24-26 mai 2012 Colloque RRENAB Le Lecteur
Dire que la coopération du lecteur est constitutive de la construction du sens du texte biblique, c’est désormais enfoncer une porte ouverte. Mais quel lecteur ? Pour élaborer une théorie de la réception ou du reader response, la narratologie a introduit la distinction entre narrataire, lecteur implicite et lecteur réel, celui-ci étant tantôt les premiers lecteurs destinataires historiques de l’écrit, tantôt le lecteur actuel du récit. La distinction entre lecteur implicite et lecteur réel pose cependant une série de problèmes qui méritent d’être étudiés de manière approfondie. On pourrait les évoquer en formulant quelques tensions.
- Les théoriciens de la narratologie n'ont pas une définition unique du lecteur implicite: une clarification n'est-elle pas utile?
- Le lecteur implicite construit par le récit est-il nécessairement une figure unique ou peut-il revêtir des formes diverses ?
- L’analyse narrative utilise-t-elle seulement des critères textuels pour déterminer la construction du lecteur par le récit ou d’autres éléments jouent-ils un rôle (autorité d’un auteur, d’une équipe, d’un ouvrage de théorie littéraire, …) ?
- Le lecteur implicite en tant que figure idéale et artificielle n’est-elle pas une création du lecteur réel dont le rôle est souvent sous-estimé ?
- Le travail du narratologue se limite-t-il à dégager la construction du lecteur implicite ou doit-il aller jusqu’à élaborer des critères pour ‘traduire’ ce résultat pour des lecteurs réels, pour lesquels, après tout, le texte a été écrit ?
- Comment trouver un équilibre entre les pôles du triangle « lecteur implicite – lecteur historique – lecteur actuel » ?
- Pourrait-on penser à un enrichissement mutuel de la méthode narrative qui met en évidence le lecteur implicite et d’autres méthodes synchroniques qui envisagent explicitement le lecteur réel actuel (approches psychanalytique, libérationniste, féministe, canonique,…) ?
- Parler d’un lecteur réel – quelle que soit la définition qu’on en donne –avec ses conventions littéraires, culturelles et sociales n’oblige-t-il pas à réintroduire la dimension historique dans l’analyse narrative ?
En bref, en s’intéressant de près au lecteur, l’exégèse narrative se voit confrontée à un grand défi : se prononcer sur les limites de sa propre discipline.