Le CRECO se rattache, avant toute chose, à cette branche juridique majeure qu’est le droit public. Entendu comme l’ensemble des principes et des règles qui régissent l’Etat, le statut de ses organes et les rapports que ceux-ci entretiennent avec les individus, le droit public est une branche juridique à la fois composite et unique.
Le droit public est une branche juridique marquée par la diversité de ses objets potentiels de recherche. Autour de la distinction fondamentale entre les deux disciplines traditionnelles que sont le droit constitutionnel et le droit administratif, gravitent des disciplines plus spécialisées :
- le droit des contrats publics
- le droit de la fonction publique
- le droit des finances publiques
- le droit des médias
- le droit de l’environnement et du développement durableou encore le droit de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire.
Par ailleurs, un droit des politiques publiques s’affirme de plus en plus dans des secteurs comme la culture, le sport ou la santé. Cette diversité s’explique par l’accroissement de la régulation étatique dans des domaines nouveaux ou émergents. Elle s’explique aussi par la complexification croissante des modes de régulation étatique, en raison notamment de mouvements de désagrégation (fédéralisation de l’Etat) et d’agrégation (intégration européenne).
Dans le même temps, le droit public est une branche juridique caractérisée par l’homogénéité, d’une part, de son approche méthodologique et, d’autre part, de son cadre conceptuel et théorique. Le droit public est formé de principes et de règles qui sont le produit d’une même culture politique, modelée par un même processus historique. Il est construit autour des notions de souveraineté étatique et de citoyenneté, de telle sorte qu’au-delà des particularités des différentes disciplines qui le composent, il implique une réflexion commune sur l’action étatique et sur la relation qui se noue entre l’Etat et les citoyens. Par ailleurs, aujourd’hui plus que jamais, le besoin se fait sentir d’intégrer dans cette réflexion commune un questionnement relatif à l’impact des mouvements contemporains de globalisation et de privatisation sur le droit public
Le CRECO entend articuler ces deux données incontournables et, tout à la fois, les placer dans une optique particulière. D’une part, en mettant l’Etat au centre de ses préoccupations, le CRECO se définit comme un centre de recherche en droit public. D’autre part, le CRECO entend étudier l’Etat à partir de la Constitution et, plus généralement, du droit constitutionnel. Les recherches menées par le CRECO englobent les deux dimensions propres à toute Constitution : les bases fondamentales de l’organisation de l’Etat (dimension régulatrice) et la protection des droits fondamentaux (dimension protectrice).
La dimension régulatrice. La Constitution institue les composantes politiques de l’Etat – les collectivités locales, voire les collectivités fédérées –, tout en veillant à l’articulation de leurs pouvoirs respectifs. Elle fixe le statut des principales autorités publiques (politiques, administratives et juridictionnelles), à tout le moins les données essentielles de ce statut. Elle trace le cadre à l’intérieur duquel devront se nouer les relations entre ces autorités et les citoyens. Elle met en place des mécanismes de résolution des conflits internes. Tout cela traduit, en fin de compte, une double préoccupation. Il s’agit de jeter les bases fondamentales de l’organisation de l’Etat et de les assembler avec la cohérence qu’impose un fonctionnement harmonieux de la société politique.
La dimension protectrice. La Constitution s’attache à offrir aux citoyens – dans le sens le plus large du terme – une panoplie de droits fondamentaux. Elle véhicule ainsi un idéal humaniste, qui traduit un souci de veiller à l’épanouissement de la personne humaine et au respect de sa dignité. Cet idéal est plus particulièrement vital dans un Etat composite comme l’est la Belgique. En effet, la coexistence au sein d’un même Etat de plusieurs groupes, plus ou moins différents, ne saurait occulter la nécessité d’un fond commun de valeurs partagées. Jürgen Habermas n’insiste-t-il pas sur le fait que, quelle que soit la diversité des différentes formes de vie culturelle, la citoyenneté démocratique exige la socialisation de tous les citoyens dans le cadre d’une culture politique commune ? A certaines conditions, liées à la pratique démocratique, les droits fondamentaux ont vocation à contribuer au maintien de cette culture politique commune, c’est-à-dire à l’intégration de la société étatique autour d’un socle de valeurs essentielles.
Qu’elle régule ou qu’elle protège, la Constitution entend contenir la puissance des autorités publiques, en leur assignant des limites. Elle remplit, en effet, plusieurs fonctions naturelles qui toutes se ramènent à une mission cardinale, qui est l’essence même du constitutionnalisme : la limitation de l’arbitraire du pouvoir étatique. Il s’agit de contraindre la majorité au pouvoir et de le faire de manière effective.
Par leur complémentarité et leur interpénétrabilité, les dimensions régulatrice et protectrice sont plus que jamais, indissociables. De nombreux projets de recherche en droit public sont, peu ou prou, interpellés par des préoccupations constitutionnelles transversales, telles que la pénétration des droits fondamentaux dans l’ordre juridique, l’incidence du fédéralisme sur la conception et la mise en œuvre des politiques publiques, l’articulation des pouvoirs et des fonctions étatiques, la légitimité et à l’étendue des prérogatives de puissance publique, la contractualisation de l’action publique, la redéfinition du rôle de l’Etat par rapport aux marchés libéralisés, la place du citoyen dans la définition de l’intérêt général, ou encore le rôle du juge constitutionnel dans l’ordonnancement des rapports sociaux.