Objectifs

La philosophie pratique à l’aube du XXIe s. est aux prises avec des difficultés structurelles à la fois traditionnelles et inédites. Elle se trouve en effet systématiquement partagée entre des options antithétiques telles que communautarisme ou universalisme, nationalismes ou cosmopolitisme, universalité des droits de l’homme ou particularités des identités locales, relativisme ou absolutisme. Si ces questions sont le plus souvent traitées à travers le prisme de la philosophie politique, il y a lieu de reconnaître toutefois que ces ambivalences sont plus largement celles de la tension entre identité et universalité, mémoire et histoire, ou encore sciences et éthique.

L’hypothèse que forme le centre de recherches Europé est que l’Europe, tendue entre idée et réalité, est à la fois un inédit historique et l’archétype des ambivalences philosophiques esquissées plus haut. Mais aussi peut-être : le lieu de leur dépassement possible. S’il est difficile d’identifier l’identité européenne, cette indétermination ouvre aussi l’espace critique où se nouent les grandes questions de la philosophie pratique : qu’est-ce que l’identité ? Qu’est-ce que l’universel ? Qu’est-ce qu’un universel concret au sens hégélien, à savoir un universel incarné dans une particularité ? Les droits de l’homme doivent-ils s’entendre en ce sens ? A contrario, que peut être un universel non incarné sinon un universel formel, rétif à l’intégration de l’historicité, des particularités et du changement ? Et les droits de l’homme prêtent-ils donc le flanc à cette critique ? D’une manière générale, les valeurs européennes peuvent-elles fournir des principes d’action pratique ? Enfin, si l’Europe se dit mais qu’elle ne s’entend pas, il serait fécond d’envisager le projet d’une « européologie positive » : quels sont les phénomènes par lesquels et dans lesquels l’Europe se dit ? Quel est le logos de l’Europe, elle qui naquit dans le même berceau que celui-là ? Europé se veut avant tout un groupe de recherches en philosophie pratique qui, dans l’Europe telle qu’elle existe et telle qu’elle se pense, trouve une inépuisable matière à ces débats fondamentaux.