l'intérieur des particules solides. La porosité est dépendante des particules de la fabrique de la céramique, des procédés de façonnage et de cuisson de la céramique. Déterminer la porosité d'une céramique, la forme, la taille, le volume et le nombre des pores ne manquent pas d'intérêts. Ces propriétés sont déterminées au microscope. D'autres techniques mesurent la porosité totale ou apparente. La porosité totale ou réelle se réfère au volume total occupé par les pores (comprenant les pores ouverts et fermés. La porosité total est exprimée en terme de densité (rapport poids\volume externe). La porosité apparente comprend seulement les plus grands pores ouverts et est mesurée par immersion (dans un liquide). Citons comme techniques porosimétriques, l'absorption d'eau et l'injection de mercure. Ces techniques sont basées sur la différence de poids entre un tesson avec pores vides et ce même tesson avec pores remplis d'eau ou de mercure. Il est certain qu'avec des céramiques antiques, seule la porosité résiduelle ou apparente est mesurée. Comme la porosité est aussi influencée par les procédés de façonnage et de cuisson, la porosité n'est pas la même au travers d'une même céramique.

II.4-Propriétés thermiques

Les propriétés thermiques se composent en deux volets: la cuisson de l'argile et l'utilisation de la céramique à température "élevée". La plupart des constituants de l'argile se dilatent par augmentation de la température et se contractent lors d'un refroidissement. Ceci a pour effet de provoquer des contraintes. La mesure du coefficient d'expansion thermique (variation de longueur ou de volume d'un échantillon lors d'une augmentation de température) et de la conductivité thermique (transmission de la chaleur au travers d'un échantillon) cernent les propriétés thermiques d'une céramique. Enfin, la résistance au choc thermique est quantifiée par la température maximum que la céramique peut supporter sans se briser.

III. Analyse fonctionnelle

L'objectif de ce genre d'étude est de déterminer l'usage pour lequel était fait tel ou tel type de céramique. Une commune est un contenant ayant trois usages possibles: stocker, cuisiner ou contenir pour le transport. L'argile est donc choisie et la céramique façonnée en fonction de la fonction assignée à cette céramique. Néanmoins une céramique peut avoir plusieurs fonctions. Pour déterminer la fonction d'une céramique, il faut trouver, par exemple des arguments iconographiques. Le contexte archéologique ou des informations ethnographiques peuvent également être d'une grande aide. Les aspects technologiques de l'argile peuvent aussi donner des informations à ce propos, comme, par exemple, l'épaisseur de la paroi, la résistance aux contraintes mécaniques (résistance et force), le comportement thermique, perméabilité\porosité\densité et le traitement de surface.

Par ailleurs, une variété de techniques analytiques biochimiques et chimiques sont aussi applicables en archéométrie pour déterminer la nature des résidus organiques visibles sur une céramiques ou inclus dans les pores du tesson. La plupart de ces techniques tentent de déterminer une propriété chimique spécifique du résidu organique (une structure ou une distribution comparable à un organisme végétal ou animal contemporain à la céramique. La connaissance de la faune et de la flore susceptibles d'avoir été "exploitées" contemporainement à la céramique considérée est bien sûr précieuse. Notons que l'analyse d'une céramique vitreuse ou lisse pose bien entendu problème. Les contextes archéologiques et post-dépôt doivent aussi être pris en considération dans une telle analyse. Dans cette optique, les techniques d'analyse suivantes sont utilisées: techniques chimiques (SEM, FRX), analyse d'isotopes stables, spectrométrie infra-rouge, chromatographies (après mise en solution ou sur lame mince), spectrométrie de masse, spectrométrie de résonnance magnétique nucléaire et techniques de pyrolise.

IV. Techniques de datation

Dans la plupart des cas, les poteries archéologiques peuvent être datées, soit par la stratigraphie de terrain, soit par comparaison avec d'autres céramiques déjà datées. Néanmoins, certaines techniques de datation utilisées en géologie peuvent également être utilisées afin de dater un tesson.

IV.1-Le C14

Cette technique de datation est basée sur la désintégration du C14, isotope radioactif du carbone.

Un isotope est un atome d'un élément donné avec le même nombre de protons constituant son nucleus mais ayant un nombre différent de neutrons. Le C14 se forme par radiation cosmique dans la haute atmosphère. Oxydé en dioxyde de carbone (CO2), il circule dans la basse atmosphère et est intégré dans toute vie terrestre par le biais de la photosynthèse.

La technique de datation utilise le rapport entre le C14 radioactif et le C12. Quand un organisme vivant meurt, il arrête d'incorporer du dioxyde de carbone. Le C14 se désintègre dans cet organisme à un taux bien connu, et, de ce fait, le rapport C14 / C12 diminue. La moitié de la quantité totale de C14 présente dans l'organisme au moment où il arrête d'avoir des échanges avec l'atmosphère (c-à-d sa mort) se désintègre en 5730 (ou 5568) ans. La quantité de C14 restant peut être déterminé dans un échantillon. En l'intégrant avec la demi vie du C14, on peut dater le moment où l'organisme est mort. Cette datation peut être appliquée à des céramiques contenant au moins 1% de matière organique (dégraissant). Cependant, l'altération post-dépôt peut contaminer le contenu initial en carbone.

IV.2-L'archéomagnétisme

Cette méthode est basée sur le magnétisme thermorémanent des minéraux ferro-magnétiques, comme l'hématite et la magnétite, présents dans l'argile. Dans une argile non cuite, la direction de magnétisation des grains est aléatoire. Quand l'argile est chauffée, la magnétisation change à cause de l'agitation thermique. Certains grains sont ainsi magnétisés parallèlement au champ magnétique terrestre. Après refroidissement, la direction des grains restent pareille. La direction et l'intensité du magnétisme thermorémanent sont mesurés pour dater la cuisson de l'argile. Pour dater le tesson selon la direction de son magnétisme thermorémanent, il doit rester in situ depuis sa cuisson. Pour dater un échantillon selon l'intensité de ce magnétisme, la direction de ce dernier ne doit pas être connue. Cependant, pour ces deux méthodes, les variations à long terme de la déclinaison et de l'inclinaison magnétiques de la région étudiée doivent être connues.

IV.3-La thermoluminescence

La technique la plus connue en matière de datation absolue des céramiques est la thermoluminescence mesurée sur les quartz du dégraissant. Elle consiste en une mesure de la lumière émise durant le chauffage d'un tesson à une température de 500°C. Les argiles et les inclusions formant la céramique ont, depuis leur formation géologique, des énergies de radiations alpha, beta, gamma et cosmiques déterminées. Quand la céramique est soumise à une chaleur de 500°C, la quantité de lumière émise est proportionnelle au temps qui s'est écoulé depuis sa cuisson. Notons qu'il est nécessaire de connaître le contexte d'enfouissement de l'échantillon pour en établir la calibration.