Il faut dire le caractère singulier de ce texte. Eu égard d’abord aux travaux que le laa accueille habituellement sur ses pages, son enjeu n’est pas d’éclairer sous un jour théorique quelques faits architecturaux, ni de fixer, à une distance plus grande encore, les objets et les tâches d’une théorie de l’architecture. Le texte « architecture théorique | anthropologique » s’inscrit plutôt dans la tradition des manifestes architecturaux. C’est dire qu’il appartient à un genre prescriptif dont la vocation discursive est de méditer voire d’orienter le destin de la discipline architecturale. Mais, sa singularité au sein même du genre prescriptif tient au fait qu’il propose un destin architectural qui s’appuie sur la théorie, et pourtant renverse la perspective propre aux théories d’architecture. De fait, il ne s’agit pas ici de théorie ni d’anthropologie de l’architecture, mais à l’inverse, comme le promet le titre du texte, d’architecture anthropologique. Parcourant l’histoire des peuples et l’ordonnant selon trois « configurations » sociales et culturelles, Jean Stillemans établit que l’architecture, comme discipline, est désormais au temps de la théorie, et en particulier de l’anthropologie. L’exercice de l’architecture se déploie dans l’orbe d’un savoir anthropologique, ce qui fixe, pour demain, sinon un cap précis, du moins une orientation salutaire.
« Notre destin est de pister les commencements, les aubes — de saisir les fonctions humaines avant qu’un sens de bon sens ne vienne les recouvrir : c’est le destin anthropologique (…) C’est dire que l’architecture dans notre monde, celui qui a distingué les fonctions anthropiques, ne peut que leur être fidèle et entamer des chants qui se méfient du charme des leurres. »