Syrie : l’augmentation des bombardements aériens, fatale pour les enfants, selon des chercheurs de l’UCL

En 2016, un civil tué par le conflit syrien sur 4 était un enfant. Une équipe de chercheurs du Centre de recherche sur l’épidémiologie des désastres de l’UCL a analysé les données liées à  plus de 140 000 morts violentes de 2011 à 2016 dans les zones non-contrôlées par le régime de Bachar Al-Assad. Leurs conclusions sont publiées ce 6 décembre 2017 dans The Lancet Global Health journal.

 

Ce que les chercheurs de l’UCL ont constaté ? D’une part, la disparité entre le nombre de civils et de combattants tués (graphique 1), et d‘autre part, une augmentation significative du nombre de décès de femmes et d’enfants durant ces 6 années (graphique 2). En cause ? Les armes majoritairement utilisées en zones peuplées – bombardements aériens et tirs d’obus – peu efficaces envers les combattants de l’opposition, mais destructrices pour les populations civiles, et particulièrement les enfants. Les chercheurs pensent que les combattants seraient prévenus de l’imminence des bombardements et auraient le temps de modifier leur location, contrairement aux civils.


Graphique 1

“Nos analyses mettent en évidence l’efficacité très limitée des bombardements aériens contre les combattants de l’opposition, et en comparaison, leur impact léthal disproportionné sur les civils, et particulièrement les enfants. Ces découvertes posent la question de l’utilisation de ces armes dans les zones urbaines et peuplées et indiquent un usage contraire au droit humanitaire international », indique la Pr Debarati Guha-Sapir, UCL, auteure de l’étude.

Graphique 2

Si le nombre total de décès dûs au conflit a baissé entre 2011 et 2016, et si les hommes constituent le plus grand nombre de victimes, la proportion de femmes et enfants tués a quant à elle augmenté de manière spectaculaire (graphique 2). Au début du conflit, les enfants composaient 8,9% des décès civils (388/4254). En 2013, ce chiffre est monté à 19 % (4927/25 972) pour arriver à 23,3 % au 31 décembre 2016 (2662/11 444). La proportion de femmes adultes a plus que quadruplé durant la période 2011-2016, s’élevant de 3,4% à 13,8%. Durant ces 6 ans, la proportion de décès parmi les enfants a été plus élevée que la proportion de décès chez les femmes, la dépassant de 10% fin 2016.

Comment expliquer ces chiffres ? À partir de 2012, le recours aux bombardements a augmenté, notamment suite à l’intervention des coalitions internationales, ce qui a eu un impact direct sur les populations civiles, ces attaques visant des zones peuplées tuant 5 fois plus de civils que de combattants.

Si durant les deux premières années du conflit, la première cause de décès chez les civils était les tirs ciblés, les tirs d’obus sont rapidement devenus la première cause de décès. Fin 2016, on pouvait mesurer que les bombardements aériens étaient devenus la deuxième cause de décès chez les civils. Au total, 52,7% des décès adultes résultaient de bombes explosives à large portée, dont 27,8% causées par les tirs d’obus et 24,8% par les bombardements aériens. Les graphiques 4 et 5 montrent que les bombardements aériens et les tirs d’obus sont les causes principales des décès chez les femmes et les enfants.


Graphiques 3, 4 et 5

Qui dit bombardements aériens dit aussi bombes barils (graphique 6). Ces bombes explosives sont largement utilisées dans le conflit syrien. Plus d’un quart des civils tués dans ces attaques sont des enfants. La proportion d’enfants tués par une bombe baril était d’ailleurs deux fois supérieure à celle des hommes. Les bombes barils constituent 5,8% des décès chez les hommes, 9,8% des décès chez les femmes, 10,9% des décès chez les enfants garçons et 12,9% des décès chez les enfants filles.


Graphique 6

Il ressort que la stratégie des « doubles-frappes » a été utilisée dans certains cas, c’est-à-dire soit le fait de larguer une bombe baril peu après la première dans le but d’éliminer les premiers intervenants et les équipes médicales arrivées sur les lieux, soit le fait de bombarder les centres médicaux qui accueillent les blessés de la première attaque. 


Méthodologie 
L’étude des chercheurs du Centre de recherche sur l’épidémiologie des désastres de l’UCL utilise des données rassemblées par le Violence Documentation Center (VDC), un groupe indépendant possédant un réseau de 30-35 enquêteurs de terrain en Syrie couvrant chaque province. Les zones contrôlées par le régime étant trop dangereuses pour le staff du VDC, l’étude n’inclut pas de données de ces zones et se concentre sur les zones rebelles. Cette étude démontre donc des tendances et ne représente pas la totalité du conflit.

Publié le 07 décembre 2017