Communiqué de presse - recherche UCL
Au cœur du débat sociétal sur l’islamophobie, beaucoup revendiquent le droit de critiquer pleinement les idées et normes d’autres groupes ethniques et religieux (ici les musulmans), en arguant que cela n’affecte pas le respect citoyen vis-à-vis des croyants en tant que personnes. Même si cette distinction est pertinente sur le plan théorique, Vassilis Saroglou et Jolanda van der Noll, chercheurs UCL au Centre de psychologie de la religion de l’UCL, ont mené deux études expérimentales pour savoir si, en pratique, il est aussi facile de faire cette distinction.
Premièrement, ils ont mesuré la propension des participants (au total, 440 belges non-musulmans, francophones ou néerlandophones) à aider - en allouant une somme d’argent hypothétique - une personne fictive présentée avec un prénom, soit chrétien (et traditionnellement « belge »), soit musulman. Selon la condition expérimentale, ces personnes fictives allaient utiliser cette aide :
- soit pour un objectif ordinaire et respectable
- faire des photocopies pour ses cours (étude 1)
- visiter son frère à l’étranger (étude 2) ;
- soit pour militer pour des causes que la majorité d’européens, et des belges en particulier, perçoivent comme antilibérales (contre l’égalité des citoyens, selon le genre ou l’orientation sexuelle), ici :
- contre l’interdiction du voile (étude 1)
- contre les droits des homosexuels (étude 2)
À travers les deux études, il s’est avéré que les participants n’étaient pas moins prêts à aider un musulman qu’un non-musulman quand l’objectif était jugé respectable. Cela suggère que, globalement, les participants ne présentaient pas d’attitudes discriminatoires envers les personnes musulmanes. À l’exception des personnes dites ethnocentristes, à savoir celles démontrant une identification forte à leur région ou nation (belge), qui discriminaient clairement, en allouant moins d’argent à la personne musulmane, même pour un objectif ordinaire.
Toutefois, les participants se sont avérés moins prêts à aider une personne musulmane lorsqu’elle allait manifester contre l’interdiction du voile (étude 1) que lorsqu’elle avait un objectif ordinaire (faire des photocopies) et, de manière plus critique, ils donnaient encore moins d’argent à la personne musulmane qu’à celle non-musulmane quand toutes les deux allaient défendre une cause antilibérale en militant contre les droits des homosexuels (étude 2). Ce dernier résultat montre un effet de discrimination subtile : s’agissant de la même action jugée problématique, la personne musulmane était « punie » plus sévèrement que la personne non-musulmane. Ceci toutefois était à l’exception des personnes athées qui ont fait preuve de « pénalisation non-discriminatoire » : quand la cause était antilibérale, ces personnes donnaient moins d’argent de manière égale au musulman qu’au non-musulman.
Ces travaux suggèrent que nous ne sommes que partiellement capables de faire la distinction entre respecter les personnes et critiquer (seulement) leurs idées et normes - ou perçues comme étant les « leurs ». En outre, en fonction des différences individuelles, les ethnocentristes ne sont pas prompts à faire cette distinction, tandis que les athées la font de manière conséquente et non-discriminatoire.
Cette étude vient d’être publiée dans la revue Political Psychology, revue internationale phare dans le domaine de psychologie politique.
Remarque : Il est utile de préciser que cette étude n’est pas une investigation de toutes les raisons explicatives des attitudes négatives envers des personnes musulmanes ; elle n’examine pas non plus la question, intellectuellement légitime, de savoir si l’augmentation des actes terroristes par des individus se revendiquant comme musulmans contribue à alimenter ces attitudes négatives chez la population non-musulmane.
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