L'urbanisation

CRAN

La particularité de l'agglomération romaine de Liberchies est d'avoir bénéficié d'un projet urbanistique bien établi, lié vraisemblablement à sa croissance économique. Cette croissance connaît son plein essor dans le courant du IIe siècle après J.-C., avant de subir une récession amorcée dès le règne de Marc-Aurèle (161-180). Si une relève est ressentie dès la fin de ce siècle et sous la dynastie des Sévères (193-235), le développement urbanistique en sera fortement touché et le vicus ne retrouvera pas ses heures de gloire et ce, jusqu'à son abandon définitif dans le courant de la seconde moitié du IIIe siècle après J.-C.

Après une occupation primitive qui débute au tournant de notre ère, sous l'horizon d'Haltern, avec un habitat lié à la tradition de constructions sur fond excavé, de grands bâtiments allongés en bois et en terre vont se développer durant la seconde moitié du Ier siècle après J.-C. L'urbanisme de cette époque est marqué par un regroupement plus intense de cet habitat le long de la chaussée et dont il ne subsiste bien souvent que les alignements de trous de pieux, les caves et les celliers. L'interprétation des diverses unités fouillées dévoile un plan d'ensemble de constructions alignées sur la chaussée qui laisse présumer l'existence d'un système de découpage parcellaire relativement constant du terrain immédiatement riverain de la voirie.

Les caractéristiques architecturales et techniques de ces habitats en bois nous mettent en présence du prototype des maisons allongées de type " Streifenhaüser " avec l'entrée sur le petit côté donnant sur la voirie. Cet habitat, élevé sur une ossature de madriers et de torchis, est pourvu d'une toiture en bâtière pouvant déjà être couverte de tuiles. Plusieurs de ces maisons sont équipées de celliers ou de caves parfois de grandes dimensions à parois de bois. Aucune subdivision interne n'a été observée hormis dans un bâtiment plus important où les traces d'une paroi effondrée en torchis brûlé ont été enregistrées en bordure d'une sablière basse. Seules à l'extrémité sud-est du quartier, deux bâtisses paraissent mitoyennes ; toutes les autres sont séparées par un espace variant de un à quatre mètres de large. L'alignement de petits pieux longeant le long côté extérieur d'une maison située au sud de la voie antique, marque peut-être déjà l'aménagement d'une desserte, non empierrée, donnant accès à l'arrière de la zone d'habitat.

L'agglomération a ainsi adopté la physionomie d'un village-rue. Les éventuelles connexions à des routes secondaires restent sans influence sur son développement urbanistique. L'ensemble des activités économiques semble se concentrer le long de l'axe routier.

Vers la fin du Ier siècle et au début du IIe siècle, lors de travaux d'aménagements importants liés au développement de constructions en dur, le vicus va bénéficier d'un projet urbanistique qui le propulse au rang d'agglomération semi-urbaine, avec un plan développé en profondeur qui s'éloigne du village-rue. Ce développement urbanistique et architectural est lié directement à l'essor économique du site, favorisé vraisemblablement par son implantation géographique.

Cet essor économique se ressent au travers des activités de productions qui se diversifient, travail de rivière, artisanat de la céramique ou encore du verre, et de son économie de consommation. Le nombre de monnaies antiques découvertes à Liberchies y est sans égal en Belgique avec quelque quatre mille cinq cents monnaies identifiables sur le site des " Bons-Villers. L'agglomération a également livré, après Tongres, la plus grande concentration d'éléments de parure de la Cité des Tongres. L'habitat, limité jusqu'alors au noyau du vicus greffé sur la chaussée, va se densifier, de nouveaux quartiers se développent ainsi le long des diverticules et des bâtiments publics sont édifiés en périphérie.