Le Musée Albert Michotte de la Psychologie Expérimentale de Louvain-la-Neuve présente des dispositifs et appareillages utilisés dans les recherches de psychologie de l'Université catholique de Louvain depuis le début du vingtième siècle.
Traditionnellement, la psychologie expérimentale étudie les processus de base de l'adaptation, et notamment, les processus sensoriels et perceptifs, l'apprentissage, l'attention, le traitement de l'information, la mémoire, la poursuite de buts, l'émotion, etc. Depuis le début de l'histoire de la discipline, les chercheurs ont développé des dispositifs originaux en vue de mener certaines expériences bien définies. Ils ont également acquis auprès d'autre domaines de la science des dispositifs susceptibles de se prêter à certaines présentations particulières de matériel "stimulus" ou à l'enregistrement de certaines réponses particulières. Avec le temps, ces dispositifs ont progressivement cessé d'être utiles. Les années 1970-1980 ont vu la montée en puissance des microprocesseurs, puis des ordinateurs personnels. Depuis les années 1990, l'essentiel des recherches de psychologie scientifique sont conduites au moyen de ces seuls outils informatiques. Ceux-ci allient à la fois les avantages d'une flexibilité infinie et ceux d'une précision extrême. Ils permettent de mettre en scène n'importe quelle situation et de recueillir n'importe quelle réponse tout en engendrant du même coup des bases de données immédiatement accessibles à l'outil statistique. Devant cette évolution caractéristique de la période postmoderne, les instruments "modernes" des laboratoires classiques de la psychologie expérimentale prennent un éclat particulier. Ils sont les témoins de l'ingéniosité de nos prédécesseurs. Ils montrent combien l'idée du chercheur a guidé celui-ci jusqu'au détail de la conception de son dispositif, et comment, avec l'aide de techniciens particulièrement habiles, en est ressorti un instrument original, souvent beau à voir, et qui devait permettre à son concepteur de trouver la réponse à la question de recherche à laquelle il était confronté. Dans un musée qui rassemble de tels dispositifs, on peut donc voir de près comment dans ce contexte, la pensée s'est faite objet, et comment l'objet à son tour a permis d'engendrer des données propres à alimenter le savoir et la pensée. L'élément matériel qui nous est resté se trouvait bien au cœur d'une dynamique interactive qui aboutissait à transformer le regard posé par le chercheur sur le monde qu'il interroge, et à nourrir ses concepts à ce propos. Ces appareils résonnent encore aujourd'hui de la pensée et des questions auxquelles ils doivent leur forme. A nous de savoir les contempler.
A l'Université Catholique de Louvain, une partie importante des activités de recherche tournait autour de questions relatives à la perception. Le laboratoire de psychologie expérimentale y a été fondé en 1894 par Armand Thiéry. Le fonds de base du musée a été constitué au cours de la longue période pendant laquelle ce laboratoire de psychologie expérimentale fut dirigé par Albert Michotte, qui avait au préalable étudié chez Wundt à Leipzig, et chez Külpe à Würzburg entre 1905 et 1908. Michotte demeura actif au laboratoire jusque peu de temps avant son décès en 1965. Il est devenu mondialement célèbre notamment par ses travaux sur la perception de la causalité. Une partie des nombreux dispositifs de son époque sont demeurés à Leuven où ils font partie du patrimoine de la KUL, tandis qu'une autre partie a été conservée par Gérard de Montpellier, puis par moi-même, avec l'aide de Richard Robert, technicien de la faculté de psychologie de l'UCL de 1969 à 2008. Cette seconde partie a été transférée à Louvain-la-Neuve en 1977 lors du déménagement de la partie francophone de l'ancienne université bilingue. Jusqu'en 1974, Gérard de Montpellier a dispensé à l'Université de Louvain un cours de Méthodologie de l'expérimentation dans lequel les dispositifs figurant au musée étaient soigneusement décrits et examinés.
A cette collection sont venus s'ajouter des appareils de deux autres sources. D'une part le musée compte un certain nombre d'appareils provenant du laboratoire d'Arthur Fauville dont les travaux portaient notamment sur la théorie de l'information et sur l'étude du langage. Les dispositifs de ce laboratoire ont été conservés et transmis au musée par Jean Costermans, qui fut à l'origine du courant de psychologie cognitive développé à l'Université de Louvain. D'autre part, certains appareils figurant dans la collection du musée sont issus du laboratoire de psychologie expérimentale et animale qui fut animé par Georges Thinès au Château de Pellenberg près de Leuven, puis dans divers bâtiments du site de Louvain-la-Neuve. Ces instruments sont parvenus au musée après avoir été conservés par Marc Weyers.
Les différents appareils et dispositifs du musée sont longtemps demeurés inaccessibles au public faute d'espace approprié pour les exposer. Depuis quelques années, l'intérêt manifesté par Anne Spoiden, bibliothécaire de la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de Louvain-la-Neuve, pour ce matériel historique a permis à celui-ci de trouver un espace d'accueil à leur mesure dans les salles de lecture de notre bibliothèque (https://uclouvain.be/fr/bibliotheques/bpsp). Ceux-ci peuvent être visités aux heures d'ouverture de la biliothèque.
L'exposition permanente de toute la collection étant enfin réalisée, celle-ci se devait d'être accompagnée d'une documentation détaillée faute de quoi la plupart des dispositifs demeureraient tout simplement mystérieux au regard des lecteurs et des visiteurs. C'est ainsi qu'est né le projet d'un musée virtuel. Celui-ci a pris corps au cours de l'année 2008 avec la complicité de différents acteurs de la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation —Richard Robert, Anne Spoiden, Guy Lories, Raymond Bruyer, Michel Hupet, Eric Baruffol— et grâce surtout au travail de documentation réalisé dans le cadre d'un stage de deuxième cycle par Céline Massy. La création et la mise en page du site est due au travail de Gregory Pierquin.
Bernard Rimé.