En Belgique, environ 6000 personnes souffrent d’un angiome, une malformation vasculaire qui peut provoquer de nombreux symptômes. Depuis 20 ans, Laurence Boon et Miikka Vikkula, elle médecin et responsable du Centre des malformations vasculaires des Cliniques universitaires Saint-Luc, lui chercheur à l’Institut de Duve de l’UCL, étudient les angiomes. Objectif : trouver un traitement.
Au royaume des angiome, le plus connu du grand public est la « tache de vin ». Mais cette marque indélébile est loin d’être le seul type d’angiome ! « Ce terme désigne plus largement une anomalie (tumeur ou malformation) au niveau des vaisseaux sanguins (capillaires, veines, artères) ou lymphatiques », précise le Pr Miikka Vikkula, chercheur au Laboratoire de génétique moléculaire humaine de l’Institut de Duve. « Les angiomes ne sont pas forcément visibles », ajoute le Pr Laurence Boon, coordonnatrice du Centre de malformations vasculaires des cliniques universitaires Saint-Luc. « Ils peuvent apparaître sur quasi n’importe quel tissu du corps traversé par des vaisseaux sanguins ou lymphatiques : peau, muscle, muqueuse, poumon, cerveau, etc. » S’ils provoquent souvent des douleurs et/ou des saignements, un angiome peut être à l’origine d’autres symptômes. « Tout dépend de sa localisation », poursuit le Pr Vikkula. « Autour de la trachée, il va provoquer des troubles respiratoires. Dans le cerveau, des troubles neurologiques. Dans l’œil, des problèmes de vision. Etc. » Autant dire que les patients peuvent voir leur qualité de vie fortement altérée à cause de leur malformation vasculaire…
Causes et origine des angiomes
Les angiomes sont difficiles à traiter. La chirurgie et la sclérothérapie aident un certain nombre de patients, mais pas tous. Depuis une vingtaine d’années, les Prs Boon et Vikkula travaillent main dans la main pour essayer de comprendre l’origine (probablement génétique) de ces malformations vasculaires. Pour ce faire, ils se sont concentrés sur les cellules endothéliales, les cellules qui tapissent les parois intérieures des vaisseaux sanguins. Une cellule n’est pas une petite sphère totalement hermétique. Elle est capable de capter des signaux extérieurs (émanant, par exemple, des cellules voisines) et de les faire rentrer à l’intérieur d’elle, via notamment de petites portes munies de feux rouges : les récepteurs. « Nous avons découvert que 60 % des malformations veineuses sont causées par une mutation génétique sur l’un de ces récepteurs, le TIE2 (1) », explique le Pr Vikkula. « Ce TIE2 muté envoie de façon constante des signaux vers l’intérieur de la cellule… même s’il n’y a pas de signal à l’extérieur de la cellule pour demander cela. Un peu comme si son feu rouge était tout le temps au vert et laissait passer trop de voitures ou comme un robinet mal refermé qui laisserait couler l’eau de façon constante. Ce qui provoque des engorgements dans la cellule et perturbe particulièrement l’une de ses protéines, mTOR, qui se met alors à faire de l’excès de zèle. » Or, mTOR régule la croissance, la prolifération et la différentiation cellulaire. Toutes ces fonctions sont donc perturbées et dérèglent les cellules endothéliales porteuses de cette mutation génétique. Résultat : les vaisseaux sanguins se mettent à grossir, à proliférer et à prendre des formes bizarres. C’est la malformation veineuse.
Rapamycine
Un médicament contre la malformation veineuse
Bonne nouvelle : il existe un médicament, la rapamycine, qui est capable d’inhiber mTOR et de l’obliger à se comporter normalement. Ce médicament est notamment indiqué pour empêcher les rejets après une greffe d’organe. Jusqu’il y a peu, la rapamycine n’avait jamais été utilisée sur les angiomes. Après plusieurs expériences concluantes en laboratoire, le Pr Boon a pu la tester sur une dizaine de ses patients atteints du même type d’angiome, la malformation veineuse. Une première mondiale dont les résultats ont été concluants ! En effet, la rapamycine a permis de
- diminuer la taille des lésions de plus de 15 % ;
- diminuer notablement la douleur ;
- arrêter les saignements réguliers dont souffraient certains patients.
Fort de ce premier succès, d’autres essais cliniques ont suivi. Une étude européenne de plus grande ampleur (d’environ 250 patients) est notamment en cours d’initiation pour répondre à certaines questions. La rapamycine est-elle efficace de la même manière sur plusieurs formes d’angiomes ? À terme, va-t-elle empêcher l’apparition de nouvelles lésions ? Que se passe-t-il quand on arrête le traitement ? etc. « Ce médicament ne guérit pas le patient de son angiome puisque, après parfois 4 ans de traitement, les lésions n’ont pas disparu », précise le Pr Boon. « Par contre, pour les patients sur lesquels les traitements conventionnels n’avaient pas marché, c’est le jour et la nuit ! Tous ont vu leur qualité de vie s’améliorer, certains de façon spectaculaire ! » Un espoir pour tous ceux, enfants et adultes, qui souffrent d’un angiome veineux.
Candice Leblanc
(1) Dans 20 % des cas, la mutation génétique est située sur PIK3CA, une autre molécule qui participe à la route via laquelle l’information du TIE2 est amenée vers mTOR. Les conséquences dans et sur la cellule endothéliale sont toutefois les mêmes. Les recherches des Pr Boon et Vikkula ont été principalement financées par le FNRS, l’ARC, le PAI, le NIH (USA), l’Institut de Duve, les bourses du Télévie, WELBIO et plusieurs prix.