Cela fait des années que les scientifiques prédisent la fonte de la banquise arctique. Mais à quelle vitesse ? Et quand aura-t-elle complètement disparu ? Les chercheurs sont incapables de le dire aujourd’hui. En cause, l’imprécision des outils de prédictions. Avec son équipe, François Massonnet, chercheur à l’UCL, vient de prouver comment et pourquoi ces modèles ne sont pas suffisamment efficaces. Et surtout, comment remédier à cette situation. Un petit pas pour la banquise, un grand pas pour la compréhension et la prévention des changements climatiques mondiaux. Cette découverte UCL vient d’être publiée dans la prestigieuse revue scientifique Nature Climate Change.
Depuis de nombreuses années, les études sur le climat ont cherché à comprendre et prédire la fonte des glaces en arctique. L’objectif ? Comprendre ces évolutions pourrait permettre de mieux prévoir les changements climatiques. A l’UCL, Hugues Goosse et François Massonnet, chercheurs au Centre de recherche sur la Terre et le climat Georges Lemaître de l’UCL, s’intéressent aux variations climatiques sur des courtes périodes (quelques dizaines d’années). Et un constat s’impose : aucune modélisation ne ressemble à l’autre. Si tous les modèles d’études s’accordent à dire que la banquise continuera de fondre, ils sont en désaccord sur la vitesse de cette fonte.
La banquise, cette fine couche de glace qui flotte et se forme naturellement dans l’océan, est à distinguer de l’épaisse calotte glaciaire. Etudier la banquise arctique est essentiel car cette zone du globe est interconnectée avec nos changements climatiques.« Via des études satellitaires et de terrain, on constate un important retrait de la banquise, indique François Massonnet. Toutes les études l’attestent. Mais aucune d’entre elles n’est d’accord sur la l’impact et la vitesse de cette fonte. » Le grand intérêt de l’étude menée par François Massonnet est d’avoir identifié l’origine de ces disparités dans les prévisions : le chercheur UCL et son équipe ont analysé 44 modèles simulant la fonte des glaces et aucun ne prédisait la même chose. Ils ont montré que c’est la façon dont les modèles reproduisent l’épaisseur de la banquise qui est à l’origine de la diversité des résultats.
Concrètement, à l’heure actuelle, seule la méthode satellitaire permet de mesurer globalement l’épaisseur de la banquise. Depuis l’espace, des satellites envoient des signaux jusqu’au cœur de la banquise. Une fois impactée, la surface renvoie les signaux au satellite qui en calcule la hauteur par la distance parcourue. Mais cette transmission est perturbée par différents éléments, des « bruits » constitués par exemple par de la neige au-dessus de la banquise, des turbulences atmosphériques… Mesurer précisément l’épaisseur de la banquise relève donc du défi. Les scientifiques parlent d’incertitudes allant de 50 à 100%. Donc, pour un mètre d’épaisseur calculé, l’erreur peut être de 50cm à… 1m, soit quasiment la mesure entière. Mais comment choisir les « bons » modèles, prédisant l’épaisseur exacte de banquise ? « Nous ne pouvons pas en être sûrs car l’échelle de temps est trop courte : cela ne fait que 15 ans que nous récoltons des données relatives à l’évolution de la banquise. Or, en matière de climat, il faut minimum 30 ans pour s’assurer de résultats certains. » Conclusion : une telle mesure est aujourd’hui impossible…
« Nous lançons un appel aux programmes spatiaux d’observation afin de les convaincre de déployer des systèmes d’observation plus précis et à plus grande échelle, histoire de mieux prévoir la fonte de la banquise », explique François Massonnet. Ses derniers résultats de recherche pourraient permettre d’accélérer ce processus. Tout comme le fait que les communautés scientifiques, notamment les modélisateurs et les observateurs du climat, collaborent de plus en plus entre elles. Il s’agit de la clef de l’avenir des recherches.
Article : https://www.nature.com/nclimate/ |