CITO - Objectifs

RSCS

Chaire interdisciplinaire sur la tolérance (CITO)

Les jeunes ont-ils un problème avec la tolérance aujourd’hui ?

De la guerre des concepts aux dialogues des raisons

Mieux saisir les enjeux au coeur des tensions pour pouvoir mieux réagir demain

Dans la majorité des pays européens, la cohabitation des religions dans la cité est réglée par un système politique qui connaît certes des nuances, mais fonctionne à peu près de manière semblable sur un point : l’État se dit neutre par rapport à la religion, c’est-à-dire qu’il affirme ne pas s’ingèrer pas dans l’organisation interne du culte; il en garantit le libre exercice et la pratique religieuse. Historiquement, ce cadre juridique général a non seulement permis une coexistence pacifique des religions, mais, grâce à la promotion d’un principe d’égalité et à la protection des libertés (notamment religieuses) individuelles et collectives qui sont ainsi assurées par l’État, les convictions religieuses apparaissent même s’y être largement épanouies.

Toutefois avec le pluralisme socio-culturel croissant de nos sociétés, lié aux migrations, mais aussi aux divers processus de globalisation, non seulement de nombreuses questions émergent quant aux modalités concrètes de mise en œuvre de ce cadre juridique, mais le "vivre ensemble" apparaît aussi de plus en plus un défi majeur à relever. Faut-il confondre dans un même et unique rapport les normes, les valeurs et les styles de vie ? Comment articuler le respect des droits et l'estime sociale ? Comment dépasser le sophisme apparent de certains distinguos entre le "privé" et le "public" ?

En Belgique, une recherche menée par le CISMOC pour la Fondation Roi Baudouin en 2006 montrait déjà combien et comment les relations entre musulmans et non-musulmans sont marquées par des malaises réciproques, notamment parce que chacun a l’impression que l’autre constitue un obstacle à la possibilité de vraiment devenir soi-même. Et en 2013, une enquête importante réalisée par la même équipe à Bruxelles dans des lieux dits de socialisation obligatoire (écoles, entreprises, hôpitaux) ainsi que dans des clubs de sport et des maisons de jeunes, a mis en exergue les mêmes constats tout en observant combien le fossé semble encore se creuser entre les populations, car de fortes tensions apparaissent dans les relations, qui semblent désormais renforcées par le poids des imaginaires.

Les discours publics sont ainsi marqués par des attitudes polémiques où se confrontent des slogans stériles tels que ceux évoquant « l’échec de l’intégration » ou encore « la montée de l’islamophobie » dans la société belge. Et ces accusations réciproques qui rejettent toutes les responsabilités des malaises sur l’autre conduisent à des vies parallèles, sur fond de conflits géopolitiques constamment actualisés au niveau international qui alimentent tous les fantasmes, la cohésion sociale apparaît de moins en moins aller d’emblée de soi. Les évènements parisiens dans la Rédaction de Charlie Hebdo confortent encore plus ce climat pesant et paraissent polariser encore un peu plus les positions des uns et des autres.

Par-delà toutes les mesures qui sont progressivement adoptées et qui se rapportent notamment à la prévention du radicalisme, un thème nous apparaît donc dorénavant crucial à revisiter : celui de la "tolérance". Certes ce concept a pu être décrié, au titre du mépris implicite dont il serait porteur. Il n'est de fait qu'une première porte dans un long chemin menant au respect mutuel. Les jeunes eux-aussi apparaissent très critiques de ce thème voire le dénigrent. Tout comme d’autres thèmes tels ceux de la « démocratie » ou de la « neutralité », celui de la « tolérance » apparaît pour eux comme un fourre-tout trompeur du lexique médiatique. 

Tolérance : un vocable médiatique

Le point de départ pragmatique du projet, tient à l'observation que c'est bien ce concept de tolérance qui se trouve régulièrement mobilisé, notamment par les politiques ou aussi par les principaux représentants religieux, ou polémiqué par "les jeunes". Le projet entend ensuite montrer le déficit de ce type de tensions, dès lors que celles-ci reposent sur des slogans  très peu instruits des aspects historiques et contemporains, bref sur des considérations rarement conceptualisées comme en atteste un lexique de la tolérance régulièrement mobilisé avec des connotations éclatées, voire antagoniques.

Tolérance : d'une boîte noire
à un alphabet intersubjectif de l'estime réciproque

Plus précisément encore, la perception de la tolérance demeure fréquemment chez les jeunes une "boite noire" que le projet entend contribuer à ouvrir, non pas de façon unilatérale, mais bien de façon discursive et intersubjective. Comment une mobilisation des discours et des savoirs propres aux traditions invoquées peut-elle contribuer à coconstruire un alphabet commun du respect des droit et de l'estime des modes de vie, entendu comme outils de leurs adaptations progressivement réfléchies. Ce projet entend ainsi analyser les conditions nouvelles d’un dialogue des raisons, que les jeunes puissent s’approprier, ouvert plutôt que relégué ou ignoré. Le projet adopte une approche interdisciplinaire triangulaire et comparée entre christianisme, islam et sécularité, pour penser les tensions et leurs origines voire aussi les dispositifs futurs d’une cohésion sociale respectueuse de chacun.

Tolérance, pudeur et prosélytisme chez les jeunes

Afin de s’axer sur des interrogations concrètes, cette chaire de recherche entend tester ces hypothèses sur deux « questions sensibles », que l'on entend par ailleurs associer : les thématiques de la pudeur et les thématiques du prosélytisme, entre "bon aloi" et "mauvais aloi", tant dans les mouvements de jeunes, qu'en milieux hospitaliers, en entreprise ou à l'école.

Workshops et "jeudis de l'(in)tolérance"

Ce projet, porté par les professeurs Régis Burnet, Louis-Léon Christians et Brigitte Maréchal, constitue un des axes fédérateurs pour l’Institut RSCS autour des porteurs du projet et des doctorants en sociologie, droit et histoire. Il s’inscrit dans une perspective longue de déploiement et de financement de la recherche sur ces thématiques entre théologie et sciences humaines.

Au delà de plusieurs workshops marquant des étapes fortes du projet, des manifestations de moindre ampleur auront lieu mensuellement, animées par les doctorants. Il s’agira des « Jeudis de l’(in)tolérance », qui donneront la possibilité à de jeunes chercheurs de communiquer leurs travaux lors de courtes communications suivies d’un débat.