In Memoriam Claude Roosens
C’est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès de Claude Roosens au terme d’une courte mais fulgurante maladie. Nous ne doutons pas que la force et l’espérance de sa foi l’ont habité pour endurer cette épreuve et présentons à sa famille nos profondes condoléances. C’est à la fois un certain modèle de la fonction académique et un ami cher que nous perdons.
Nous l’avons connu en de multiples qualités pour œuvrer ensemble à l’enseignement et à la recherche des relations internationales ainsi qu’au devenir institutionnel de notre université. Ces qualités vont bien au-delà des titres qu’il a portés : Professeur ordinaire, Président de département, Doyen, Vice-Recteur. Il était pour nous celui qui avait la passion de l’enseignement, la patience du promoteur de thèse et la bienveillance de l’Autorité académique. Il a vu nos thèses aboutir et nos personnalités scientifiques s’épanouir. Nous avons suivi, puis encadré ces cours avant de les donner avec lui au moment où les tâches décanales l’ont absorbé. A ces occasions, nous avons particulièrement apprécié les qualités humaines exemplaires de notre collègue : une disponibilité pour l’échange argumenté, une rectitude dans l’exercice de ses fonctions et une permanente quête du consensus pour gérer au mieux l’institution.
Dans sa jeunesse, Claude avait enseigné en Afrique du Nord et en Afrique centrale. Il avait gardé pour le Maghreb et l’Afrique subsaharienne un intérêt intellectuel et une affection pour leurs populations. Avec certains d’entre nous, il a formé des diplomates tunisiens ou de futurs cadres de l’Afrique des Grands Lacs. Ceci complétait les contacts que notre collègue nouait avec le ministère belge des Affaires étrangères, notamment comme conseiller à la coopération internationale ou pour le recrutement de futurs diplomates. Fidèle à son propre promoteur de thèse, Romain Yakemtchouk, il présidait au moment de son éméritat la fondation portant le nom de son illustre prédécesseur.
Avec un discernement pertinent, Claude avait insufflé l’idée de la création d’un pôle de recherche sur les relations internationales, à charge pour nous de le mettre en œuvre. Cette tâche qu’il nous confiait fera naître en 2001 le Centre d’études des crises et des conflits internationaux (CECRI). Il nous transmettait un flambeau alors que les responsabilités allaient l’absorber au sommet de l’université. Nul doute que son souvenir inspirera encore notre métier d’enseignant et de chercheur, comme le souligne l’hommage que lui rend ci-dessous Raoul Delcorde depuis Ottawa.
Tanguy de Wilde, Michel Liégeois, Amine Ait-Chaalal,
Valérie Rosoux, Vincent Legrand, Tanguy Struye.
Professeurs à l’UCL,
Institut de Sciences politiques Louvain-Europe (ISPOLE),
Centre d’études des crises et des conflits internationaux (CECRI)
Hommage au Professeur Claude Roosens
La Belgique vient de perdre un de ses meilleurs historiens des relations internationales. Durant sa longue carrière académique, le Professeur Roosens développa un enseignement de grande qualité autour de l’histoire diplomatique du XIXè et du XXè siècle, et de la politique étrangère de la Belgique. Pédagogue réputé mais exigeant, il forma des générations d’étudiants à l’analyse des relations internationales dans une perspective historique. Il débuta sa carrière académique à la Faculté de droit de l’UCL comme assistant en droit romain. Puis il bifurqua vers les sciences politiques et l’histoire. Sa thèse de doctorat portait sur un sujet complexe et sensible : la sécession du Katanga (« La sécession katangaise, 1960-63, aspects fondamentaux, internationaux et internes », sous la direction du Professeur Yakemtchouk). Fondée sur une analyse très fouillée des acteurs en présence et des réactions de l’opinion publique en Belgique, cette thèse offre une analyse diachronique de cet événement majeur de la décolonisation en Afrique subsaharienne.
Lorsqu’il débuta son enseignement en sciences politiques à l’UCL, Claude Roosens inaugura un nouveau chantier, qu’il développa avec beaucoup d’engagement personnel, à partir du début des années 1980. Il s’agissait de mettre en place un séminaire de préparation au concours diplomatique. Très peu avait été fait jusque-là. Le séminaire combinait des exercices de simulation des épreuves à des conseils de méthodologie. Il s’appuyait sur une publication, maintes fois rééditée depuis, sous le titre de « La carrière diplomatique en Belgique, guide de candidat au concours ». C’est un travail pionnier, apprécié par des générations de diplomates belges, qui y trouvèrent une information précieuse pour la préparation de ce concours de haut niveau. Ce séminaire existe toujours, attire un large public et forme chaque année son lot de futurs diplomates
Tenant de l’approche réaliste des relations internationales, Claude Roosens résumait son approche par trois modes opératoires : la rigueur du propos (les notions doivent être définies avec précision), la nécessité de s’en tenir à la réalité (comment fonctionnent effectivement les relations internationales ?) et la perception globale des choses, c’-est-à-dire une vision synthétique de la période étudiée. Il était, de ce point de vue, dans la lignée de Jean-Baptiste Duroselle et de Marcel Merle, d’André Fontaine aussi, trois auteurs qu’il aimait citer. Claude Roosens écrivait que les « relations internationales ne peuvent se réfugier dans le point de vue de Sirius…la discipline s’alimente d’un substrat historique ».
Ce grand professeur, profondément humain, a fait honneur à l’enseignement des sciences politiques en Belgique. Il a creusé un sillon fécond, qu’il conviendra de continuer à approfondir.
Raoul Delcorde,
Ambassadeur de Belgique au Canada,
Professeur invité à l’UCL.