Exécution d’une mesure d’éloignement, la détention doit être justifiée et décidée en dernier ressort.
En vue de procéder à une mesure d’éloignement, l’administration peut placer l’intéressé en détention sous réserve d’éléments objectifs et sérieux accréditant l’existence d’un risque actuel et réel de soustraction aux autorités. Il ne devrait être recouru à la détention qu’en dernier ressort, à défaut d’autres mesures suffisantes et moins coercitives.
Directive 2008/115/CE – L.15/12/1980, art. 7, al. 3 – Privation de liberté – Exécution d’une mesure d’éloignement – risque de fuite – subsidiarité de la détention (rejet)
A. Arrêt
La Chambre des mises en accusation de la Cour d’appel de Liège a ordonné la mise en liberté d’un étranger, détenu en vue de son éloignement, au motif que le dossier de l’Office des étrangers ne contenait aucun élément objectif et sérieux accréditant un risque actuel et réel de soustraction aux autorités. La Cour de cassation confirme cette décision, rappelant à cette occasion deux conditions importantes et cumulatives prévues par la loi.
Premièrement, lorsque le titre de privation de liberté est motivé par un risque de fuite, le pouvoir judiciaire doit être en mesure de vérifier que ce risque a été apprécié par l’administration conformément aux critères énoncés par la loi. L’administration doit, selon les dispositions légales, apprécier l’existence d’un risque actuel et réel de soustraction aux autorités sur la base d’éléments objectifs et sérieux.
Deuxièmement, la seule constatation que l’étranger est en séjour irrégulier n’oblige pas l’administration à assortir l’ordre de quitter le territoire d’une mesure privative de liberté. L’article 7, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 prévoit que l’étranger peut être maintenu, non qu’il doit l’être. En outre, cette mesure de détention ne peut être prise qu’en dernier ressort, à défaut de pouvoir appliquer efficacement d’autres mesures, moins coercitives mais suffisantes, pour reconduire l’étranger à la frontière.
B. Éclairage
Cette affirmation par la Cour de cassation de la subsidiarité des mesures de détention par rapport à d’autres mesures efficaces et moins coercitives devrait conduire à l’évolution voire au revirement d’une certaine jurisprudence récente de la Chambre des mises en accusation[1]. Jusqu’ici, celle-ci se référait à un arrêt de la Cour de cassation de 2009, selon lequel « aucune illégalité ne saurait se déduire du seul fait que l’autorité administrative impose à l’étranger une mesure de détention prévue par la loi, alors même que d’autres mesures moins contraignantes pourraient être prises »[2]. La jurisprudence belge en matière de détention devrait être adaptée en conséquence.
Une telle évolution permettrait une mise en conformité avec le droit de l’Union qui reconnaît et affirme, depuis plusieurs années, le principe selon lequel d’autres mesures moins coercitives doivent avoir été appliquées avant la détention de l’étranger en vue d’éloignement.
P.dH.
C. Pour en savoir plus
Pour consulter l’arrêt : Cour Cass. (Belg.), 27 juin 2012, « A.N. », n° P.12.1028.F/3
Sur cette condition de subsidiarité de la détention au niveau du droit européen, voir notamment :
- La directive 2008/115/CE dite « retour »[3].
- La jurisprudence de la Cour de Justice : C.J., 28 avril 2011, El Dridi c. Italie, C-61/11, EU:C:2011:268, §§ 39-41.
- La jurisprudence de la Cour eur. D.H. : Saadi c. Royaume-Uni, 29 janvier 2008, req. n° 13229/03, § 70 ; Witold Litwa c. Pologne, 4 avril 2000, req. n° 26629/95, § 78 ; Hilda Hafsteinsdóttir c. Islande, 8 juin 2004, req. n° 40905/98, § 51 ; Enhorn c. Suède, 25 janvier 2005, req. n° 56529/00, § 44.
[1] Bruxelles (mis. acc.), arrêt no 2773, 14 août 2012, p. 5 ; Bruxelles (mis. acc.), arrêt no 2695, 3 août 2012, p. 5 ; Bruxelles (mis. acc.), arrêt no 2772, 14 août 2012, p. 6 ; Bruxelles (mis. acc.), arrêt no 2770, 14 août 2012, p. 6 ; Bruxelles (mis. acc.), arrêt no 2597, 18 juillet 2012, p. 3.
[2] Cass., arrêt du 14 janvier 2009, no P.08.1787.F.
[3] Le considérant 16 de la directive 2008/115/CE qui ne considère la rétention justifiée que « si l’application de mesures moins coercitives ne suffirait pas ». Art. 15, paragraphe 1, de la directive 2008/115/CE : « À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention […] »