Pouvoir identifier, comprendre, exprimer, gérer et utiliser ses émotions est utile dans bien des domaines de la vie ! Selon une récente étude de l’UCL, il y aurait même un lien entre compétences émotionnelles et santé.
Joie, allégresse, fierté, honte, jalousie, stress, agacement, colère, peur, mélancolie… Positives ou négatives, nos émotions font partie de notre humanité. Tout le monde en a ! Par contre, « nous n’avons pas tous le même degré de compétences émotionnelles (CE), c’est-à-dire la capacité à identifier, comprendre, exprimer, réguler et utiliser nos émotions », explique Moïra Mikolajczak, chercheuse à l’Institut de recherche en sciences psychologiques de l’UCL.
Les principales compétences émotionnelles
Il existe 5 grands types de CE :
- Identifier ses émotions : s’il est relativement facile de reconnaître des émotions basiques comme la colère ou la tristesse, certaines personnes ont du mal à identifier des émotions plus complexes comme la honte, la culpabilité, etc.
- Comprendre ses émotions : de nombreuses personnes ont tendance à confondre la cause et le déclencheur d’une émotion. Exemple : vous avez passé une mauvaise semaine. Vous êtes fatigué(e), votre patron vous a énervé(e), votre voiture est tombée en panne, etc. Et voilà que, le vendredi soir, votre conjoint(e) fait une remarque malheureuse sur le repas que vous avez préparé. Et là, vous vous énervez… Dans cette situation, la remarque malheureuse est le déclencheur de votre énervement, mais la véritable cause, c’est la mauvaise semaine que vous avez passé.
- Exprimer ses émotions consiste à choisir le bon moment pour le faire (ou pas), la bonne personne et le ton adéquat.
- Réguler ses émotions : nous ne gérons pas tous nos émotions de la même manière. Sous le coup du stress, par exemple, telle personne va garder son sang-froid alors qu’une autre va s’énerver ou fondre en larmes.
- Utiliser ses émotions : il s’agit ici de faire quelque chose, dans l’absolu, avec nos émotions afin d’améliorer notre vie. Par exemple, si nous sommes chroniquement stressé(e), nous pouvons décider de prendre des vacances ou de réduire notre temps de travail.
Santé et compétences émotionnelles : quels liens ?
Plusieurs études ont démontré que les personnes possédant des CE élevées sont généralement plus heureuses. Elles risquent moins de souffrir de dépressions, de burn-out ou de troubles anxieux. Elles sont plus épanouies dans leurs relations sociales (couple, amis, famille, relations professionnelles, etc.) et souvent plus performantes dans leur travail.
On soupçonnait depuis longtemps les CE d’avoir également une influence sur la santé physique, mais on ignorait dans quelle mesure. Pour le découvrir, Moïra Mikolajczak, en partenariat avec la KU Leuven et les Mutualités chrétiennes, a donc mené une étude auprès de 10 000 Belges. Les résultats sont étonnants ! Ils révèlent que, sur une année, une personne disposant de bonnes CE…
- consomme 128 doses de médicaments en moins,
- coûte en moyenne 361 € en moins à sa mutuelle,
- passe une demi-journée de moins à l’hôpital,
… qu’une personne ayant des CE peu développées.
Comment les CE peuvent-elles influencer à ce point le recours aux soins de santé ? « Les liens sont multiples », répond le Pr Mikolajczak. « Les personnes qui ont des CE moins développées éprouvent plus souvent des émotions négatives et de manière plus intense. Ce qui a des conséquences délétères sur la santé, tant au niveau comportemental que physiologique. » En effet, les émotions négatives réduisent la qualité du sommeil et favorisent certains comportements tels que la consommation de tabac, d’alcool ou de drogues. Et pour peu qu’elle soit chronique, les réactions physiologiques induites par ces mêmes émotions négatives ont aussi des effets néfastes sur la santé. Il suffit de penser aux nombreuses maladies provoquées par le stress chronique, par exemple.
Un véritable enjeu de société
Bonne nouvelle : à tout âge, il est possible d’améliorer ses compétences émotionnelles ! Comment ? Via une psychothérapie ou une formation. « Nous organisons des formations de 18 heures qui permettent d’augmenter de 10 % en moyenne les CE d’une personne », explique le Pr Mikolajczak. « Or, notre étude a montré que chaque pourcent d’amélioration des CE correspond à une baisse de 1 % des dépenses en soins de santé. »
Outre les économies substantielles que cela ferait faire à la Sécurité sociale, augmenter les CE des citoyens, voire les enseigner à l’école apporterait des bénéfices considérables à la société. « Pouvoir identifier ses émotions, les comprendre, les exprimer de façon adéquate, les gérer et les utiliser à bon escient peut régler bien des problèmes, tant au niveau individuel que collectif. À l’heure où l’on s’interroge sur la façon de (bien) remplacer les cours de religion, miser sur l’apprentissage des CE est une piste d’autant plus intéressante que cela mettrait tous les enfants sur un pied d’égalité en matière d’intelligence émotionnelle. » Ce qui, très probablement, améliorerait le vivre ensemble…
Candice Leblanc
Les recherches de Moïra Mikolajczak sur les compétences émotionnelles sont ou ont été financées par le FNRS, le FSR de l’UCL et la Région Wallonne.
Coup d'oeil sur la bio de Moïra Mikolajczak