Se servir de cellules végétales pour produire des protéines diagnostiques et pharmacologiques, voilà le défi relevé par les chercheurs du projet IgGreen, first spin-off de l’UCL. À la clé, une production plus éthique et rentable.
Actuellement, les protéines diagnostiques et plus précisément les anticorps que l’on retrouve sur le marché sont produits à partir de cellules animales. Une méthode de production qui a fait ses preuves mais qui montre également ses limites : « Les cellules animales qui servent dans ce type de production sont onéreuses, ont une durée de vie limitée et nécessitent l’utilisation de sérum fœtal bovin, ce qui pose des problèmes éthiques », explique Bertrand Magy chercheur à l’Institut des Sciences de la Vie et manager du projet de création de la Spin-off IgGreen. Sa solution pour pallier ces limites ? Se servir de cellules végétales ! « Ce projet est le fruit de plus de dix années de recherche fondamentale menée au laboratoire de physiologie moléculaire de l’Institut des Sciences de la Vie sous la supervision du professeur Marc Boutry et du docteur Catherine Navarre. »
De petites usines végétales
En pratique, il s’agit de se servir des cellules végétales comme de petites usines cultivées dans un bioréacteur dont le travail consiste à fabriquer les protéines désirées. Bien entendu, pour que la protéine issue de cette production soit celle qui intéresse une société diagnostique ou pharmaceutique, il faut d’abord intégrer le gène responsable de la production de la dite protéine dans le génome de la cellule végétale. Plusieurs plantes ont déjà fait leur preuve dans ce type de processus : Arabidopsis thaliana, Nicotiana benthamiana et Nicotiana tabacum, plus connue sous le nom de tabac.
Booster le rendement des cellules végétales
« Notre expérience nous a montré qu’il était tout à fait possible de se servir de cellules végétales pour ce type de production mais le rendement était jusque récemment trop faible que pour être rentable. Il nous fallait donc trouver le moyen d’augmenter ces rendements. » Pour ce faire, le chercheur et son équipe exploitent différentes pistes. Pistes pouvant être combinées pour un résultat optimal.
- Booster l’expression du gène responsable de la production de la protéine. En d’autres termes, augmenter la capacité de travail du gène. « Plus ce gène est exprimé dans la cellule végétale, plus celle-ci produira la protéine qui nous intéresse. »
- Augmenter le nombre de copies du gène dans la cellule pour augmenter à son tour la quantité de protéine produite.
- Jouer sur la composition du milieu de culture afin qu’il offre un meilleur rendement. Ce milieu étant, en quelque sorte, le carburant de « l’usine ». « Pour ce faire, nous optimisons des milieux dont les rendements ont déjà fait leurs preuves en faisant varier différents paramètres comme la teneur en sources azotées, en hormones, etc. »
Bien entendu, il n’existe pas de recette miracle qui fonctionne pour toutes les protéines. Chaque protéine qui va être produite par IgGreen demandera une révision de tous les paramètres du processus.
Une production plus performante
Grâce à plusieurs années de recherches, IgGreen atteint aujourd’hui des rendements rentables en bioréacteurs d’une capacité de quatre litres. « Notre processus se perfectionne, notamment pour la production d’anticorps et a, contrairement aux cellules animales, l’avantage d’être stable dans le temps. En effet, les cellules animales utilisées habituellement pour la production de protéines diagnostiques montrent des pertes de productivité dans 10% des cas, ce qui n’arrive pas avec la technologie utilisée par IgGreen. Notre production est assurée en continu et de manière stable par les cellules indifférenciées de la plante », s’enthousiasme Bertrand Magy.
À tel point que deux sociétés spécialisées dans la commercialisation de protéines utilisées pour diagnostiquer des maladies se sont déjà montrées intéressées. « Actuellement, nous travaillons sur la production d’anticorps et testons leur fonctionnalité. Il nous reste à évaluer la production à une échelle de l’ordre de la centaine de litres. »
100% animal-free
A moyen terme, la future société compte miser sur le caractère 100% animal-free de sa plateforme pour s’orienter vers le secteur thérapeutique. « En effet, l’absence de cellules et de substances d’origine animale garantit l’absence de pathogènes mammaliens. Il s’agit donc d’une méthode plus sûre de production de protéines pharmacologiques. »
Recherche et développement d’entreprise
Particularité de ce projet de recherche financé par la Région Wallonne : son volet entrepreneurial. En effet, l’équipe de Bertrand Magy ne se contente pas de développer un processus scientifique efficace, elle développe aussi une société. « Parallèlement au volet scientifique, nous devons travailler sur le business plan d’IgGreen afin que le projet aboutisse à la mise sur pied d’une société indépendante. Pour ce faire, nous nous entourons de business developers qui nous font profiter de leur savoir faire et de leur réseau », conclut Bertrand Magy. Le projet a d’ailleurs remporté le Prix spécial du public lors de l’édition 2015 de la Start Academy, un concours d’entreprenariat pour étudiants organisé par Solvay Entrepreneurs. La création de la société est prévue fin 2016, affaire à suivre donc !
Elise Dubuisson