La topographie

CRAN

Dans la classification des agglomérations basée sur leur morphologie, Liberchies peut entrer dans la catégorie des agglomérations semi-urbaines. On entend par là une agglomération bénéficiant d'une trame viaire avec plusieurs rues structurantes et de véritables îlots d'habitations. Ainsi Liberchies est dotée, au IIe siècle après J.-C., de plusieurs rues structurantes obliques ou perpendiculaires, le long desquelles l'habitat est présent tout en étant moins développé.

Les rues internes relient les quartiers périphériques où se sont développés des habitats et des édifices publics. D'une largeur moyenne de cinq mètres, certaines sont empierrées et se prolongent au-delà de l'agglomération pour devenir des diverticules se dirigeant vers les campagnes. Ainsi, la superficie totale de l'agglomération durant sa pleine expansion peut être estimée à quelque trente hectares.

Les quartiers sont subdivisés en lotissements par des dessertes qui assurent une circulation directe entre la chaussée et l'arrière des parcelles donnant sur un espace ouvert pourvu d'infrastructures privées telles que des cours, des jardins, des puits, ou de petits bâtiments annexes. Ces dessertes conditionnent le regroupement des habitations en îlot allant jusqu'à trois unités.

C'est de cette manière que sont organisés les deux îlots sud-est récemment mis au jour, constitués chacun de deux propriétés privées. Les dessertes conduisaient notamment à de petits bâtiments annexes situés à l'arrière. Les constructions dégagées au nord de la chaussée se regroupent au moins en trois lotissements. Le premier, à l'est, est formé d'au moins deux maisons allongées donnant sur la voie et à l'arrière desquelles a été construite une troisième maison en pierre qui sera abandonnée à la fin du IIe siècle. L'accès à cet habitat devait se faire par la desserte séparant les îlots et longeant un puits en pierre. Le second est constitué de deux maisons allongées et d'une maison à plus grand volume. Un troisième lotissement était occupé par des latrines et des thermes publics. Cette installation thermale se développera, dans sa phase de construction finale, jusqu'à la façade latérale du grand bâtiment, condamnant ainsi l'usage de la desserte.

Des servitudes d'intervalle ou de gouttière entre les bâtiments d'un même îlot, d'une largeur n'excédant pas un mètre, assurent un rôle technique et sanitaire d'évacuation des eaux de pluie. Cet espace est présent dans toutes les agglomérations de la zone centrale de la Cité des Tongres où une stricte mitoyenneté de l'habitat n'est que très rarement observée. Lorsqu'elle existe, il pourrait s'agir, comme dans l'îlot sud-est, d'une seule unité d'habitation où il y aurait eu une dissociation des fonctions domestique et artisanale.

La physionomie caractéristique de l'habitat correspond aux maisons allongées du type " Streifenhäuser ", limitées à un espace rectangulaire reprenant dans de nombreux cas le périmètre des constructions en bois auxquelles elles succèdent. L'équipement des façades est très sommaire puisque les maisons sont souvent construites en bordure de la chaussée, sans galerie en façade. On peut observer que certains bâtiments, construits légèrement en retrait de la voirie, étaient pourvus d'un trottoir empierré. L'arrière se caractérise par l'ajout, soit d'une simple cave lorsque le bâtiment n'en était pas pourvu, soit d'une ou plusieurs petites pièces annexes.

L'habitat se singularise sur le plan technique par de solides fondations et des soubassements maçonnés supportant une ossature de bois et de torchis, et une toiture en bâtière couverte de tuiles. Les pièces les plus riches sont décorées de peintures murales ; certaines fenêtres sont dotées de vitres, par contre les salles sur hypocauste sont très rares.

Quelques cas d'habitats privés ne ressortent pas directement du type " Streifenhäuser ". Ainsi, le grand bâtiment voisin du complexe thermal public n'est pas sans rappeler un plan de type taberna. En effet, malgré le mauvais état de conservation des vestiges, il pourrait présenter deux pièces ouvrant sur la chaussée, construites de part et d'autre d'un couloir donnant accès au corps de logis proprement dit.

Un second bâtiment à trois façades, érigé à l'angle d'une rue interne, présente un plan nettement plus ramassé que celui des autres maisons. Doté d'une galerie en façade et de subdivisions internes plus complexes, il sera remanié dans un second temps par l'ajout, à l'arrière, d'un nouveau corps de bâtiment.