Mardi 7 octobre 2008, à 17h30: Robert Philippart, (Directeur de l’Office National du Tourisme du Grand-Duché de Luxembourg) : « Ultramontanisme, libéralisme et patriotisme dans l’architecture de la ville de Luxembourg (XIXe siècle). Des courants de pensée européenne à la base d’une identité nationale »
Le Luxembourg, au XIXe siècle se trouve face à un double défi : se construire comme nation et transformer la forteresse de Luxembourg en ville ouverte. D’une part, il y avait le traité de Londres de 1839 qui séparait le Luxembourg de la Belgique et l’érigeait en État indépendant. Pour survivre économiquement, il se verra amené à entrer dans l’Union douanière avec l’Allemagne. D’autre part, le Congrès de Londres de 1867 proclamait le Luxembourg comme État « perpétuellement neutre », exigeait le départ de la garnison prussienne y installée en vertu de l’appartenance à la Confédération germanique, et le démantèlement des fortifications. Le sort du Luxembourg dépend donc largement des stratégies politiques européennes qui visent à établir une nouvel équilibre politique sur le continent.
Nous sommes à une époque encore largement marquée par les valeurs de la Révolution française. Les relations avec les Églises sont régies par la législation du Concordat. La population se trouve encore sous l’emprise de la laïcisation. L’ère industrielle est déjà fortement marquée par les migrations.
Ce contexte exige donc que les forces sociales, économiques et politiques habitant le territoire grand-ducal lui confèrent du sens, pour lui permettre un développement économique et social durable et lui assurer une survie sur le plan politique.
Trois types de pouvoirs occupent le territoire, et cherchent à octroyer à la population qui l’habite, leurs valeurs particulières : la bourgeoisie, l’Église, le peuple. Une mobilité largement accrue, à la suite de l’introduction du chemin de fer, une coutume généralisée qui faisait étudier les futurs cadres dans des pays de culture germanique et de culture latine, et une diffusion de plus en plus large d’un nombre croissant de magazines spécialisés favorisaient les échanges, sur un niveau paneuropéen, entre les protagonistes de chacun de ces trois types de pouvoirs.
Le régime censitaire en place jusqu’en 1919 assure au pouvoir politique une caste sociale très homogène, celle de la bourgeoisie libérale. La Couronne lui assure, pour ainsi dire, le patronage de ses activités, qui visent essentiellement le développement des affaires et l’industrialisation. La politique bourgeoise s’inscrit dans un mouvement paneuropéen qui partage les mêmes types de valeurs, et qui opère partout avec plus ou moins de stratégies similaires.
L’Église ultramontaniste, à son tour fortement organisée dans les différents pays d’Europe, est décidée à regagner le terrain perdu dans la tourmente révolutionnaire. Rome crée en 1870 l’évêché de Luxembourg aux mêmes contours que le Grand-Duché. Il faudra trois ans pour que l’État reconnaisse cette décision de droit. Le catholicisme social se considère comme contrepoids au libéralisme débridé du XIXe siècle, la foi se voit comme antipode de la Raison. Pourtant, Gouvernement libéral et Église s’intéressent au même champ social. Sur un point les deux pouvoirs trouvent un terrain d’entente : oeuvrer en faveur de la cohésion et de la paix sociale – les souvenirs de 1848 et de la Commune sont encore proches.
Le troisième pouvoir, celui du peuple, aspire au pouvoir politique. Il s’identifie carrément au territoire qu’il habite. Il ne supporte pas la concurrence d’un espace économique aussi large que l’Union douanière à laquelle sont venus s’ajouter l’Alsace et la Lorraine. Il se méfie de l’industrialisation, qui à la suite de l’introduction de nouvelles technologies, ignore un savoir-faire artisanal séculaire. Il se sent profondément blessé par la mise sous tutelle culturelle de la bourgeoisie au pouvoir. Le peuple voit sa sensibilité artistique bafouée, il se sent exclu par la langue française qui est le langage politique par excellence à la Chambre des Députés. Il faut se battre pour la langue du pays, ses produits du terroir, les compétences traditionnelles de la population autochtone. Le Luxembourg doit devenir luxembourgeois, patriotique.
Mardi 4 novembre 2008, à 17h30: Théo Pirard, (Space information Center, Belgium) : « L’Europe spatiale, dans sa diversité, à l’heure de l’Union »
Dans les années 1960, alors que l’URSS et les USA, en pleine course vers la Lune, multiplient les exploits dans l’espace, des États d’Europe s’associent pour faire participer leurs chercheurs et industriels à l’exploration et la technologie spatiales. Ils mettent sur pied deux organisations intergouvernementales - l’ESRO pour les satellites, l’ELDO pour les lanceurs – en se référant à l’exemple du CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), créé dix ans plus tôt. Parallèlement à cet effort européen, les plus grands États se lancent dans des programmes spatiaux nationaux.
Mais cette Europe spatiale a du mal à avoir une vraie autonomie dans le développement des applications. Sous l’impulsion de ministres belges, elle va se doter d’une agence en fusionnant l’ESRO et l’ELDO. L’ESA qui naît le 31 mai 1975 va s’organiser autour d’un programme obligatoire (activités scientifiques) et de programmes optionnels (lanceurs, télécommunications, observations de la Terre…). L’essor des satellites pour la télévision va faire éclore des entreprises privées en Europe : Inmarsat, Eutelsat, SES (Société Européenne des Satellites) au Grand-Duché, Hispasat… La commercialisation de la fusée Ariane se fait via une société privée de transport spatial, Arianespace. Eumetsat pour les satellites météo, SPOT Image pour les images de télédétection spatiale ont vu le jour…
A partir de 2001, la Commission va s’intéresser à la dimension spatiale pour les politiques de l’Union à l’échelle globale. Elle entreprend le programme Galileo d’une constellation civile de satellites pour la navigation ainsi que l’initiative GMES de surveillance du globe pour l’environnement et la sécurité, à l’aide de satellites d’observation. Un Conseil européen de l’espace est mis en place. Il approuve le 22 mai 2004 la Politique Spatiale Européenne qui reconnaît l’ESA comme le gestionnaire du programme de l’Europe dans l’espace.
Mardi 2 décembre 2008, à 17h30: Professeur Vincent Viaene (Katholieke Universiteit Leuven) : « La crise identitaire congolaise de la Belgique aux alentours de 1908 et les origines de la "mémoire" du Congo léopoldien »
Les années 1906 et 1916 montrent un contraste remarquable dans l'attitude de la Belgique envers l'impérialisme de Léopold II. En 1906, suite au scandale du « caoutchouc rouge », l'Etat Indépendant et son souverain furent la cible d'une vague de critique émanant en partie de l'establishment colonial même. Une décennie plus tard, par contre, force est de constater que les défenseurs du défunt roi reprennent le dessus, gagnant la bataille de la mémoire et fixant la manière dont le Congo léopoldien sera représenté par la Belgique officielle jusqu'à la fin du XXe siècle. Dans ce glissement, l’annexion du Congo par la Belgique en 1908 joue un rôle clé. L’essai approche la « reprise » comme une crise identitaire qui détermina en partie le type de nation que la Belgique allait être au XXe siècle. Il met en lumière, notamment, comment l'élite politique proposa le Congo Belge comme un "idéal national" pour un pays miné par de profondes divisions confessionnelles, sociales et ethniques. Si la colonie renforça l’armature traditionnelle de la société belge en forgeant l’unité des élites sous la couronne, elle ne réussit pas à faire des Belges « un peuple impérial ». A l’inquiétude ou l’hostilité des masses s’ajouta l’hypothèque que le refoulement des atrocités dans l’Etat Indépendant faisait peser sur la colonie. La mémoire de l’ « époque héroïque » ne trompait pas tout le monde, et elle ne pouvait pas tromper indéfiniment.
Mardi 3 février 2009, à 17h30 : Professeur Éric Bussière (Université de Paris IV Sorbonne) : « Le régionalisme européen dans la mondialisation au XXe siècle »
La mondialisation est devenue un thème de réflexion pour les analystes depuis les années 1980, époque où s’épanouit l’ouverture des économies dans un contexte lié au phénomène de dérégulation des marchés et à l’émergence de nouveaux grands acteurs économiques dans plusieurs régions du monde. Le débat économique trouve sa contrepartie politique au cours des années 1990 à la suite de la chute de l’URSS. Les travaux conduits jusqu’ici sur la mondialisation ont été majoritairement ceux des politistes et des économistes qui ont centré leurs interrogations sur l’époque très contemporaine qu’ils cherchaient à interpréter. Si les historiens ont paru pour un temps en dehors du débat, ils ont depuis intégré la question à leurs préoccupations en montrant que l’internationalisation des économies au tournant du XXe siècle pouvait être interprétée comme une première mondialisation à un moment où, au plan politique, les ruptures qui conduisirent à la grande guerre débouchaient sur des conceptions nouvelles quant à l'organisation politique du monde. Les études relatives à l’histoire de la construction européenne ont connu une évolution parallèle. Les approches à dominante institutionnelle où se sont positionnés les historiens comme les politistes ont longtemps fait porter les analyses sur les années 1950 et 1960, privilégiant, à quelques exceptions près, les études internes à ce processus et le rôle des États. Les travaux les plus récents tendent à réintroduire la construction européenne dans une perspective plus large l’assimilant à un régionalisme - la première vraie expérience de ce type au sens contemporain du terme - dont le développement s’inscrit dans l’ensemble du XXe siècle. L’hypothèse qui fonde notre réflexion est que ces deux phénomènes ne constituent en réalité, depuis la fin du XIXe siècle, que les deux aspects d’un dialogue de vaste ampleur, les rythmes et débats relatifs à la mondialisation correspondant également à ceux portant sur l’organisation de l’Europe sur une base régionale et aux modalités de son insertion dans le monde. Seule l'analyse conjointe des deux phénomènes peut permettre une interprétation pertinente de l’histoire de l’Europe et des formes d'organisation du continent au XXe siècle.
Mardi 3 mars 2009, à 17h30 : Ivo Maes (Banque nationale, Bruxelles): « The young Lamfalussy : an empirical and policy-oriented growth theorist ».
Alexandre Lamfalussy a largement influencé le processus d'unification monétaire et financière de l'Europe. La présente contribution analyse les travaux du « Jeune Lamfalussy » (du milieu des années 1950 au milieu des années 1960). Alexandre Lamfalussy a commencé son parcours professionnel en tant que chercheur; il s'est plus particulièrement penché sur la théorie de la croissance et sur les profils de croissance belge et européen durant l'après-guerre. Aujourd'hui encore, l'influence de ses travaux imprègne les ouvrages récents consacrés à la croissance économique de l'Europe durant l'après-guerre. Ses travaux s'inscrivent dans la tradition keynésienne: les cadres analytiques d'Alexandre Lamfalussy se sont souvent inspirés des modèles keynésiens; dans son analyse, il a souligné l'importance des cercles vicieux et vertueux de l'économie; dans ses conclusions, il s'est clairement élevé en partisan d'une plus grande planification. Alexandre Lamfalussy y développait toutefois déjà clairement certains aspects qui ont également empreint ses travaux ultérieurs: une forte conviction européenne et une approche éclectique de l'économie, mêlant harmonieusement théorie et analyse empirique en vue de donner une réponse aux questions majeures de politique économique.
Mardi 7 avril 2009, à 17h30: Jean-François Eck (Université de Lille III) et Pierre Tilly (Université catholique de Louvain), « L’efficacité entrepreneuriale dans l’Europe du Nord/Ouest au XXe siècle ».
Dans le cadre d'une réflexion plus globale sur l'efficacité entrepreneuriale et les mutations économiques régionales en Europe du Nord-Ouest (milieu XVIIIe-fin XXe s.), le professeur Jean-François Eck (Université de Lille III) abordera, dans une premier temps, la thématique des régions pilotes dans le développement économique du Nord-Ouest du XIXe au XXe siècle. Ce espace singulier sera examiné à travers ses interrelations dans une perspective de longue durée. Il sera également question de l'insertion spatiale et temporelle des entreprises et des problèmes de méthode historique de ce type d'étude. Dans un second temps, Pierre Tilly (UCL et Lille III) abordera un problématique plus centrée en terme chronologique (1950-1980) liée à l’insertion des entreprises dans le territoire au sein duquel elles exercent leur activité, à savoir la dimension de l'aménagement du territoire et les acteurs économiques. Il sera fait état de recherches en cours portant sur la construction d'un espace économique transfrontalier entre le Nord de la France, le Hainaut belge, la Flandre en liaison avec d'autres espaces frontaliers de l'Europe du Nord Ouest.
Mardi 5 mai 2009, à 17h30: Professeur Jacques Thisse (Université catholique de Louvain) : « Les villes : une approche économique ».
Les villes sont les lieux principaux de consommation et de production des biens marchands, mais aussi les lieux privilégiés où se font les échanges non marchands. Jouant un rôle clé dans le processus de développement économique et social, elles ont retenu l'attention d'un nombre croissant de chercheurs en économie. L'objectif du séminaire est de présenter les principales idées développées en théorie économique urbaine, ainsi que quelques faits stylisés particulièrement robustes. L'accent sera mis sur les fondements économiques de la formation des villes, sur la structure interne des villes et sur leurs relations avec le reste de l'économie.
Jacques Thisse, Fellow de l’Econometric Society, de la Regional Science Association International et du Centre for Economic Policy Research de Londres, est professeur d’économie à l’Université catholique de Louvain et membre du CORE. Il a publié trois ouvrages et plus de 200 articles dans des revues scientifiques internationales.