Le big data ouvre aujourd’hui de nouvelles perspectives aux géographes pour comprendre et cartographier les territoires. Deux équipes de géographes de l’Université catholique de Louvain et de l’UAntwerpen se sont intéressées aux interrelations entre lieux sur base de données conventionnelles mais de méthodes récentes. Elles proposent deux découpages de l’espace belge en groupes de communes (appelées mathématiquement « communautés ») en fonction de l’intensité des échanges d’une part en termes de déplacements domicile-travail, d’autres part en termes de déménagement (migrations internes). Les lieux qui entretiennent des relations étroites sont ainsi regroupés mathématiquement, sans aucun a priori de centralité ni de localisation de résidence ou de travail. Ces résultats de recherche viennent d’être publiés dans la revue scientifique e-Belgéo1.
Les chercheurs UCL et UA révèlent, de façon inattendue mais robuste, l’importance des frontières provinciales dans les déplacements socio-économique. Ces résultats étaient loin des attentes des auteurs : ils escomptaient en effet à une forte empreinte de la forme du réseau urbain et des aires urbaines. Ces cartes montrent que :
- Les communautés sont toutes constituées de lieux contigus : la distance reste le moteur principal dans les échanges socio-économiques à l’intérieur de la Belgique ;
- En termes de navettes de travail, Bruxelles s’étale sur tout l’arrondissement de Halle-Vilvoorde, sur le Brabant wallon et sur un morceau de la Flandre orientale et du Hainaut. Leuven constitue un bassin d’emploi séparé de Bruxelles : les navettes entre communes sont plus intenses au sein de cette communauté qu’avec toute autre commune belge. La communauté autour d’Anvers intègre le Waasland. La province de Namur est regroupée avec une partie du Hainaut (Charleroi). Par contre les limites des communautés de Flandre occidentale, du reste de la Flandre orientale, du Limbourg, de Liège et du Luxembourg correspondent exactement aux provinces. Notons également qu’à l’exception de la communauté autour de Bruxelles, la frontière linguistique est bien marquée : on la franchit peu pour aller travailler ;
- En termes de déménagements, les groupes de communes sont beaucoup plus petits et donc très nombreux : en moyenne, on ne déménage pas loin, on reste proche des amis, de l’école, de la famille. Il n’y a pas de pôles comme c’est le cas pour les centres d’emplois. Mais ici aussi, frontières provinciales et linguistique sont fortement respectées.
Les limites provinciales influencent donc consciemment ou inconsciemment aujourd’hui encore les déplacements socio-économiques alors qu’il n’y a aucune raison pour cela (pas de barrière, pas de taxe, pas de règlementation spécifique…). Des résultats de recherche qui pourraient alimenter le débat actuel sur l’existence même des provinces et la gestion des territoires (transport en commun ou immobilier).
Communautés en termes de déplacements domicile-travail |
Communautés en termes de déménagements (migrations à l’intérieur de la Belgique) |
©Adam, Thomas & Verhetsel (2017) |
©Adam, Thomas & Verhetsel (2017) |