Concepts
Dans la littérature, sont proposées différentes approches de l’autorégulation relevant de la psychologie développementale, la psychologie des apprentissages, l’éducation cognitive, la pédagogie par résolution de problème et la psychologie différentielle du développement… Ce concept incorpore plusieurs dimensions du fonctionnement humain, cognitives, métacognitives, affectives, motivationnelles... En cela, il n’est pas aisé de le définir de façon univoque.
En référence à cette littérature relevant de différents champs, ‘un modèle intégré de l’autorégulation et de l’hétérorégulation’ a été élaboré par Nader-Grosbois (2007), présenté dans le chapitre 1 de l’ouvrage ‘Régulation, autorégulation et dysrégulation’ (pp. 15-30).
Elle définit ‘une personne qui s’autorégule, en référence à un objectif fixé, planifie, anticipe ses actions en explorant les moyens à disposition, contrôle ses actions, son attention, sa motivation en cours de réalisation, et évalue les effets de ses actions et les ajuste’.
Ce modèle différencie sept stratégies autorégulatrices qui peuvent être mobilisées par un enfant, un adolescent ou un adulte en résolution de problème, en situation d’apprentissage ou d’évaluation, ou en situation de vie quotidienne. Parmi les stratégies autorégulatrices cognitives, figurent l’identification de l’objectif, la planification et l’exploration des moyens, l’autorégulation de l’attention et l’auto-évaluation. Parmi les stratégies autorégulatrices socio-communicatives se distinguent les sollicitations et réponses de l’attention conjointe, et la régulation de comportement (requêtes ou demandes d’aide, d’approbation). A celles-ci s’ajoutent les stratégies autorégulatrices motivationnelles.
Intérêt
Plusieurs raisons justifient l’intérêt du processus d’autorégulation à la fois en recherche et en intervention.
L’autorégulation peut être examinée à chaque période de vie, petite enfance, enfance, adolescence et âge adulte. Elle peut donc concerner divers milieux d’intervention (précoce, préscolaire, scolaire, d’accompagnement, etc.). Elle intègre différentes dimensions de l’être humain : cognitives, métacognitives, motivationnelles, émotionnelles… et la façon dont il sollicite son environnement social pour être aidé, si nécessaire.
Elle peut être analysée à la fois chez des personnes ordinaires et à développements atypiques (présentant une déficience intellectuelle, des troubles du spectre de l’autisme, des troubles de comportement, des difficultés d’apprentissage…).
Lors de situations-défis, de transition de vie, l’autorégulation a un rôle important pour rendre la personne capable de répondre de façon optimale ou de s’adapter au changement.
Elle s’oriente vers des finalités soutenues actuellement par la société, c’est-à-dire, l’autonomie, l’adaptabilité et l’autodétermination des personnes.
Questions
- Comment se développent l’autorégulation et la métacognition ?
- Quelles stratégies d’autorégulation peuvent être mobilisées par les enfants dans diverses situations d’évaluation, d’apprentissages, de jeux symboliques, de résolutions de problèmes, et dans différents contextes (seuls, avec un adulte ou avec un autre enfant)?
- Comment les enfants et adolescents peuvent-ils mettre en œuvre leurs stratégies métacognitives lors de résolutions de problèmes cognitifs ?
- Quels sont les liens entre les stratégies d’autorégulation et les performances en résolutions de problèmes, en situation d’évaluation et de jeux ?
- Chez de jeunes enfants d’âge précoce et d’âge préscolaire à développement typique
- Chez de jeunes enfants, adolescents présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies
- Chez de jeunes enfants et adolescents présentant des troubles du spectre de l’autisme
- Chez de jeunes enfants et adolescents présentant des troubles externalisés du comportement
- Comment leurs stratégies d’autorégulation sont-elles liées aux stratégies d’étayage et d’hétérorégulation de l’adulte ou de pairs, dans différentes situations, d’évaluation, d’apprentissages, de jeux symboliques, de résolutions de problèmes ?
Evaluation
Pour évaluer l’autorégulation, plusieurs méthodes de nature différentes ont été développées par des chercheurs de différents champs et elles répondent à des objectifs variés. Ces dispositifs et questionnaires évaluant l’autorégulation sont recensés et expliqués dans le chapitre 2 de l’ouvrage ‘Régulation, autorégulation et dysrégulation’ (Nader-Grosbois, 2007, pp.31-42 et ses annexes)
Sur base du modèle intégré de l’autorégulation et de l’hétérorégulation, Nathalie Nader-Grosbois (2007, pp. 26-30, pp. 317-319) a élaboré une ‘Grille d’analyse des stratégies autorégulatrices’ se distinguant comme suit :
- Identification de l’objectif
- Exploration des moyens, planification des actions
- Attention conjointe
- Requête
- Attention
- Motivation
- Evaluation
Ces stratégies sont opérationnalisées à travers des indicateurs comportementaux qui peuvent être observés lors de diverses situations d’apprentissage, de résolution de problème, de jeu, d’évaluation ou de vie quotidienne. Selon les comportements manifestés par la personne, ils correspondent à trois degrés d’autorégulation (faible, modérée, élevée) pouvant se traduire en scores par stratégie et en score global d’autorégulation.
Cette grille a été validée et est applicable pour l’observation de jeunes enfants, enfants, adolescents et adultes, qu’ils soient tout-venant ou présentant des troubles de développement ou des déficiences. Des profils de forces et de faiblesses en autorégulation peuvent être établis, permettant la comparaison des niveaux entre différentes stratégies ou entre différentes situations.
Cette grille est présentée dans l’ouvrage ‘Régulation, autorégulation et dysrégulation’ dans le chapitre 1 et une annexe (Nader-Grosbois, 2007, pp. 26-30, pp. 317-319) et fait l’objet de plusieurs publications d’articles et de chapitres d’ouvrages.
D’autres outils ont été développés pour apprécier l’autorégulation d’adolescents ou d’adultes dans leur gestion de vie, dont
- ‘Outil d’entretien à propos du point de vue de la personne sur son autorégulation’ (Nader-Grosbois, 2007, annexe, pp.321-325)
Il correspond à un guide d’entretien semi-structuré qui permet d’analyser cinq stratégies autorégulatrices relatives:
- aux objectifs et aux décisions
- à la résolution de problèmes, aux moyens-buts
- au management, à l’auto-observation et autoévaluation
- à la motivation
- à l’adaptabilité et l’ajustement
dans onze secteurs de la vie quotidienne :
- logement
- travail, activité
- agenda
- argent-achat
- apparence
- soins de santé
- bien-être psychologique
- relations, amis
- couple
- loisirs
- alimentation
A partir des réponses de la personne aux questions, une analyse du contenu des réponses ou la proposition de réponses au choix, il est possible de déterminer son degré d’autorégulation en fonction de ce que la personne sait gérer seule et en fonction du degré d’aide nécessaire ou non, ceci pour chaque secteur d’activité et en référence à chaque type de stratégie autorégulatrice. L’autorégulation globale peut aussi être estimée. Les différents niveaux d’autorégulation correspondent à des points indiquant :
- une autorégulation nulle (la personne ne sait pas du tout faire les choses, ni identifier les éléments de la situation)
- une autorégulation faible (la personne est beaucoup aidée pour faire les choses, l’activité mais elle identifie bien les éléments de la situation dont les objectifs, les moyens…)
- une autorégulation modérée (la personne arrive à faire seule les choses, l’activité mais elle a besoin d’un peu d’aide)
- une autorégulation élevée (la personne fait seule les choses, l’activité, sans aide extérieure).
Cet outil d’entretien a été utilisé par plusieurs équipes dans le cadre de travaux scientifiques et de professionnels accompagnant des adolescents et des adultes présentant une déficience intellectuelle.
Intervention
Les travaux scientifiques ont dégagés des pistes pour l’intervention et des programmes d’intervention ont été testés pour identifier dans quelle mesure ils pouvaient être favorables au développement de l’autorégulation depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Certaines pistes et programmes sont précisés dans l’ouvrage ‘Régulation, autorégulation et dysrégulation’ dans plusieurs chapitres et dans la conclusion (Nader-Grosbois, 2007, pp.278-284), ainsi que dans l’ouvrage ‘Psychologie du handicap’ (Nader-Grosbois, 2015), pour des enfants présentant une déficience intellectuelle (pp. 252-255), des troubles du spectre de l’autisme (pp.321-325), des troubles du comportement (p.319).