L’immunothérapie génère des résultats inespérés pour soigner les cancers métastatiques agressifs et avancés. Mais ces résultats sont observés chez une fraction des patients seulement, soit un quart à un tiers des personnes traitées, ce qui signifie que la majorité des patients ne répond pas à l’immunothérapie. Comment l’expliquer, et comment augmenter l’efficacité de l’immunothérapie ? C’est l’objet des recherches de Benoît Van den Eynde, chercheur à l’Institut de Duve de l’UCL, à la tête du Ludwig Cancer Research Institute Brussels. Ce 10 novembre 2017, il publie une étude dans la revue Nature Communications, qui dévoile un nouveau mécanisme responsable de l’échec de l’immunothérapie.
Pour pouvoir étudier les tumeurs, qui présentent une grande variété de mécanismes de résistance immunitaire, les chercheurs transplantent des cellules cancéreuses chez la souris. Mais problème, ces cellules élevées in vitro ne reproduisent pas le développement naturel d’une tumeur tel qu’il se traduit chez l’humain. Pour s’implanter solidement puis grandir, une tumeur passe parfois des mois, voire des années à déjouer les pièges que lui tend le système immunitaire. Afin de recréer un environnement tumoral proche de l’humain, les chercheurs de l’Institut de Duve de l’UCL ont mis au point un modèle de tumeur ‘induite’ chez la souris,en injectant un oncogène et un antigène (P1A), actifs sous l’effet d’un certain traitement.
L’immunothérapie fonctionne grâce l’action de millions de petits soldats, des lymphocytes capables de repérer, cibler et tuer les cellules anormales. Dans le cas d’une tumeur transplantée (mais non fidèle aux situations cliniques), ces lymphocytes fonctionnent parfaitement et éliminent la tumeur. Dans le cas d’une tumeur induite, les chercheurs ont eu la surprise de constater que, trois semaines après leur déploiement, ces soldats avaient disparu, sans effets sur la taille de la tumeur, bien qu’ils soient spécifiques à l’antigène P1A. Ont-ils « déserté » ? Ont-ils été tués ?
Pour comprendre ce phénomène, les chercheurs ont comparé les différents paramètres au sein de chaque tumeur, transplantée et induite, suite à l’injection des millions de cellules-soldats. Au début, les lymphocytes semblent prendre la tumeur d’assaut des deux côtés. Mais dans le modèle de tumeur induite, après 4 jours seulement, la moitié des soldats semble être victime d’une mort cellulaire programmée, ou apoptose. Les cellules cancéreuses étant identiques au sein des deux environnements tumoraux, les chercheurs ont eu l’idée de comparer les cellules non-cancéreuses pour comprendre ce qui peut causer cette élimination des cellules-soldats. Au sein de la tumeur induite, et de celle-ci uniquement, le Pr Van den Eynde et son équipe ont déterminé la présence d’un type de cellules appelées PMN-MDSC (Polymorphonuclear myeloid-derived suppressor cell). Celles-ci font partie d’une famille de cellules immunitaires connues pour aider les tumeurs à éviter le système immunitaire. L’analyse moléculaire des tumeurs induites a révélé que les PMN-MDSC produisent à forte dose une protéine appelée FAS-ligand, qui agit directement sur les cellules-soldats (lymphocytes) et provoquent leur mort par apoptose.
En identifiant la protéine FAS-ligand comme étant à l’origine de l’un des mécanismes responsables de l’inefficacité de l’immunothérapie chez certains patients, les chercheurs vont à présent cibler cette molécule pour neutraliser toute nouvelle tentative de mort programmée des cellules-soldats. En parallèle, les traitements évoluent aussi. Prochaines étapes pour l’équipe du ¨Pr Van den Eynde : un essai clinique chez l’homme, et la poursuite de l’identification d’autres mécanismes de suppression immunitaire inédits au sein du modèle de tumeur induite.
Cette étude a été menée avec le soutien du Ludwig Cancer Research Institute, du programme WELBIO, du FNRS-Télévie, de la Fondation contre le Cancer et de l’Institut de Duve de l’UCL.
Infos: https://www.nature.com/ncomms/