Mettre les compétences universitaires au service de la Défense et réciproquement, voilà l’objectif poursuivi par Jean-Luc Gala au sein du Centre de Technologie Moléculaires Appliquées. À la clé, une collaboration d’un genre inédit qui vient d’être renforcée par la signature d’une convention cadre !
Médecin spécialiste militaire travaillant pour la Défense, Jean-Luc Gala exerce également ses fonctions au sein de l’UCL et des Cliniques Saint-Luc dès les débuts de sa carrière professionnelle. Ayant à peine débuté ses activités, il a l’idée un peu folle de créer un centre de recherche commun aux 3 institutions. « D’emblée j’ai ressenti l’importance de mettre les compétences universitaires au service de la Défense dans les domaines d’application qui lui étaient utiles, et réciproquement », explique Jean-Luc Gala.
Une plateforme spécialisée en biotechnologie
Le Professeur Gala développe ainsi progressivement la plateforme CTMA (Centre de Technologies Moléculaires Appliquées), un centre biotechnologique de pointe qui, dans son volet militaire, a pour principale mission l'identification rapide et le contrôle des menaces biologiques quelles que soient leurs origines : naturelles, accidentelles ou intentionnelles.
En retour, cette activité spécifique s’est avérée extrêmement bénéfique pour de nombreux patients des Cliniques St Luc, confrontés à des infections pour lesquelles le diagnostic était difficile voire impossible. L’UCL a, quant à elle, bénéficié de très nombreux projets de recherche ciblée tant au niveau national qu’international. « Chacune des parties bénéficie de cette association. La Défense, par exemple, dispose à présent d’une équipe de recherche universitaire multidisciplinaire très expérimentée, et l’université dispose d’une équipe de chercheurs militaires spécialisés dans le domaine des maladies infectieuses et formés aux contraintes d’un déploiement rapide lors de crises sanitaires majeures. Quant aux Cliniques St Luc, elles bénéficient de développements méthodologiques innovants et performants. »
Un laboratoire déployé en Guinée
Une collaboration qui fait ses preuves sur le terrain comme l’illustre le développement par le CTMA d’un laboratoire mobile déployé en Guinée entre décembre 2014 et mars 2015.
« Ce laboratoire appelé « B-LiFE » pour « Biological Light Fieldable Laboratory for Emergencies » est léger, aisément transportable et déployable dans les coins les plus reculés du monde. Il a pour but de d’identifier rapidement des agents infectieux mortels pour en faciliter le contrôle. Il nous a permis de participer à l’effort de lutte contre la récente épidémie d’Ebola en Afrique de l’ouest. Conséquence de la structure composite du CTMA, nous étions une des rares équipes à déployer une équipe mixte soudée à la fois académique, clinique et militaire, et qui soit parfaitement entraînée aux contraintes de travail et de biosécurité d’un laboratoire de terrain. Nous étions clairement l’une des équipes qui a le mieux fonctionné sur place en dépit d’un isolement total au fin fond de la Guinée et en pleine forêt », s’enthousiasme le médecin.
Un incubateur technologique
Lorsqu’il n’est pas en Afrique pour aider les populations en proie à une épidémie, ce laboratoire ne reste pas pour autant inactif ! Il sert alors d’incubateur technologique. « Nous évaluons et développons toute une série de technologies émergentes que nous adaptons au contexte du terrain en collaboration avec des entreprises belges et européennes. Une fois les techniques mises au point et validées, nous aidons à leur mise en place là où elles sont nécessaires. Cette expertise nous a permis, par exemple, de développer un laboratoire de surveillance des maladies infectieuses à Bukavu en République Démocratique du Congo. Dans ce cas, comme dans d’autres, nous nous efforçons de développer les méthodes diagnostiques les plus appropriées et les plus accessibles financièrement », poursuit Jean-luc Gala.
Bioterrorisme : un test grandeur nature
Les chercheurs ont également testé B-LiFE au sein d’un scénario grandeur nature. En effet, pour la première fois en Europe, 2 laboratoires légers ont été déployés côte à côte à Munich : B-LiFE et le laboratoire de l’Institut de Microbiologie de la Bundeswehr. Cet exercice inédit reproduisait la dispersion criminelle d'un agent infectieux afin d’évaluer et de comparer les résultats de chaque laboratoire mais aussi pour tester leur interactivité. « Les virus et les bactéries infectants les échantillons biologiques étaient bien entendu inoffensifs mais les méthodes et l’appareillage étaient ceux réellement employés en situation de crise ou d'épidémie. Nous avons aussi testé l’utilisation de technologies de pointe pour la géolocalisation des échantillons au moyen d’une antenne satellite gonflable. En outre, nous avons évalué une toute nouvelle méthode d’identification des germes infectieux sur le terrain : le séquençage à haut débit ou NGS (Next Generation Sequencing). Une méthode vitale pour surveiller et détecter rapidement des pathogènes épidémiques connus et inconnus. »
Une convention-cadre qui pérennise les activités du CTMA
Jusqu’à présent le personnel du CTMA travaillait sur base d’un accord de principe des autorités cliniques, académiques et militaires, reposant sur une mutualisation tacite des bénéfices. Mais les changements successifs du contexte politique, financier et décisionnel ont incité Jean-Luc Gala à légaliser définitivement le cadre de cette union. « Au cours de ces 4 dernières années, nous avons établi et négocié pas à pas, une convention cadre avec les juristes de la Défense et de l’UCL ainsi qu’avec les autorités militaires. Récemment acceptée par toutes les parties, elle fixe clairement les droits et obligations de chacun. Reposant sur une base légale, cet accord pérennise la structure et le fonctionnement du CTMA dans toute son originalité », conclut le médecin.
Elise Dubuisson