Concepts
L’intelligence et la cognition en petite enfance est alimentée par les informations provenant des sensorielles des cinq sens (vision, audition, odorat, toucher, goût) et proprioceptives.
C’est par des comportements moteurs observables que le jeune enfant manifeste comment il active ses capacités intellectuelles et cognitives. Ses capacités motrices, appuyées par le traitement de ses perceptions sensorielles, façonnent ses possibilités d’exploration et de prise de connaissance de l’environnement et des objets.
Intérêt
Au cours de la grossesse, lors de la naissance ou en période périnatale, des facteurs de risque d’ordre génétique, physiologique, environnementaux, familiaux divers peuvent affecter le développement des compétences cognitives précoces. Les professionnels de la petite enfance, de services d’aide précoce ainsi que les parents eux-mêmes peuvent être préoccupés à propos du développement d’un bébé et ils peuvent soupçonner un retard ou une difficulté chez celui-ci. Pour explorer la situation, voire émettre un diagnostic de retard de développement cognitif, il est indispensable de connaître précisément les repères de développement avérés par la littérature scientifique et d’utiliser des baby-tests ou échelles développementales. La progression d’un tout jeune enfant tout-venant ou avec retard ou troubles de développement, peut être appréciée au moyen de ces échelles développementales en comparant les profils de compétences cognitives dans des domaines distincts à différents âges. Ces profils peuvent guider l’intervention précoce, selon les forces et faiblesses de l’enfant.
Questions
- Comment se développent les compétences cognitives précoces ?
- Y-a-t-il un retard ou des déficits dans le développement cognitif d’enfants ayant des déficiences ?
- Comment les jeunes enfants résolvent-ils des problèmes cognitifs dans différents domaines, en l’occurrence la permanence de l’objet, les moyens pour atteindre un but, l’imitation vocale, l’imitation gestuelle, la causalité, les relations spatiales, les schèmes de relation aux objets ?
- Quels sont les processus d’évaluation et les outils qui permettent d’examiner finement les profils de compétences cognitives précoces et d’identifier les forces,
les retards ou les déficits ? - Sur base des profils de compétences cognitives, comment intervenir de façon efficace ?
- Chez les bébés à développement typique
- Chez de jeunes enfants présentant une déficience intellectuelle de diverses étiologies
- Chez de jeunes enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme
Evaluation
Selon les attentes des psychologues, dans la pratique et la recherche, il est nécessaire de disposer d’un instrument aidant
- au diagnostic
- à objectiver des observations
- à orienter les interventions
- à comparer à des normes de développement
- au pronostic, à la prédictibilité de capacités ultérieures
- à l’investigation du développement cognitif précoce
- à identifier les variabilités inter- et intra-individuelles
- à évaluer les capacités dans plusieurs domaines
- à analyser les stratégies de résolution de problèmes
Les psychologues ont besoin d’instruments ou d’échelles :
- fiables pour identifier des profils développementaux d’enfants à retards et troubles de développement
- applicables à ces enfants difficilement évaluables par des baby-tests classiques
- permettant d’identifier le répertoire de ces enfants, au-delà de leurs déficits
- donnant des résultats à expressions multiples (des scores, le niveau et l’âge de développement, des profils dans différents domaines cognitifs)
- utiles pour élaborer des projets thérapeutiques et psychoéducatifs individuels et de groupe, appropriés
Les baby-tests classiques et les échelles néopiagétiens sont présentés dans l’ouvrage ‘Développement cognitif et communicatif du jeune enfant’ par Nader-Grosbois (2014, chapitre 3, pp. 75-102).
Pour explorer ces questions à propos des jeunes enfants et pour les évaluer dans des services de la ou d’aide précoce, des échelles néopiagétiennes, ordinales ont été conçues, dont :
- les ‘Échelles d’Évaluation du Développement Cognitif Précoce : manuel illustré d’administration’ (EEDCP, Nader-Grosbois, 2009a), à partir de la traduction et de la complétion des Infant Psychological Development Scales (IPDS, Uzgiris & Hunt, 1975) et des apports de Dunst (1980).
Les EEDCP évalue les sept domaines suivants :
- La permanence de l’objet
- Les moyens pour atteindre un but
- L’imitation vocale
- L’imitation gestuelle
- Les relations de causes à effet
- Les relations spatiales
- Les schèmes de relation aux objets
Les EEDCP se fonde sur l’évolution de l’intelligence sensori-motrice à travers six sous-stades :
- Stade I : exercices des réflexes (0-1 mois)
- Stade II : premières habitudes ou adaptations acquises (1-4 mois)
- Stade III : premières conduites intentionnelles simples (4-9 mois)
- Stade IV : premières combinaisons d’actions, de schèmes secondaires en situation nouvelle (9-11 mois)
- Stade V : tâtonnements, apprentissages par essais-erreurs (11-18 mois)
- Stade VI : invention et début de représentation des conduites (19-24 mois).
Chaque échelle comprend une série de situations inductrices à mettre en place afin d’induire des réponses comportementales de la part de l’enfant.
Pour chaque échelle, le protocole prévoit les différentes réponses possibles pour chaque situation inductrice. Certaines réponses correspondent à des actions critiques ou échelons (ou comportements témoignant de repères développementaux avérés), d’autres réponses sont considérées comme des actions non critiques. Les échelons correspondant aux comportements ‘optimaux’ témoignent de la réalisation d’un certain niveau développemental relevant d’un stade sensori-moteur dans le domaine concerné.
Par ce protocole, les résultats sont exprimés pour chaque échelle de domaine :
- en échelon optimal
- en stade sensori-moteur
- en âge approximatif de développement (ADA)
- en score de déviation (différence entre l’âge chronologique et l’âge de développement
approximatif), permettant d’apprécier le retard potentiel dans un domaine.
On peut également établir pour l’ensemble des sept échelles :
- un stade sensori-moteur modal
- un âge de développement approximatif moyen
- un score de déviation moyen
- un profil de développement, permettant d’identifier les forces et faiblesses
selon les domaines de développement cognitif.
Un ‘Manuel illustré d’administration’ (Nader-Grosbois, 2009a) présente les situations inductrices à mettre en place pour chaque échelle, et les actions critiques attendues par l’enfant. Elles sont illustrées par des dessins présentés en séquences. Pour chaque situation inductrice, sont précisés la position de l’enfant, les comportements de l’examinateur, les objets, le nombre de présentations de la situation.
Les EEDCP sont adaptées pour l’évaluation d’enfants avec déficiences (intellectuelles, sensorielles, polyhandicap) et des troubles de développement (dont les troubles du spectre de l’autisme) vu leur souplesse d’administration, la possibilité d’observer des stratégies précoces de résolution de problèmes cognitifs et l’identification d’acquisitions émergentes (Nader-Grosbois, 2009, 2014a, p. 102). Ces échelles ont été utilisées dans des études publiées sous forme d’articles et de chapitres d’ouvrages.
La ‘Batterie d’Évaluation Cognitive et Sociale’ (BECS, Adrien, 1996, 2007, 2008) est également intéressante pour évaluer le développement cognitif de jeunes enfants à développement atypique, dont avec déficience intellectuelle et troubles du spectre de l’autisme. Plusieurs publications le montrent.
Selon une approche des compétences cognitives précoces, plus spécifiques, une série de travaux expérimentaux mettent en lumière et affinent les connaissances à propos de la façon dont celles-ci opèrent dans des situations très précises, dont les travaux de Lécuyer (1995, 1999, 2014). Ces dispositifs permettent d’affiner encore l’observation des bébés.
Coupler une approche développementale et des stratégies cognitives spécifiques (y compris d’autorégulation précoce) fait partie des démarches scientifiques de la Professeure Nathalie Nader-Grosbois.
Intervention
Des programmes d’intervention précoce du développement cognitif se sont inspirés des modèles néopiagétiens soit en se basant sur la progression hiérarchique des acquisitions, soit en s’inspirant des méthodes néopiagétiennes et néoconstructivistes facilitant du développement cognitif.