Les pages du laa, No 21, décembre 2009
Le "paysage" compte parmi ces concepts qui s'usent à mesure d'un emploi excessif. Pratiqué par les savants de diverses disciplines - et surtout par les adeptes de l'interdisciplinarité - comme par les praticiens du territoire et de l'architecture, sa cible disparaît, à force, dans une brume qui dissout sa pointe. Instance de la nature dans le monde artificiel, construction culturelle qui s'approprie l'altérité, dispositif esthétique propre à l'occident, artialisation de l'environnement, parcs et jardins, forme sensible des territoires,... On ne peut mieux s'entendre à se mal comprendre ! Il est l'heure de tenter un bilan et d'établir si le "paysage" dispose de vertus opératoires à suffisance dans les champs conjoints de la pratique et de la théorie de l'architecture.
L'article que nous publions en ce mois de décembre participe d'un tel essai : « Notes pour une théorie du paysage habité » est écrit par Pierre Cloquette. Rebondissant sur une lecture critique des travaux d'Augustin Berque, l'auteur explicite les apories où s'enferment les saisies esthétiques et techniques du paysage pour ouvrir celui-ci au thème de l'habiter, dont les approches menées par Martin Heidegger et Georges-Hubert de Radkowski attendent encore d'être poursuivies avec sérieux. « L'homme transformant toujours déjà , et en même temps, l'étendue terrestre comme sa représentation, cette dernière prend également pour objet le produit d'une transformation matérielle – de sorte qu'il n'est pas possible de distinguer ce qui serait de l'ordre de la transformation de ce qui serait de l'ordre du « fond » originaire et rend caduque toute spécification du paysage par sa proximité d'avec la nature.»