L’UCL et l’université de Wageningen ont fondé A-Mansia. Cette spin-off biotechnologique veut développer des produits issus de leurs recherches sur Akkermansia muciniphila, une bactérie intestinale aux vertus métaboliques prometteuses.
Akkermansia muciniphila est l’une des nombreuses espèces de bactéries qui composent notre microbiote intestinal. Sa particularité ? Présente en une certaine quantité – qui varie d’un individu à l’autre – elle a plusieurs effets métaboliques bénéfiques. Les expériences menées en laboratoire ont montré qu’Akkermansia abaisse le poids corporel des souris obèses. Elle diminue aussi leurs taux de cholestérol, leur glycémie (et, donc, le risque de diabète de type 2) et les phénomènes inflammatoires chroniques que l’on observe souvent dans l’intestin des sujets en surpoids. Au final, Akkermansia réduit les risques cardiovasculaires associés à tous ces paramètres.
Des souris aux hommes
Reste à savoir si, administrée sous forme de complément alimentaire, Akkermansia pourrait avoir les mêmes effets sur l’homme, particulièrement chez les personnes à risque d’obésité et/ou de diabète(1). Pour rappel, Akkermansia a été découverte et isolée de l’intestin en 2004 par le Pr Willem de Vos de l’Université de Wageningen (Pays-Bas). C’est en 2006 que le Pr Patrice Cani, chercheur FNRS-WELBIO et co-responsable du laboratoire Métabolisme et Nutrition du LDRI de l’UCL, a mis en évidence ses vertus métaboliques. « Depuis, nous en avons appris davantage sur cette bactérie anaérobie », explique-t-il. « Nous pouvons désormais la produire en quantités suffisantes pour la tester chez l’homme, et ce, à grande échelle. »
Pourquoi une spin-off ?
Les universités seules n’ont pas les moyens de financer les longues et coûteuses étapes de développement d’un nouveau complément alimentaire ou d’un médicament. Ce n’est pas non plus leur vocation. Raison pour laquelle l’UCL et l’université de Wageningen ont cofondé A-Mansia, avec l’aide de plusieurs investisseurs. « La spin-off est le seul moyen de rendre un jour accessible aux personnes des découvertes faites dans un laboratoire de recherche fondamentale comme le nôtre », explique le Pr Cani. Récemment, A-Mansia est parvenue à lever 13 millions d’euros. Ces fonds permettront d’entamer les développements d’un produit nutritionnel ainsi que les demandes d’autorisation de mise sur le marché d’un complément alimentaire à base d’Akkermansia. Une procédure(2) qui prend au moins 2 ans.
Premiers essais sur l’homme
En attendant, les chercheurs de l’UCL ont entamé une étude pilote chez l’homme, en collaboration avec les Cliniques universitaires St Luc. « Nous avons recruté 50 personnes en surpoids ou obèses et notamment insulino-résistant », explique le Pr Cani. « Aucun effet secondaire n’a été détecté chez les volontaires auxquels nous avons administré Akkermansia pendant 3 mois – ce qui est déjà une bonne nouvelle ! L’analyse poussée des échantillons a commencé. Dans quelques mois, nous saurons si notre bactérie permet de maintenir plusieurs paramètres métaboliques (glycémie, cholestérol, etc.) à des niveaux adéquats. » Dans l’affirmative, des études plus spécifiques et sur davantage de volontaires seront organisées. Si tout se passe bien, un complément alimentaire à base d’Akkermansia pourrait arriver sur le marché fin 2021.
Une bactérie « morte », mais plus efficace !
A-Mansia explore aussi une autre piste thérapeutique. En 2016, les équipes des Pr de Vos et Cani ont fait une découverte surprenante : la pasteurisation augmente l’efficacité d’Akkermansia. « Comme la stérilisation (par autoclavage) standard la détruisait totalement, nous avons cherché une méthode plus douce », raconte le Pr Cani. « Nous l’avons donc pasteurisée. Cette procédure aussi inactive la bactérie, mais, paradoxalement, elle a augmenté son efficacité ! Peut-être grâce à Amuc_1100. En effet, cette protéine présente à la surface d’Akkermansia reproduit certains de ses effets métaboliques. Amuc_1100 ralentit l’apparition du diabète et renforce la barrière intestinale, par exemple. » D’autres recherches doivent être menées pour mieux comprendre le rôle et les mécanismes d’action de la protéine Amuc-1100. Si son efficacité et son innocuité se confirment, A-Mansia pourrait alors la développer pour en faire un médicament pour d’autres indications (inflammation, maladie du « foie gras », etc.). Affaire à suivre !
(1) Les personnes obèses et/ou diabétiques ont un microbiote moins varié et moins riche en Akkermansia que le reste de la population. (2) Cette procédure obligatoire est à mener auprès de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Coup d’œil sur la bio de Patrice Cani 1998 Baccalauréat en diététique (Institut Paul Lambin, UCL) 2000 Master en sciences biomédicales – nutrition humaine (UCL) 2005 Master en sciences de la santé (UCL) 2005 Doctorat en sciences biomédicales – physiologie, métabolisme et nutrition (UCL) Depuis 2009 Professeur à la Faculté des sciences biomédicales et pharmaceutiques de l’UCL Depuis 2010 Professeur invité à l’Imperial College of London (UK) 2013-2014 Professeur invité à l’Université Paul Sabatier de Toulouse (France) 2015 Officier du Mérite wallon Depuis 2016 Membre associé de l’Académie Royale de Médecine de Belgique 2017 Chaire Francqui à l’ULg Depuis 2017 Maître de recherches FNRS Les recherches du Pr Cani sont principalement financées par le FNRS, la bourse Excellence of Science (EOS), WELBIO, l’European Research Council (ERC) et le Fond Baillet-Latour.
Candice Leblanc
Coup d'oeil sur la bio de Patrice Cani
1998 Baccalauréat en diététique (Institut Paul Lambin, UCL)
2000 Master en sciences biomédicales – nutrition humaine (UCL)
2005 Master en sciences de la santé (UCL)
2005 Doctorat en sciences biomédicales – physiologie, métabolisme et nutrition (UCL)
Depuis 2009 Professeur à la Faculté des sciences biomédicales et pharmaceutiques de l’UCL
Depuis 2010 Professeur invité à l’Imperial College of London (UK)
2013-2014 Professeur invité à l’Université Paul Sabatier de Toulouse (France)
2015 Officier du Mérite wallon
Depuis 2016 Membre associé de l’Académie Royale de Médecine de Belgique
2017 Chaire Francqui à l’ULg
Depuis 2017 Maître de recherches FNRS
Les recherches du Pr Cani sont principalement financées par le FNRS, la bourse Excellence of Science (EOS), WELBIO, l’European Research Council (ERC) et le Fond Baillet-Latour.